Immortalisé dans le marbre, Pierre le Grand retrouve sa place à l'Institut de France

Culture
MARIA TCHOBANOV
Un buste de Pierre le Grand, donation de la Russie à l’Institut de France, a été inauguré le 5 octobre à la bibliothèque du palais de l’Institut. Point culminant d'une série d'événements consacrés au tricentenaire de la visite du tsar russe en France, cet événement a rappelé que les échanges scientifiques entre les deux pays sont à l'origine de l'établissement de leurs relations diplomatiques régulières.

Le 22 décembre 1717, Pierre le Grand est élu membre de l’Académie des sciences « hors tout rang et par acclamations », admission exceptionnelle dans l’histoire de l’Académie.

« Ce n’est pas le tsar qui a été élu, mais l’homme, Piotr Alekseïevitch Romanov, qui par ses qualités personnelles d’organisateur, de scientifique, de découvreur, a été reconnu comme un pair par les plus grands scientifiques français de l’époque », a précisé aux invités venus à l’inauguration, Catherine Bréchignac, secrétaire perpétuelle de l'Académie des sciences.

Durant son discours, elle a évoqué le dossier, classé par ordre alphabétique comme pour tous les autres membres, dont disposent les archives de l’Académie et sur le dos duquel figure l’inscription : «Pierre dit le Grand».

À l’intérieur se trouve une lettre, signée de la main du tsar, qu’il avait fait parvenir au Secrétaire perpétuel pour faire savoir qu’il acceptait son élection à l’Académie des sciences. La France lui accorda ainsi le titre d’académicien avant que la Russie ne crée sa propre Académie.

« En élisant Pierre la Grand membre +hors de tout rang+ il y a 300 ans, notre compagnie a été à la source de relations scientifiques entre nos deux pays. Depuis cette date, au travers des aléas de l’histoire, l’Académie des sciences a toujours été un lieu, où les hommes et les femmes de science français et russes ont pu échanger et participer ainsi à construire la science. Aujourd’hui nous nous devons de poursuivre cette tradition afin que notre futur soit aussi riche que notre passé et que de nouveaux scientifiques de renom poursuivent une tradition tricentenaire en œuvrant toujours plus au renforcement des relations entre la Russie et la France », a résumé Catherine Bréchignac.

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Le visiteur qui découvre pour la première fois le palais de l’Institut de France est frappé par le nombre impressionnant de bustes qu’il renferme. Répartis dans les couloirs, les salles de réunions, les salons, les bureaux, sans oublier la bibliothèque et la coupole, ils maintiennent vive la mémoire des savants, des écrivains, des artistes, des historiens, des hommes d’état - tous ces hommes qui ont siégé au sein de l’une des cinq Académies qui composent l’Institut de France.

Le Chancelier de l’Institut, Gabriel de Broglie, a noté dans son discours, que, numériquement, la collection de portraits sculptés de l’Institut venait juste derrière celle de Versailles, avec plus de 400 bustes (dont 143 sont en dépôt à Chantilly), datant du milieu du XVII siècle jusqu’à la fin de XX. Cette importante collection s’est constituée et enrichie grâce à des dons, des lègues de sculpteurs, d’académiciens, des achats d’État ou des dépôts.

« Nous sommes si fiers que ce majestueux buste de marbre de Carrare de Pierre le Grand, copie d’un buste conservé au Musée-réserve d’État Peterhof, réalisé par une élève du célèbre Falconet, Marie-Anne Collo, ait toute sa place dans la collection des portraits de ces grands académiciens », a déclaré Le Chancelier.

Alexandre Orlov, ambassadeur de Russie en France, a rappelé que l’idée d’une donation de buste de Pierre le Grand est née au mois d’avril de cette année lors de la visite de l’Institut de France par les membres du Congrès pétrovien, qui s’est tenu à Paris.

« Si on a pu réaliser ce projet en seulement six mois, c’est parce qu’il a été tout de suite soutenu par le musée de Peterhof, par la Fondation D. Likhatchov et la société Rostec, qui l’a financé. Les personnes de la compagnie italienne Model Idea Srl, qui a réalisé ce buste en marbre de Carrare, ont donné toute leur âme pour que le morceau qui devait être choisi pour cette œuvre soit le meilleur de ce qu’on puisse trouver », a remarqué l’ambassadeur.

Elena Kalnitskaïa, directrice générale du Musée-réserve d’État Peterhof, a précisé de son côté, que le modèle pour la reproduction du buste n’a pas été choisi par hasard. « Nous avons choisi un auteur peu ordinaire, le sculpteur français Marie-Anne Collo, qui a façonné la tête pour le fameux monument équestre de Pierre le Grand à Saint-Pétersbourg, qui est en quelque sorte, le symbole de la ville », a dit Elena Kalnitskaïa.

Elle a également dévoilé aux participants que lors du polissage manuel de la sculpture, une veine de marbre foncée traversant le visage du tsar est apparue. « C’est un phénomène naturel et on aurait pu l’accepter, car le marbre de Carrare, malgré sa beauté, est très capricieux. Mais les maîtres italiens ont décidé de confectionner un nouveau buste, argumentant, qu’il symboliserait la culture russe à l’Académie Française, et ont réalisé l’œuvre définitive en une semaine », a-t-elle expliqué, en exprimant sa gratitude et son admiration pour les artisans italiens.