La vie de la diaspora kurde en Russie

Moscou, Russie, le 10 février 2016. Inauguration de la représentation officielle du Kurdistan syrien à Moscou.

Moscou, Russie, le 10 février 2016. Inauguration de la représentation officielle du Kurdistan syrien à Moscou.

Valery Sharifulin/TASS
Depuis deux ans, les Kurdes du Proche-Orient font régulièrement la « une » des médias : en Syrie et en Irak, ils remportent des victoires contre les combattants de l’Etat islamique (organisation interdite en Russie, ndlr). Plusieurs dizaines de milliers Kurdes vivent en Russie et, pour beaucoup d’entre eux, la guerre de leurs compatriotes au Proche-Orient est une guerre personnelle.

Un simple immeuble dans le nord de Moscou, une grande chambre à la lumière tamisée. Plusieurs hommes à la peau sombre et aux visages durs et tendus fixent l’écran de télévision. La présentatrice parle en arabe de la progression des troupes en Syrie. Les hommes discutent à voix basse entre eux de ces nouvelles. Un immense portrait d’Abdullah Öcalan, fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), est accroché à côté de la télévision. En Turquie, aux Etats-Unis et dans les pays de l’Union européenne, ce parti est considéré comme terroriste et interdit. Depuis 1999, Öcalan purge une peine de prison à vie sur l’île turque d’Imrali. Pourtant, pour de nombreux Kurdes, il reste un symbole de lutte pour la liberté.

Deux grands drapeaux entourent le portrait d’Öcalan : le drapeau du Kurdistan et le drapeau tricolore de la Russie. C’est symbolique : nous sommes à la Maison kurde, lieu de rencontre de la diaspora kurde de Moscou.

« Mes ancêtres vivaient au Kurdistan du Nord, qui fait actuellement partie de la Turquie », nous raconte Vazir Kachakhi, rédacteur en chef du site Nouvelles du Kurdistan. « En 1915, ils ont fui en Russie pour échapper aux persécutions, puis ils sont restés ici. Je suis né ici, j’ai grandi et étudié ici et je suis, bien sûr, Russe. Mais je suis aussi Kurde ». Vazir travaillait à la banque, mais s’est petit à petit intéressé à la vie de la diaspora et a définitivement rejoint la Maison kurde.

Peuple divisé

Selon le recensement de 2010, plus de 60 000 Kurdes vivent en Russie. Les représentants de la diaspora se méfient, toutefois, du recensement. Vazir Kachakhi explique que les Kurdes ethniques ont souvent des noms arméniens ou géorgiens, ainsi, leur nombre réel pourrait être bien plus élevé.

Historiquement, les Kurdes venaient en Russie de Turquie, puis, après l’effondrement de l’URSS, d’Arménie et d’Azerbaïdjan, pays plongés dans la guerre en 1992–1994. Les Kurdes vivent principalement dans le sud de la Russie. C’est le territoire de Krasnodar (à 1 345km au sud de Moscou) qui concentre le plus grand nombre de Kurdes, selon le même recensement.

Le Kurdes sont divisés par la distance, mais aussi par la religion. Une partie des Kurdes russes sont musulmans, une autre – yézidis (religion uniquement pratiquée par les Kurdes). Les Yézidis ne peuvent se marier avec les représentants d’autres religions, ils ne s’assimilent donc pas avec les Russes. Les musulmans forment parfois des familles mixtes, mais ils sont également réticents. Vazir Kachakhi explique que « les Kurdes se marient principalement avec des Kurdes pour préserver leur foyer national ».

Les Kurdes russes prennent très à cœur tout ce qui se passe au Proche-Orient. « Nous avons certes déménagé en Russie, mais la plupart de nos proches sont restés là-bas », explique Vazir Kachakhi. « Nous sommes concernés par ce qui se passe avec les Kurdes au Proche-Orient ». Il est convaincu que son peuple joue un rôle crucial dans la lutte contre le terrorisme : « Les Kurdes sont une barricade qui protège le monde, et la Russie, contre l’intrusion des islamistes ».

Culture, langue, réussites

La diaspora accorde une grande attention à la culture. « Nous essayons d’organiser un maximum de réunions et de rencontres culturelles avec les musiciens de toutes les régions », raconte Farhat Patiev, président du Conseil d’autonomie nationale et culturelle des Kurdes, à la revue Bolchoï Gorod. La Maison kurde célèbre les fêtes musulmanes et yézidies et organise des conférences.

La question de la transmission de la langue est particulièrement importante pour la diaspora kurde en Russie. « Où qu’ils vivent et quelle que soit leur religion, les Kurdes parlent kurde entre eux », souligne Vazir Kachakhi. Patiev parle de la nécessité de développer l’enseignement en langue nationale : « Pour l’éducation (des enfants kurdes), il faut des livres en kurde, mais en Russie, pour le moment, ça se limite aux abécédaires ».

Malgré la proximité avec le Proche-Orient et ses difficultés, la diaspora kurde est parfaitement intégrée dans la société russe. « Nous avons des hommes d’affaires, des députés et des chercheurs kurdes », explique Vazir Kachakhi. « C’est bien ce qui fait de nous un peuple : nous réussissons dans tout et permettons à chacun de trouver sa voie ».

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies