Les incertitudes liées à l’évolution des cours du baril de pétrole, qui continue à osciller sous la barre des 50 dollars, couplées aux sanctions occidentales et à la dégringolade du rouble, plombent la consommation en Russie. « L’environnement économique russe est difficile, mais absolument pas comparable à l’effondrement qui s’est produit en Ukraine », souligne Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, un centre analytique créé à l’initiative de la Chambre de commerce et d’industrie des deux pays (CCIFR).
« Il faut nuancer selon les secteurs. Si certaines entreprises se portent très bien, d’autres sont à la peine », poursuit l’expert. Des investisseurs français nous disent comment ils ont pu faire face.
Leroy Merlin, qui a ouvert sa première enseigne en Russie il y a 11 ans, fait partie des sociétés qui ont le vent en poupe. « Nous avons un peu moins de clients, et ils achètent moins d’articles qu’auparavant mais notre chiffre d’affaires progresse. Pas autant que les autres années, mais de 5% à 10% tout de même pour 2015 », se félicite Vincent Gentil, directeur général de la filiale associée à la construction et au bricolage.
Ce succès, il le doit au concept de prix bas qui colle à la demande de la clientèle russe et que la marque a toujours mis en avant sur ce marché. « Nous n’avons pas modifié notre stratégie et nous maintenons nos plans de développement, comme notre niveau d’investissement en Russie », explique M. Gentil en précisant qu’à partir de 2017, Leroy Merlin ouvrira 20 magasins par an en Russie. Si la construction de nouveaux logements est à la baisse, Leroy Merlin peut s’appuyer sur le marché de la rénovation et l’amour que les Russes portent à l’aménagement de leurs datchas.
Le secteur de la construction reste sinistré
« La baisse du marché de la construction est importante et nous nous attendons à ce que cela continue en 2016 », confirme Gonzague de Pirey, directeur de Saint-Gobain Russie, avant de souligner que le groupe français parvient néanmoins à conserver ses positions sur le marché russe grâce à la stratégie mise en place depuis 2012, année où il a décidé d’accroître ses capacités locales de production, notamment dans la fabrication de mortiers qui étaient jusqu’alors partiellement importés de Finlande.
« Peu de nouveaux projets de construction ont été lancés au deuxième semestre 2015, ce qui veut dire que les huit prochains mois seront difficiles », analyse le responsable qui reste cependant convaincu du potentiel du marché russe. « En Russie, un habitant dispose d’une habitation de 24 mètres carrés, contre 40 en Europe. Les besoins de la population en mètres carrés, ainsi qu’en termes de qualité et de confort des bâtiments d’habitation sont très importants et Saint-Gobain est bien positionné sur ce marché », poursuit Gonzague de Pirey.
Maïsadour fait également partie de ces entreprises françaises qui font le dos rond et s’adaptent en attendant que les affaires reprennent. « Nous avons connu en 2014-2015 une baisse des volumes et du chiffre d’affaires d’environ 30%, sachant que lors de l’exercice 2013-2014, il s’élevait aux environs de 20 millions d’euros », précise Marc Lefort, directeur de la Business Unit Russie du producteur français de semences de maïs et de tournesol hybrides.
Des solutions originales pour gérer l’instabilité monétaire
Pour amortir les conséquences de la fluctuation du rouble, la société a mis en place, l’année dernière, une politique commerciale plus souple à l’égard des agriculteurs. Ces derniers paient les semences après la récolte, soit un délai de plusieurs mois, durant lesquels le cours du rouble peut fortement osciller. Maïsadour a décidé de fixer le prix des semences à un taux inférieur de cinq roubles au taux de change tel qu’il est le jour du paiement. Cette mesure a permis au groupe français de limiter les pertes, sans empêcher la diminution des volumes de vente. « Cette année et malgré les risques de dévaluation future, nous sommes revenus à une politique commerciale en roubles de manière à rester compétitifs sur un marché où tous les leaders mondiaux sont présents », souligne M. Lefort.
En parallèle, « nous commençons à développer la sélection et la production de nos semences en Russie avec l’objectif à moyen terme de nouer des partenariats avec des producteurs locaux, afin d’optimiser le coût de nos semences et la rentabilité des fermes qui nous font confiance », précise encore le directeur.
Pour l’instant, le semencier français ne remet pas en cause sa présence sur le marché russe qui « constitue 45% du marché européen de semences hybrides de tournesol et 15% de celui des semences de maïs. En volume et en chiffre d’affaires, la Russie est notre deuxième marché après la France », explique M. Lefort pour souligner l’importance de ce débouché pour Maïsadour.
La localisation en Russie de l’appareil de production des entreprises constitue un avantage pour amortir l’impact de la crise, mais il est des secteurs où elle n’est pas indispensable. C’est notamment le cas de celui des services.
L’importance du facteur humain
« Nous n’avons pas perdu un seul client du fait de la crise », assure Richard van Wageningen, directeur général d’Orange Business Services (filiale du groupe Orange) en Russie, qui avoue également « que la croissance n’est pas aussi importante que ces dernières années, mais que les activités progressent toujours ». Un succès que le directeur attribue à la décision stratégique de cibler les gros clients, russes ou étrangers.
Il admet volontiers que la loi entrée en vigueur en septembre dernier et qui contraint les entreprises à stocker les données personnelles des citoyens russes sur le territoire du pays, a stimulé la demande en matière de stockage local. « Les accords potentiels pour notre service de nuage ont augmenté de 70% », souligne M. van Wageningen, qui estime qu’indépendamment de la conjoncture, la très bonne qualité de ses produits n’est pas étrangère à son succès.
Indépendamment de la localisation de la production, d’une stratégie de développement adaptée aux réalités du marché russe, tous ces dirigeants, sans exception, insistent sur l’importance du facteur humain dans leur réussite. « Il faut pouvoir garder une équipe russe et ses cadres à un niveau de motivation maximal, tout en évitant qu’ils passent à la concurrence », résume Marc Lefort. Les chiffres de Leroy Merlin parlent d’eux-mêmes : le taux de rotation des 16 000 employés de l’entreprise est inférieur à 15%, ce qui est très bon en Russie, alors qu’il était encore de 30% il y a quatre ou cinq ans.
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