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Lauréat du prix Nobel de littérature, le poète et essayiste russe Joseph Brodsky a été expulsé de l'URSS en 1972 par le pouvoir en place, à cause de son travail créatif. Il n'est jamais retourné en Russie, bien qu'après la chute de l'URSS on l'ait invité plusieurs fois à revenir à Saint-Pétersbourg, sa ville natale, et qu'on lui ait même décerné le titre de « citoyen d'honneur » de la ville.
Néanmoins, la cité est devenue un héros à part entière des poèmes de Brosdky, car c'est là qu'il s'est construit en tant que personne et poète. Voici quelques endroits incontestablement liés à lui dans la « Venise du Nord ».
24, perspective Liteïny
Au deuxième étage de ce bâtiment, qui ressemblait, selon le petit Joseph, à un gâteau, la famille Brodsky vivait dans un « coin », que le poète appellerait plus tard « la pièce et demie ». Il y avait là la chambre de ses parents, l'atelier de photographie de son père, et un coin avec les livres de Joseph. Le poète n'a écrit un essai sur sa vie dans cet immeuble, titré Dans une pièce et demie, qu'une fois installé à New-York.
Aujourd'hui, il y a une plaque commémorative sur la façade de la maison Mourousis à la mémoire de Brodsky, et « la pièce et demie » elle-même est accessible lors d'expositions et de conférences qui y sont parfois organisées.
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26, rue Mokhovaïa
Brodsky a changé cinq fois d'école durant ses huit ans d'éducation. Étudier n'était pas important pour lui, et il n'a pas obtenu de certificat pour plusieurs matières, y compris pour l'anglais. À 15 ans, il a décidé d'abandonner l'école définitivement. Son amie d'enfance Olga Brodovitch, qu'il a rencontrée à l'école n° 191, la dernière qu'il a fréquentée, a évoqué lors d'une interview des anecdotes sur la vie de l’élève qu’il était : une fois, en classe, quelqu'un a passé une note à Brodsky, disant « Le dernier roman de James Aldridge est arrivé à la librairie de la rue Liteïny ». Il s'est alors levé et est parti acheter l’ouvrage... en plein milieu du cours. Le professeur était choqué lorsque Brodsky est revenu en classe avec son achat, et a convoqué ses parents à l'école.
1-3, rue Komsomola
Ayant abandonné l'école, Brodsky a obtenu un emploi d'opérateur fraiseur à l'usine Arsenal. Le jeune homme a notamment pris cette décision en lien avec son désir de soutenir financièrement sa famille.
Il n'a travaillé là qu'un an, mais les paysages industriels saint-pétersbourgeois ont continué « d'accompagner » le poète dans son œuvre.
4, place Statchek
En 1960, Brodsky a fait sa première grande apparition publique lors d'un « tournoi des poètes » au Palais de la culture. Il s'agissait en fait d'une protestation du poète juif contre les sentiments antisémites. Brodsky y a déclamé le poème « Cimetière juif », dont les vers audacieux ont causé un scandale :
Ils ont chanté pour eux-mêmes.
Ils se sont enrichis pour eux-mêmes.
Ils sont morts pour les autres.
Ils ont toujours payé leurs impôts,
respecté le règlement,
Et dans ce monde matériel comme une impasse
Ils commentèrent le Talmud
et restèrent des idéalistes.
[Traduit par Jean-Jacques Marie, Éditions du seuil]
Ce poème n'a pas été très apprécié par les membres du Parti présents dans la salle. La rébellion du poète autodidacte leur semblait inappropriée et honteuse.
15, rue Glinka
L'amour russe de Joseph Brodsky, la même M. B. qu'il a mise en lumière dans bon nombre de ses poèmes, vit toujours dans l’ancien hôtel particulier de Benois sur la rue Glinka. L'illustratrice Marina Basmanova ne l'a pas suivi aux États-Unis, mais ils n'ont jamais cessé de correspondre malgré la séparation. Le premier amour de Brodsky n'était pas une personnalité publique, et leur fils, Andreï Basmanov, n'aime pas être comparé à son célèbre père. Il avait seulement cinq ans quand Brodsky a quitté l'URSS.
38, rue Vosstania
C'est là qu'a eu lieu, en 1964, le procès de Brodsky pour « parasitisme social ». Cette affaire est devenue célèbre lorsque l'auteur et journalise Frida Vigdorova a publié les transcriptions de deux séances au tribunal. L'intelligentsia saint-pétersbourgeoise a alors commencé à propager les réponses amusantes de Brodsky dans le samizdat (réseau clandestin de diffusion d'écrits dissidents en URSS) :
« Juge : Quelle votre profession ?
Brodsky : Je suis un poète.
Juge : Mais qui vous reconnaît comme poète, qui vous a enrôlé dans les rangs des poètes ?
Brodsky : Personne. (il continue sans qu'on lui pose de question) Et qui m’a enrôlé dans les rangs de l’humanité ?
Juge : Avez-vous étudié pour être poète ?
Brodsky : Cela ne s’apprend dans aucune école. Cela est, cela vient de Dieu ».
[Joseph Brodsky, les mots et les ténèbres : biographie, extraits, bibliographies, sur le site culturel « Esprits nomades »]
126, Quai du canal de la rivière Moïka
La même année, le tribunal a soumis Brodsky à une évaluation psychiatrique forcée. Il a passé trois semaines à l'hôpital, et a noté plus tard que c'était « la pire période de sa vie ».
Le poète a révélé qu'il était parfois réveillé en pleine nuit, plongé dans un bain glacé, puis enveloppé dans un drap humide et installé à côté d'un radiateur.
L'évaluation a finalement déterminé que le « parasite » était capable de travailler.
4, place Birjevaïa
Alexandre Ivanovitch, père de Joseph Brodsky, était un photographe de presse militaire, et a rejoint le laboratoire photographique du Musée central de la Marine de guerre. Quand il y travaillait, le musée était situé dans le bâtiment de l'ancienne Bourse, sur l'île Vassilievski ; l’édifice appartient aujourd'hui au musée de l'Ermitage, et le musée a quant à lui été transféré dans les casernes Krioukov. Joseph y rendait souvent visite à son père, et lorsque ce dernier était occupé, il aimait se promener dans le musée et ses environs. En 1962, à ses débuts dans la poésie, il a mentionné ce lieu dans un poème qui est devenu l'un de ses travaux les plus emblématiques :
Je ne veux choisir ni le pays ni le cimetière. Mais je reviendrai mourir sur l'île Vassilievski.
Ces vers ont été écrits par Brodsky dix ans avant qu'il n'émigre aux États-Unis.
Dans cet autre article, retrouvez cinq faits à connaître au sujet de la principale femme-poète russe, Anna Akhmatova.
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