«Triste farce»: Alexeï Navalny se lance dans la course présidentielle

Alexeï Navalny.

Alexeï Navalny.

Kommersant
Mettre fin aux oligarques, réformer les forces de l’ordre, se retirer de Syrie et d’Ukraine – l’opposant Alexeï Navalny présente son programme électoral, et les internautes et les politologues évaluent ses chances.

L’opposant Alexeï Navalny a annoncé son intention de se présenter à l’élection présidentielle de mars 2018. L’homme politique a lancé son site de campagne présidentielle sous le slogan « Alexeï Navalny – il est temps de choisir ».

« La Russie doit être un pays riche, libre et fort. Nous avons tout ce qu’il faut pour y parvenir : les talents et les ressources naturelles. Je me présente avec un programme qui vise à rendre la Russie juste et moderne, indique-t-il dans son communiqué. Nous avons besoin d’une discussion honnête, pas d’un énième show télé artificiel ».

Navalny n’a récupéré son droit de vote que récemment, en novembre dernier, quand la Cour suprême a renvoyé l’affaire de Kirovles en révision. C’est cette affaire, portant sur un détournement de fonds à l’usine Kirovles, qui empêchait l’opposant de participer aux élections. Valeri Vanine, membre du Barreau et juriste international, nous avait récemment expliqué que, désormais, Navalny bénéficiait de la présomption de l’innocence en attendant un nouveau procès. Par suite, sa condamnation avec sursis pour détournement de fonds est annulée.

L’homme politique a déjà lancé une collecte de fonds pour sa campagne. Leonid Volkov, compagnon de Navalny qui dirigera son équipe, présente les premiers résultats : « Il y a une heure, nous avons envoyé un message vidéo à nos partisans : en une heure, nous avons reçu 130 dons pour un montant supérieur à 3 090 euros ».

Navalny est également le premier candidat potentiel à avoir officiellement présenté son programme en vue des élections. Ses principaux points portent sur la lutte contre la corruption, la suppression des privilèges des oligarques par rapport aux citoyens ordinaires via un impôt ponctuel, la restriction des prérogatives des forces de l’ordre, une réforme de la justice, l’introduction d’un régime de visa avec les pays de l’Asie centrale et « l’arrêt de l’opération en Syrie et en Ukraine » [les autorités russes n’ont jamais reconnu le déploiement d’un contingent dans le pays voisin, ndlr].

Le Kremlin a déjà exprimé son attitude vis-à-vis de la déclaration de Navalny. « Aucun », a tranché le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, interrogé sur l’avis du Kremlin suite à la décision de Navalny de se présenter à l’élection présidentielle.

« Son objectif n’est pas la victoire »

Ce ne sont pas les premières élections auxquelles participe Navalny. En 2013, il a participé à l’élection à la mairie de Moscou et avait alors remporté 27% des voix. Sergueï Sobianine avait remporté le scrutin avec un résultat proche de 51%.

Ensuite, Navalny s’est consacré à des enquêtes anticorruption sur les hauts fonctionnaires du pays. Le résumé vidéo de l’enquête menée par son Fonds de lutte contre la corruption sur la famille du procureur général Iouri Tchaïka a été vu par 6 millions de personnes.

Crédit : Alexei Navalny / Youtube.comCrédit : Alexei Navalny / Youtube.com

« Navalny va animer la triste farce qu’est aujourd’hui l’élection présidentielle. Il garantira la participation électorale »,  écrit à ce sujet le célèbre blogueur Roustem Adagamov.

Pourtant, même parmi ses abonnés, ses chances de gagner ne font pas l’unanimité. « Alexeï, même si tu arraches au Kremlin le droit de te présenter, tu ne pourras jamais réunir les 2 millions de signatures », écrit @MihailKitaycev.

Pavel Saline, directeur du Centre d’études politiques de l’Université des finances auprès du gouvernement russe, estime que les chances de Navalny dépendront directement du format de la campagne présidentielle qui sera décidé par le Kremlin. Pour le moment, la question est en suspens.

On parle actuellement d’un format impliquant des candidats de l’opposition hors système, car les candidats de l’opposition systémique [les trois partis représentés actuellement au Parlement] sont, pour les électeurs, indissociables du pouvoir et donnent l’impression d’une absence d’alternative, explique Saline dans un entretien avec RBTH. Dans le cas contraire, on décidera d’organiser une campagne traditionnelle avec un candidat du pouvoir, plus les leaders de l’opposition systémique, et quelques figures tout à fait symboliques pour « faire l’animation ».

« Dans tous les cas, même si Navalny est admis et que l’appareil administratif est clément avec lui, je doute qu’il puisse gagner, estime Saline. Mais ce n’est pas l’objectif qu’il se fixe. Son but est de passer du rang de blogueur-opposant à celui d’homme politique d’envergure fédérale, reconnu par le pouvoir en tant que sparring-partners ».

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