Le monument dédié aux victimes de la catastrophe de Tchernobyl. Crédit : service de presse
Le précédent de Tchernobyl
Andreï Kovaltchouk s’est engagé dans la sculpture à l’âge de 12 ans sous l’influence de son père, le célèbre architecte de l’époque Nikolaï Kovaltchouk. « Depuis mon enfance, j’étais plongé dans l’univers des arts. J’étais donc souvent présent dans des ateliers, mais cette passion pour l’art sculpté s’est formée progressivement ; j’étais quand-même un enfant ordinaire qui aimait jouer au ballon avec ses amis ».
Biographie
Mais ce n’est qu’en 1988 qu’Andreï Kovaltchouk, alors âgé d’un peu moins de 30 ans, remporte son premier concours pour un projet de monument aux victimes de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Le même sujet lui apporte la gloire et marque le début de sa carrière de sculpteur monumentaliste. Ce succès a sans aucun doute été le résultat du bouleversement émotionnel que l’artiste a subi à la suite de cette tragédie nucléaire du siècle. « Je considère que ce fut l’œuvre principale non seulement de l’époque, mais de toute ma carrière. C’était l’ère soviétique, et les sujets de la crucifixion et de l’abnégation étaient quasi-absents dans l’art monumental. Mais, la particularité de cette œuvre réside dans les bras tendus de l’homme qui se force dans son dernier élan à protéger le monde contre une catastrophe imminente. Ce thème est tellement tragique qu’il ne pouvait être exprimé avec moins d’émotions ».
Âgé aujourd’hui de 54 ans, Andreï Kovaltchouk est l’auteur de toute une série de monuments dédiés aux grandes personnalités ayant marqué l’histoire russe, dont le grand poète national Alexandre Pouchkine à Astana (Kazakhstan) ou Pierre Ier à Astrakhan. Mais on trouvera aussi parmi ses compositions des thèmes abstraits, dont les « Jeunes mariés », statue inspirée par le couple princier, Rainier III et Grace de Monaco. Des œuvres de ce sculpteur ornent en outre des villes européennes, notamment Munich, Turku et Paris.
Le projet du monument aux héros russes de la Première Guerre mondiale qui sera inauguré au mois d’août au Mont Poklonnaïa, à Moscou. Crédit : service de presse
Le choix des sujets de ses œuvres, il l’explique par son « intérêt pour l’histoire et par [sa] propre perception de tel ou tel événement. Au fur et à mesure de l’histoire, les émotions passent au second plan. De loin, tu peux avoir une vision plus large de la situation, percevoir un événement ou ses acteurs avec plus de confiance », élabore-t-il, tout en soulignant que ceci ne veut pas dire que les autres sujets, notamment les portraits des contemporains, le nu artistique féminin ou l’art animalier ne l’intéressent pas. « Je n’ai pas le temps pour tout aborder, surtout maintenant que j’exerce un rôle social en tant que président de l’Union des peintres ».
Le travail sur ses œuvres lui inspire un sentiment d’exaltation : « En sculptant, tu plonges dans un état qui t’emporte loin de la réalité, te laissant pénétrer dans un autre monde ». Kovaltchouk explique qu’en créant, il cherche avant tout à « retransmettre sa perception de l’univers, à faire découvrir sa vision du monde ». La « création d’une image » occupe une place centrale dans ce processus, la forme ne vient qu’après pour aider à véhiculer l’idée. « La forme non basée sur un concept tombe très vite en désuétude. C’est l’idée autour de laquelle est organisée la forme qui donne de la valeur à l’œuvre ».
Des héros de Normandie-Niemen à Pierre Cardin
La France figure en bonne place dans la carrière de l’artiste : en 2007 il sculpte un mémorial consacré aux légendaires pilotes de l’escadron Normandie-Niemen à Moscou. Quatre ans plus tard, en 2011, il crée une statue à l’effigie du grand maître de la mode Pierre Cardin. Aujourd’hui, cette sculpture se dresse sur les Champs-Élysées, à Paris.
Le sculpteur avoue que cette empreinte française ne doit rien au hasard : « La France a été le premier pays étranger que j’ai visité. En 1991, j’ai passé deux mois à la Cité internationale des arts de Paris. Ce séjour m’a laissé une très forte impression : j’ai visité les musées parisiens, j’ai admiré les monuments », raconte Andreï Kovaltchouk.
C’est avant tout le génie de la sculpture Auguste Rodin et les œuvres des impressionnistes français dans leur ensemble qui ont laissé une marque sur le style de Kovaltchouk. « Lorsque tu visionnes ces œuvres en abondance, elles pénètrent à l’intérieur de toi et ensuite tu génères inconsciemment ce que tu y as puisé », explique-t-il.
La page française dans le livre de sa carrière n’est pas tournée. En décembre prochain, il prévoit d’inaugurer une sculpture de l’écrivain russe Ivan Bounine dans la ville de Grasse.
La Première Guerre mondiale et la levée des tabous
Andreï Kovaltchouk dans son atelier. Crédit : service de presse
En 2013, Andreï Kovaltchouk a eu l’honneur de devenir le créateur du premier monument de Moscou dédié à la mémoire des soldats tombés lors de la Première Guerre mondiale. L’inauguration est prévue le 1er août prochain. La composition qu’il a conçue comprendra trois éléments : une colonne surmontée d’une statue de soldat russe du début du XXème siècle, Chevalier d’un ordre impérial de Russie, pour un ensemble d’environ 11,5 m de haut. Le deuxième élément sera une composition sculptée avec des scènes de combat en haut-relief organisées autour d’un drapeau tricolore russe en bronze. La dernière pièce sera un énorme banc de granit portant l’inscription : « Aux héros de la Première Guerre mondiale ».
L’histoire a voulu que l’exploit de l’armée impériale russe reste quasi inaperçue de nos contemporains et pourtant, rappelle Andreï Kovaltchouk, la Russie aurait pu figurer parmi les vainqueurs au même titre que la France ou la Grande-Bretagne. Mais la révolution de 1917 l’a retirée du conflit avant la victoire.
Le monument est un hommage au soldat ordinaire qui a dignement fait son devoir et défendu sa partie. « Ce soldat russe a honnêtement suivi son parcours et il mérite que sa mémoire soit honorée », explique le sculpteur qui se réjouit qu’à notre époque, il nous ait été permis d’éliminer la couche qui a recouvert pendant des décennies une partie de la réalité historique de la Russie, ouvrant aux artistes une infinité d’horizons encore inexplorés.
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