Le siège de la mairie rue Gorki. Crédit : TASS
Les moyens de déplacer les bâtiments étaient connus avant la Révolution d’Octobre de 1917 en Russie. Ainsi, en 1812, le charpentier serf Dmitri Petrov a déplacé de plusieurs mètres une église en bois à Morchansk, dans le sud de la partie européenne de Russie : le bâtiment devait céder sa place à une nouvelle cathédrale en pierre. Il a alors été décidé de ne pas démolir la vieille église, mais simplement de la déplacer.
Toutefois, les exemples du genre n’étaient pas nombreux avant les années 1930. Cette pratique a connu son apogée à l’époque soviétique, lorsque la capitale du pays et les petites villes industrielles traversaient un véritable boom de construction. En 1935, une maison de 1,5 tonne a été déplacée de 250 mètres près d’une mine à Krivoy Rog. Un an avant, c’est un bâtiment à un étage, de 1 300 tonnes, qui a changé de place à Makeyevka.
A Moscou, le premier édifice à « déménager » a été une station d’alimentation près de la rue Tverskaya, qui a été déplacée de 25 mètres en 1935. Le projet était dirigé par l’ingénieur Emmanuel Guendel qui est devenu par la suite le plus grand expert soviétique de déplacement de bâtiments. Une dizaine de maisons à plusieurs étages ont été déplacées à Moscou au milieu des années 1930.
Fait intéressant : les locataires n’étaient jamais obligés de quitter les lieux et avaient toujours tous les services communaux. Du point de vue technique, l’opération se présentait comme suit : les ouvriers posaient d’abord des voies en acier sur le pourtour des fondations pour y placer des traverses et des rails afin de déplacer le bâtiment dans le sens voulu.
Cette technique a permis de sauver nombre d’édifices construits avant la Révolution qui devaient être démolis selon le Plan général stalinien de reconstruction de Moscou de 1935. En 1936, Moscou a mis en place une organisation spéciale chargée du déplacement des maisons, notamment du siège de la mairie rue Gorki, du théâtre MKhAT ruelle Kamerguerski et d’une maison rue Sérafimovitch.
Parmi les derniers à être déplacés : deux bâtiments d’instituts de recherche lors de la construction de l’avenue Komsomolski à la fin des années 1950.
Crédit : Lori/Legion Media
Les bâtisseurs soviétiques menés par l’ingénieur Victor Abramov et l’architecte Alexeï Douchkine ont réalisé une expérience unique en son genre lors de la construction, de 1947 à 1952, du gratte-ciel de la place Krasniye vorota, dans le centre-ville de Moscou. Le bâtiment haut de 138 mètres était construit en même temps que le hall de la station de métro Krasniye vorota dont le tunnel s’enfonçait à 24 mètres de profondeur.
Suite à l’affaissement du sol sous son poids, le building aurait inévitablement penché, étant donné que les travaux pour la sortie du métro impliquaient de creuser directement sous ses fondations. Normalement, il fallait achever la construction du vestibule, aplanir le sol et seulement après entamer la construction de l’édifice.
Mais étant donné le manque de temps, les ingénieurs ont décidé de geler artificiellement le sol (méthode employée dans la construction du métro) et de monter la charpente métallique du bâtiment avec une inclinaison de 16 centimètres du côté opposé.
Quand le sol a dégelé, l’édifice a commencé à peser de tout son poids pour prendre progressivement une position verticale. La moindre erreur dans les calculs des ingénieurs aurait pu entraîner l’effondrement du célèbre gratte-ciel.
Crédit : RIA Novosti
La technique de construction à base de tranchées qui est appliquée aux premières lignes du métro de Moscou au milieu des années 1930 était unique en son genre.
« Etant donné que le métro devait être construit directement sous les maisons des rues Volkhonka et Arbat, il a été décidé d’opter non pour un tunnel de faible profondeur (une grande profondeur était impossible suite à l’instabilité du sol), mais pour le creusement d’une tranchée, raconte Aïrat Bagaoutdinov, historien du génie civil. Deux murs en béton armé ont été aménagés dans le sol, après quoi ils ont été reliés par une plateforme horizontale. Grâce à ce resserrement, le bâtiment, qui s’appuyait ainsi sur une sorte de voûte souterraine, ne risquait plus de s’affaisser. »
Tous les travaux étaient réalisés « à la main », avec des pelles. Les premiers secteurs de tunnel ont été construits entre les stations Kropotkinskaya et Bibliothèque Lénine et entre Jardin Alexandrovski et Smolenskaya. Toutefois, la technique fut rapidement abandonnée et Moscou vit apparaître les premières stations à grande profondeur. Cette méthode de construction du métro n’a plus jamais été appliquée ni en Union soviétique, ni dans le monde.
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