Russian author Ivan Bunin with friends in Grasse, France, 1933. Bunin (1870-1953) was a short story writer and novelist. He was not a supporter of the Bolsheviks and left Russia after the Revolution, settling in Grasse in the South of France in 1919.
Getty ImagesAssisterons-nous à une renaissance d’Ivan Bounine en France? L’institution La Renaissance Française en Russie, qui œuvre pour « le rayonnement de la langue française, de la culture française et francophone » et veille à « la protection des patrimoines », en est persuadée. Grâce à son initiative Projet Ivan Bounine. Pour le retour de Bounine à Grasse, cette ville française rendra hommage à l’écrivain et à l’homme le 3 juin prochain, en érigeant une statue à son effigie.
Ivan Bunin avec des amis à Grasse en 1933. Crédit : Getty Images
« C’est un retour symbolique. Cette manifestation revalorise cet écrivain quelque peu oublié », a expliqué le Maire de Grasse Jérôme Viaud à RBTH. C’est Andreï Kovaltchouk, le célèbre sculpteur russe, qui a décidé de faire don de son art en offrant une statue en bronze d’Ivan Bounine, qui sera installée dans le parc de la Villa Saint-Hilaire, bibliothèque patrimoniale de Grasse.
Deux expositions, l’une intitulée Dans les yeux de Bounine et l’autre, consacrée au travail d’Andreï Kovaltchouk, décoré de la Médaille d'or du rayonnement Culturel de la Renaissance Française et auteur de la célèbre sculpture NN à Léfortovo, accompagneront cet évènement symbolique, porteur des liens étroits qui unissent les cultures russe et française.Cadre propice à la création littéraire, le pays de Grasse a accueilli, de passage ou en villégiature, des grandes pointures de la littérature telles que Jean Giono, André Gide, Paul Valéry ou Maurice Maeterlinck, pour ne citer qu’eux, mais aussi de nombreux peintres et artistes. Ivan Bounine, qui a séjourné à Grasse pendant 16 ans, y a composé ses plus grands chefs-d’œuvre, tels que Les allées sombres ou La vie d’Arséniev.
« L’empreinte russe est particulièrement forte dans les Alpes-Maritimes », concède le Sénateur et ancien maire de Grasse, Jean-Pierre Leleux, qui figure à l’origine du projet. « Ce projet tend à la fois à rendre hommage à l’écrivain, et à parler, à travers lui, de l’histoire de cette émigration, mais aussi d’art et de littérature. Grasse possède tous les atouts pour rayonner par son action culturelle », a-t-il ajouté.
À Grasse encore, par une journée froide et pluvieuse d’automne, Bounine apprendra que le prix Nobel de littérature a été décerné, pour la première fois dans l’histoire, à un Russe (blanc), qui plus est « un exilé ». « De tous les plaisirs que ma vie d’écriture m’a procurés, ce coup de téléphone de Stockholm à Grasse (…) m’a apporté, en tant qu’écrivain, la satisfaction la plus complète », se souviendra-t-il.
Ivan Bounine, qui a reçu de son vivant les plus beaux hommages de la littérature, n’a sans doute pas la postérité qu’il mérite. Pour le sénateur Jean-Pierre Leleux, « il y a là une fragilité dans la mémoire collective ». Auteur injustement méconnu en France, mais jamais tombé dans l’oubli, ses nouvelles resplendissent tant par la beauté de la langue que par l’intensité des récits.
« Il n'a pas joui de la célébrité car il était en décalage avec son temps, et ce décalage continue à lui être préjudiciable », admet le Maire de Grasse Jérôme Viaud. « Mais je fais le vœu que Grasse donne un nouvel élan à la connaissance de Bounine », a-t-il déclaré.
Derrière la figure de proue des lettres russes, le caractère difficile d’Ivan Bounine, « d’une incorrigible susceptibilité », reconnait-il lui-même, n’en fait pas moins un grand homme, habité par le courage et la générosité.
« Comme je m’entendais bien avec vous! Au cours de la conversation, nous découvrions que nous étions d’accord sur rien, absolument sur rien », écrivit André Gide, sondant l’âme de celui qui pourrait recevoir, plus de 60 ans après sa mort, le titre de « Juste parmi les nations » pour avoir caché des juifs en France pendant l’Occupation. Le titre de « Juste », qui honore « ceux qui ont mis leur vie en danger pour sauver des juifs », est la plus haute distinction décernée à des civils par Israël.
Férocement anti-bolchevique, son exil en France ne lui fera pas oublier son amour pour la Russie, à laquelle il rend hommage, avec toute la délicatesse de sa plume, en décrivant les saveurs singulières des paysages russes et la richesse de sa culture. « Comment n’avons-nous pas sauvegardé cet héritage qu’avec orgueil nous appelions russe, nous qui croyions si fermement en sa force et en sa vérité? », questionne-t-il amèrement dans son roman autobiographique La vie d’Arséniev.
Ce sont aussi les fadeurs, les bassesses et la rudesse de la vie quotidienne qu’il retranscrit, notamment dans le sombre ouvrage Le village, que son ami André Gide qualifiera de roman « le plus puissant de la littérature russe du XXe siècle ». Tels d’illustres tableaux, Les Glaneuses de Courbet ou Récolte avant l’orage de Dupré, c’est finalement le portrait d’une Russie authentique, paysanne, que Bounine s’efforcera de saisir au travers de sa littérature.
« Il y a aujourd’hui des actions à mener pour partager et tisser des liens plus étroits avec cette culture russe d’une grande finesse et d’une sensibilité particulière », a témoigné le Sénateur Jean-Pierre Leleux.
De son côté, le Maire de la ville Jérôme Viaud a assuré que « le parc de la Villa Saint-Hilaire avec la statue d’Ivan Bounine sera une nouvelle étape dans le tourisme culturel et littéraire de la Côte d’Azur », ajoutant que « Monsieur l’Ambassadeur de Russie en France Alexandre Orlov a considéré ce projet comme le projet +phare+ de cette année nouvelle ».
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.