«Grâce au cinéma, les spectateurs découvrent une autre Russie»

Renat Davletiarov.

Renat Davletiarov.

Maria Tchobanov
Paris accueille la 14ème Semaine du cinéma russe Regards de Russie qui se tient cette année du 9 et au 15 novembre dans les salles L’Arlequin, Le Majestic Passy et Le Reflet Médicis et ce avec le soutien du ministère russe de la Culture. RBTH a rencontré le producteur de la manifestation, Renat Davletiarov, réalisateur, scénariste et président de la Guilde des producteurs de Russie.

RBTH : La Semaine du cinéma russe se tient pour la quatorzième fois à Paris. Quels étaient ses débuts et qu’est-ce-qui a changé depuis ?

Renat Davletiarov : Les Semaines du cinéma sont une chose assez traditionnelle. Moscou accueille des Semaines du cinéma français, allemand, italien… Chaque pays souhaite présenter sa culture. Des Semaines du cinéma russe se tiennent dans de nombreux pays, mais celles de Paris ont une histoire intéressante. Il y a quinze ans, j’ai reçu un fax de la part des bureaux de Pierre Cardin. J’ai cru tout d’abord que c’était une plaisanterie, étant donné que nous ne nous connaissions pas. C’était une proposition d’organiser une grande manifestation du cinéma russe à Espace Pierre Cardin à Paris.

Nous avons réussi à organiser à distance, par le biais du courrier électronique, un grand évènement assorti d’une exposition d’arts. La Russie était représentée par une importante délégation de cinéastes russes. Mais nous nous sommes heurtés à une difficulté technique : nous ne savions pas comment placer les sous-titres. Nous avons trouvé dans une usine militaire une encombrante installation de 12 mètres que nous avons transportée à bord d’un camion jusqu’à Paris et qui nous a permis de projeter des sous-titres au-dessus de l’écran. Les cinq premières éditions ont été organisées dans l’Espace Pierre Cardin qui faisait en personne la publicité et qui hébergeait chez lui les membres de la délégation russe. Par la suite, nous avons été accueillis par L’Arlequin qui s’acquitte toujours merveilleusement de sa tâche.

 Le public français, est-il différent des autres ?

C’est un public magnifique qui n’est pas du tout comme, par exemple, les Américains. C’est une autre civilisation. Les Français s’intéressent à la culture des autres pays. À Paris, il y a des étudiants, des enseignants, des slavisants qui viennent et les russophones en constituent la moitié. Les salles ne sont jamais vides, bien que ce soit un cinéma un peu spécial pour les Français.

 Sur quoi vous guidez-vous dans le choix de films pour Regards de Russie ?

Puisque ce n’est pas un festival et qu’il n’y a aucun élément de concours, nous nous posons pour tâche de présenter toute la gamme du cinéma russe moderne. C’est une sorte de panorama avec des films d’auteur si ceux-ci ont été bien accueillis par le public russe, mais également avec des superproductions plus favorablement accueillies par les spectateurs de tous les pays. Le public étranger se fait de la Russie l’image présentée par les médias locaux. Mais par le biais du cinéma, les spectateurs découvrent une autre Russie, pas du tout celle des clichés existants. Ce qui est très important.

Dans les films que vous tournez, l’action est reportée souvent dans le passé. Vous avez très peu de films sur le monde moderne. Pourquoi ?

Pour moi, c’est l’histoire qui compte, peu importe l’époque où elle est placée. Je veux la raconter à tout le monde. En fait, chaque cinéaste aime se tourner vers le passé. Car là, non seulement on joue à la poupée, mais encore on lui confectionne des costumes et on lui construit des décors. Nous sommes des adultes qui jouons à la poupée. Cela dit, mes films sont très différents. J’ai réalisé ma propre version du film Ici les aubes sont calmes parce que le sujet est absolument génial et, franchement, j’ai été très ému en voyant des larmes dans les yeux des spectateurs français quand le film a été diffusé à Nice puis à Paris. Je veux remuer les cendres du passé. Mon grand-père a été tué à la guerre. 30 millions de victimes pour un pays, c’est une plaie qui ne se referme jamais. Mais c’est aussi une histoire universelle qui touche le spectateur, indépendamment de son pays d’origine.

Le programme de cette année comprend le film Orléans d’Andreï Prochkine qui figurait déjà au programme de l’année dernière. Pourquoi ?

L’année dernière, la projection du film La Patrie a été interrompue suite à l’attentat monstrueux de Paris. Plusieurs séances ont été également annulées le lendemain. Le film n’a pas été diffusé. Nous avons décidé de l’amener de nouveau afin que le public puisse visionner cette pellicule intéressante.

Quels sont les grands problèmes de l’industrie du cinéma russe, selon vous ?

Nous avons toujours eu du bon cinéma d’auteur. Il ne se passe pas une année sans qu’un film russe ne décroche un prix prestigieux à un grand festival. Nous avons plutôt des problèmes au niveau de films grand public. La Russie compte des milliers de salles qui sont toujours bien remplies. Nous sommes le quatrième marché du monde. Mais les films américains ont tout envahi. Comment peut-on rivaliser si le budget de The Revenant fait presque le double du budget annuel du cinéma russe ? L’État investit certaines sommes dans le cinéma, mais ne s’intéresse pas où va l’argent. Les investisseurs privés s’intéressent, eux, aux salles où sera vendu le produit fini. Or les salles diffusent Transformers ou Avengers, ce que demande le spectateur moyen.

Lire aussi : 

Assa, le film qui a donné le coup de grâce à l’Union soviétique

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies