François Ozon: «les Russes n’ont pas de problème avec les choses un peu irrationnelles»

Ekaterina Tchestnakova/RIA Novosti
Le réalisateur français François Ozon s’est rendu à Moscou pour la première de son film L’Amant double. Lors d’une interview pour la chaîne RT, il s’est confié au sujet de son œuvre, de sa vision du public russe et a révélé quel classique inspirait le cinéma français. Russia Beyond a réuni pour vous les meilleurs moments de cet entretien.

Bonjour François Ozon! Vous êtes venus à Moscou pour présenter votre nouveau film L’Amant double.

François Ozon: Bonjour.

Vous tournez quasiment un film par an. Comment arrivez-vous à trouver des sujets aussi extraordinaires que L’Amant double?

Je lis des livres, je vis, je rencontre des gens et je n’ai pas beaucoup de problème d’inspiration parce que pour moi il y a des sujets partout. Il suffit de se balader dans la rue, d’écouter les gens, si je vous demande par exemple votre vie personnelle, je suis sûr qu’on peut en faire un film. Il y a des sujets partout. Après c’est comment raconter l’histoire qui est important. Là dans le cas de ce film, ce qui m’a plu c’est quand j’ai découvert le livre de Joyce Carol Oates, qui est une écrivaine américaine que j’aime beaucoup, elle parlait de la gémellité de manière très surprenante, l’histoire de cette femme qui est entre deux hommes, c’est quelque chose qui m’a tout de suite intéressé, je me suis dit que c’est une bonne base pour faire un thriller psycho-érotique.

On peut trouver une dimension hitchcockienne dans votre film. Est-ce que vous vous êtes effectivement inspiré de ses œuvres?

Hitchcock est un cinéaste qui m’intéresse beaucoup parce que c’est quelqu’un qui travaille sur un jeu et une forme de manipulation avec le spectateur, et là dans le cas de ce film, c’est un petit peu la même chose. Et puis il a souvent fait des portraits de femmes névrosées, de femmes en recherche d’elles-mêmes, de leur identité, donc forcément il y a des liens. C’est un cinéaste que j’admire beaucoup donc quand on me parle d’Hitchcock je suis très content.

Avez-vous déjà commencé à réfléchir à votre nouveau film?

Oui, je suis en train de réfléchir à un nouveau sujet, je suis en pleine écriture. C’est une histoire très différente forcément de L’Amant double, parce que j’aime bien faire un film un peu contre le précédent.

Donc sans sexe, sans amour?

Il n’y aura pas beaucoup de sexe. Ce sera surtout sur des personnages masculins. Et ce sera beaucoup plus politique je dirais.

Ce n’est pas la première fois que vous êtes venu à Moscou pour présenter vos films. Que pensez-vous du public russe?

J’aime beaucoup le public russe parce que je le trouve très curieux, très attentif. Je sens beaucoup d’amour, il y a beaucoup d’intérêt pour mes films, donc j’en suis très heureux, parce qu’on fait des films évidemment un peu pour soi mais aussi pour le public, et quand vous rencontrez des gens qui vous disent : « Ah, j’ai vu tel de vos films, ça a été important pour moi », c’est très touchant. Surtout qu’en plus les Russes ne les interprètent pas forcément de la même manière que les Allemands, les Français ou les Italiens. En même temps je suis surpris que mes films soient aussi connus en Russie. Je me dis : « Tiens, c’est bizarre, comment ça se fait ? ». Mais je suis très flatté et toujours heureux de revenir à Moscou ou Saint-Pétersbourg pour les présenter.

Avez-vous remarqué des différences de perception de vos films en Russie et en France?

Je pense que les Russes n’ont pas de problème avec les choses un peu irrationnelles, ils aiment l’abstraction, alors que les Français ont besoin que les choses soient claires, bien rationnelles. Et sur un film comme L’Amant double, je sens que les Russes rentrent complètement dans cette tête et jouent le jeu du film, avec ce jeu sur l’imaginaire et le réel, alors que les Français sont très cartésiens. Ils ont envie que les choses soient claires, qu’est-ce qui est réel, qu’est-ce qui est faux, qu’est-ce qui est du fantasme, qu’est-ce qui est du rêve ? Donc peut-être que j’ai une âme slave, je ne sais pas…

Ma dernière question. Avez-vous peut-être des références particulières dans la culture russe ? Je veux dire, pas forcément dans le cinéma, mais peut-être en littérature...

En littérature forcément, l’auteur qui est le plus important et qui inspire beaucoup, je pense, de cinéastes français c’est Tchekhov, parce qu’il a une écriture, une manière de décrire des personnages qui est presque cinématographique. Ce sont des personnages toujours très riches, très ambigus, très mélancoliques et en même temps très vivants. Donc je pense qu’il y a beaucoup d’amour en France pour le théâtre de Tchekhov. Il y a souvent de très bonnes mises en scène de ses pièces.

Peut-être l’une des pièces de Tchekhov pourrait-elle constituer un sujet pour un de vos films ?

C’est-à-dire que je n’ai pas forcément envie d’adapter des chefs-d’œuvre, parce que je me dis que ça existe déjà en tant que chef-d’œuvre. Après je trouve que les adaptations… Enfin, j’aime Tchekhov au théâtre, je ne suis pas sûr d’avoir envie de voir ses pièces au cinéma.

Merci beaucoup !

Merci.

Source : RT

La version complète de l’interview est disponible en suivant ce lien.

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