Nouveau cosmodrome de Vostotchny : ce qui a changé dans la Taïga

La fusée Soyuz-2.1 qui emportera le satellite scientifique Lomonossov, le satellite étudiant Aist-2D et le nanosatellite SamSat-218 sur la base de lancement du cosmodrome Vostotchny.

La fusée Soyuz-2.1 qui emportera le satellite scientifique Lomonossov, le satellite étudiant Aist-2D et le nanosatellite SamSat-218 sur la base de lancement du cosmodrome Vostotchny.

Igor Ageyenko/RIA Novosti
Le premier lancement depuis le nouveau cosmodrome de Vostotchny (Extrême-Orient russe) est prévu pour le 27 avril. Un journaliste de l’agence TASS s’est rendu sur les lieux pour se familiariser avec la nouvelle base de lancement et la ville autour d’elle.

Le nouveau cosmodrome russe qui doit remplacer son « homologue » Baïkonour, situé au Kazakhstan, est en chantier depuis quatre ans dans la région de l’Amour, territoire au climat rude qui se trouve à quelque 6 000 kilomètres à l’est de Moscou et où la densité de population ne s’élève qu’à 2,2 d’habitants par kilomètre carré. La décision de le construire a été adoptée en 2007, quand il est devenu évident que les anciennes infrastructures soviétiques exigeaient de gros investissements. La Russie a alors réalisé qu’il n’y avait aucune raison de placer des ressources aussi importantes dans un chantier situé à l’étranger, d’autant plus qu’elle prend Baïkonour à bail et que ses dépenses de location et à d’exploitation reviennent à environ 200 millions d’euros par an. Elle a décidé de construire son propre cosmodrome en prévoyant d’y investir au total entre 5,3 et 9 milliards d’euros.

Un coût aussi élevé est dû à la nécessité de créer toutes les infrastructures de zéro. D’ailleurs, par son ampleur, le projet rappelle les chantiers pharaoniques de Sibérie à l’époque soviétique.

Les années de construction ont connu des cas de retards sur le calendrier des travaux, des grèves, des affaires pénales et de vives critiques de la part du président envers les ouvriers.

Un envoyé spécial de l’agence TASS s’est rendu dans la région de l’Amour à la veille du lancement de la première fusée pour voir comment l’apparition du nouveau cosmodrome a changé la vie des Terriens dans cette région.

Deuxvilles– un seul nom

Ouglegorsk, Russie, 12 avril 2016 le 55e anniversaire du premier vol dans l'espace de Iouri Gagarine à bors de  Vostok 1. Crédit : Yuri Smityuk/TASS

Il y a à proximité du cosmodrome de Vostotchny deux villes à accès réduit (dites fermées). Ouglegorsk y existe depuis (presque) toujours, tandis que la cité scientifique de Tsiolkovski est encore en cours de construction. Du point de vue formel, les deux villes ont reçu une appellation unique – Tsiolkovski – il y a deux ans, mais la route les reliant reste inachevée. Les habitants ne sont toujours pas habitués à ce changement et parlent toujours d’Ouglegorsk pour la vieille ville fermée, et de Tsiolkovski pour la nouvelle.

Le premier cosmodrome a fait son apparition aux abords d’Ouglegorsk en 1996. Il a été baptisé Svobodny, en reprenant le nom de la plus grande ville de la région. Il devait assumer une partie des tâches de Baïkonour, ce dernier s’étant retrouvé à l’étranger, au Kazakhstan, après la chute de l’Union soviétique.

Le choix de l’endroit n’est pas fortuit. Une division de missiles stratégiques se basait dans la région depuis 1969. Pour ne pas attirer l’attention sur la construction d’aires de lancement de missiles balistiques, la cité militaire la plus proche a été baptisée Ouglegorsk (qui pourrait être traduit comme Charbon-ville). Le charbon, personne n’en a jamais extrait dans la région. Ouglegorsk a reçu le statut de ville fermée.

La division a été dissoute en 1994, mais les militaires sont restés travailler au cosmodrome de Svobodny qui a été mis en exploitation deux ans plus tard et qui a permis, en dix ans, d’assurer le départ de cinq lanceurs : un russe et quatre étrangers (un américain, un suédois et deux israéliens).

Le cosmodrome a cessé de fonctionner en 2007 et il a été décidé de créer sur sa base Vostotchny, un cosmodrome flambant neuf faisant presque le double de son prédécesseur.

Ouglegorsk est restée une ville fermée et une autorisation est toujours obligatoire pour y pénétrer. Elle compte aujourd’hui 6 000 habitants, autochtones et personnels des entreprises confondus.

Le temps semble s’y être arrêté : un stade envahi par les herbes folles avec de vieux gradins en béton, un bas-relief soviétique sur le mur de la Maison de la création pour enfants et une petite allée avec un monument au premier cosmonaute de la Terre, Youri Gagarine.

Selon Dmitri Tetenkine, chef adjoint du gouvernement de la région de l’Amour, les responsables de la région ont demandé d’inscrire Ouglegorsk sur le programme du développement des cosmodromes de 2016 à 2025 de l’Agence spatiale russe (Roskosmos).

La ville compte sur un réseau de gaz, la réparation de 33 immeubles et de 20 kilomètres de routes, ainsi que sur la construction d’un centre sportif avec deux piscines, d’un centre culturel avec une bibliothèque moderne et d’une Maison de la création pour enfants. Comme Ouglegorsk prévoit d’accueillir le personnel des maîtres d’œuvre du cosmodrome, il est indispensable de construire une école et deux jardins d’enfants. Les cadres bénéficieront d’un appartement à Tsiolkovski qui comptera 20 000 habitants.

Villeintelligente

Région de l'Amour, Russie, 5 mars 2016. La cité scientifique de Tsiolkovski en cours de construction. Crédit : Igor Ageenko/TASS

Pour l’instant, Tsiolokovski rappelle davantage un chantier, mais la ville accueille d’ores et déjà des spécialistes tant de Baïkonour que des régions centrales de Russie.

« Je suis un Leningradien (ancien nom des habitants de Saint-Pétersbourg, ndlr) de souche, je m’occupais des réseaux techniques dans ma ville natale, mais en 2013 j’ai décidé de venir m’installer à Tsiolkovski. C’est ici que j’ai trouvé ma femme qui travaille elle aussi dans une société desservant les installations techniques. Quand je suis arrivé, il n’y avait qu’un ancien héliport militaire et la taïga à perte de vue. J’étais chef d’une équipe des réseaux techniques. Nous avons passé le premier hiver directement sur la piste dans des abris-blocs qui étaient au nombre de huit. Nous avons élaboré sur place le projet du camp de base et des canalisations provisoires », raconte Evgueni Kovalenko, chef du projet des réseaux techniques, se tenant dans l’entrée de son nouvel immeuble.

Quatre immeubles et un magasin ont déjà été mis en exploitation dans la ville. Des bus font la navette entre le cosmodrome et Tsiolkovski. Le tour de la ville peut être fait en quelques minutes, mais il n’y a rien d’intéressant pour un étranger, à part déchiffrer les inscriptions des plaques des rues, qui ne sont qu’au nombre de deux. La première – cosmodrome oblige – porte de nom de Iouri Gagarine. La seconde a été appelée en référence à l’une des rues figurant dans un film culte en Russie, Ironie du sort : 3ème rue des Ouvriers. Pour l’instant, la ville s’arrête là.

L'installation de Soyouz-2.1 sur la base de lancement de Vostotchny. Crédit : Igor Ageyenko/RIA Novosti

On peut pourtant aller faire un tour du côté du stade, car le sport tient une place de choix dans la vie de la ville. Trois petits terrains de foot près des nouveaux immeubles et des pistes cyclables seront aménagés l’été prochain. Une école maternelle avec piscine ouvrira ses portes à l’automne.

Plus de 60% des appartements sont déjà occupés. Les finitions y ont été réalisées pour que les habitants puissent se concentrer sur leur travail sur le cosmodrome. Chaque appartement est doté d’un « écran intelligent » avec les statistiques sur les charges communales (factures d’eau, d’électricité, etc). Toutes ces informations se concentreront dans un centre de régulation. Ainsi, même si quelqu’un oublie de payer son loyer à la fin du mois, le système le fera automatiquement pour lui. La ville ne compte pas encore beaucoup d’habitants, mais les services d’urgence fonctionnent et sont regroupés au sein du système Ville en sécurité.

Texte abrégé. Version original publiée sur le site de TASS

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