Les militants des droits de l’homme sont préoccupés par la hausse notable du nombre d’étrangers expulsés de Russie. Les statistiques ont été publiées dans le rapport « Expulsions administratives en Russie – débats judiciaires ou refoulement massif ? », présenté par le Comité d’assistance civique à la mi-mai. La hausse des expulsions est observée depuis 2013.
Le rapport indique que le nombre de personnes expulsées du pays a triplé depuis 2012 pour s’établir à 137 000. Selon les militants des droits de l’homme, qui citent les statistiques officielles russes, entre 2013 et 2015, les tribunaux ont rendu plus de 500 000 décisions d’expulsion administrative, c’est-à-dire des expulsions liées à des infractions administratives.
La quasi-totalité de ces décisions (98%) était motivée par deux articles de loi, adoptés à la mi-2013. Ils portent sur le durcissement des peines pour violation des règles d’entrée, de séjour et de travail des étrangers en Russie. Les militants des droits de l’homme assurent que l’expulsion en Russie est désormais généralisée même pour des « violations minimes ». Par ailleurs, les tribunaux négligent régulièrement les droits des migrants et commettent de nombreuses irrégularités en rendant des décisions d’expulsion, expliquent les militants des droits de l’homme.
Outre les expulsions, le nombre de ceux à qui l’entrée dans le pays est interdite est également en hausse en Russie. En avril 2015, 1,3 million de personnes se sont vu refuser l’entrée en Russie, selon les statistiques du Service fédérale des migrations (FMS).
Le rapport souligne que les expulsions de masse permettent aux autorités de régler le « problème » de l’« immigration illégale ». Pour les militants des droits de l’homme, le durcissement des lois sur l’immigration est désormais « le principal outil de gestion des problèmes de politique intérieure et géopolitiques » aux yeux du Kremlin.
Le document sous-entend que les autorités répondent ainsi à la demande de baisse des flux migratoires, formulée par une partie de la société. De la sorte, elles font pression sur les pays dont les migrants sont issus. La Russie compte actuellement près de 10 millions de travailleurs migrants. Plus de 80% d’entre eux sont originaires des républiques de l’ex-URSS, avec qui la Russie maintient un régime de circulation sans visa.
Cependant, le rapport ne cite pas de données générales sur les raisons qui conduisent à l’expulsion des étrangers, comme la gravité des infractions commises par ces derniers. La directrice du Comité d’assistance civique Svetlana Gannouchkina a, toutefois, partagé ses estimations en la matière. Elle est convaincue que « le gros des affaires [d’expulsion] porte sur des infractions minimes ».
Le document ne cite que les infractions commises par les tribunaux moscovites dans leurs décisions d’expulsion et relevées par les militants des droits de l’homme. La capitale et sa région, ainsi que Saint-Pétersbourg et l’oblast de Leningrad, sont leaders en nombre d’étrangers expulsés.
Pour présenter le rapport et illustrer l’attitude des autorités vis-à-vis des migrants, certains médias citent le cas d’un ressortissant syrien qui a été aidé par le Comité. En 2015, les autorités migratoires ont refusé de prolonger le titre de séjour de Chava Mohammed en arguant qu’il pouvait rentrer chez lui, car « tout était calme à Alep ».
Toutefois, ils ne précisent pas comment cette histoire s’est terminée : le Syrien a finalement gagné son procès et a obtenu le droit de rester en Russie, même si son procès contre le FMS a duré plusieurs mois.
Dans un entretien avec RBTH, Alexandra Dokoutchaïeva, directrice du département des diasporas et de la migration à l’Institut des pays de la CEI, souligne que les décisions des autorités et des tribunaux peuvent être contestées. Elle précise, cependant, que c’est une procédure complexe qui doit être simplifiée, alors que les responsables qui prennent les décisions d’expulsion ou d’interdiction d’entrée doivent répondre pour les erreurs commises.
L’expert rejoint également les auteurs du rapport quant au fait que, ces dernières années, la législation sur l’immigration s’est considérablement durcie et que, désormais, une seule infraction administrative peut entraîner l’expulsion.
Par ailleurs, Dokoutchaïeva souligne que la situation doit être comprise à la lumière du régime de circulation sans visas avec les républiques de l’ex-URSS, ainsi que des tentatives infructueuses de contrôler l’immigration par le passé. « Une législation stricte sur l’immigration, en tant que telle, c’est mieux que l’absence de contrôle sur la présence de citoyens étrangers sur le sol national. Je ne vois pas d’autre mécanisme, il faut rétablir l’ordre », estime Dokoutchaïeva.
L’expert estime que la politique russe en matière d’expulsions et d’interdictions d’entrée n’est pas très différente de celle des autres pays. En effet, comme le montre la statistique officielle de l’UE, en 2014, 470 000 personnes dans 28 pays de l’Union ont fait l’objet d’une décision d’expulsion. Quelques années auparavant, ce nombre pouvait atteindre 600 000. La France et la Grèce détiennent des records en 2014 avec respectivement 87 000 et 74 000 décisions d’expulsion.
Les chiffres d’interdiction d’entrée en UE sont également conséquents. En 2014, les pays de l’Union ont refusé l’entrée à près de 300 000 personnes. Quelques années auparavant, l’Espagne a refusé l’entrée à 510 000 étrangers à elle seule.
Aux Etats-Unis, les chiffres sont comparables : en 2013, plus de 400 000 personnes ont été expulsées du pays. Au total, l’administration d’Obama a expulsé plus de 2,5 millions d’étrangers depuis 2009.
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