Faïz (le prénom est modifié) a fui la Syrie, déchirée par la guerre, il y a deux ans. Il s’est rendu en Russie avec un visa touristique. Quand son visa a expiré, il a demandé l’asile, mais a essuyé un refus. Bien que maîtrisant le russe, Faïz a eu dû mal à trouver un emploi. Personne ne voulait employer un étranger issu d’un autre environnement culturel et parlant le russe avec un fort accent.
« La Russie ne m’a pas accepté. Je ne parle pas seulement du refus de l’asile. Je parle de la société russe. On me regardait comme un intrus. On a refusé de me louer un logement ou alors on me demandait trois fois le tarif normal », se rappelle Faïz. « On me disait souvent : que fais-tu ici ? Rentre chez toi ! Mais je ne veux pas rentrer. Je veux juste une vie calme et paisible ».
L’histoire de Faïz est représentative. Selon le rapport d’Amnesty International Indice d’acceptation des réfugiés, la Russie est le pays le moins ouvert à l’accueil des réfugiés. Seuls 33% des Russes sondés se disent prêts à accueillir dans leur pays les personnes qui fuient la guerre et les persécutions et 1 % des Russes seulement sont prêts à accueillir les réfugiés chez eux. Dans le classement d’acceptation des réfugiés, les Russes sont le peuple le moins accueillant au monde.
Galina Negroustouïeva, conseiller à l’information du HCR (l’Agence des Nations unies pour les réfugiés) explique cela partiellement par la propagande active livrée par la presse russe, qui raconte les problèmes auxquels l’Europe est confrontée à cause des réfugiés. « Jour après jour, on nous dit et montre partout que les réfugiés c’est mal, que ce sont souvent des criminels et des terroristes qui vont en Europe à la recherche d’une vie facile et d’allocations élevées. Comment voulez-vous que les Russes soient tolérants envers les réfugiés après ça ? », explique Negroustouïeva.
L’attitude des Russes à l’égard des réfugiés ukrainiens, qui partagent un contexte culturel et historique avec la Russie, n’est pas la même.
Igor Solodenko, réfugié originaire du sud-est de l’Ukraine, est arrivé à Moscou il y a 2 ans. Il a d’abord trouvé un poste de coursier, puis de gardien. Solodenko garde un souvenir reconnaissant envers la Russe qui l’a employé dans son magasin : « Elle m’a aidé avec la nourriture et le logement. Je suis très reconnaissant. Les gens d’ici sont très compatissants, même si la bureaucratie reste la bureaucratie ».
Anastasia Iarymokha, réfugiée de Donetsk, partage son expérience : « Dans la vie courante, l’attitude envers nous a toujours été très bonne. Si on se comporte comme une personne normale, éduquée, tout le monde est très positif et prêt à se mettre à votre place. Nous avons eu un bébé, les locaux nous ont donné des vêtements pour enfant et de la vaisselle ».
Les réfugiés d’Ukraine et les réfugiés du Proche-Orient ou d’Afrique ne bénéficient pas du même accueil chez les Russes.
« Les réfugiés du sud-est de l’Ukraine sont, pour la plupart, des Russes ethniques. Extérieurement, ils ne présentent aucune différence. On ne les arrête pas dans la rue. Le sursaut patriotique de la société au printemps 2014 a également joué son rôle. La plupart des Russes se montrent tolérants à l’égard des Ukrainiens et sont prêts à les aider », précise Svetlana Gannouchkina, présidente du Comité d’assistance civique, organisme caritatif qui vient en aide aux réfugiés et aux personnes déplacées.
Mikhaïl Tcherniche, de l’Institut de sociologie de l’Académie russe des sciences, estime que l’intolérance des Russes à l’égard des réfugiés s’explique par la crise économique et la crainte que les réfugiés n’occupent leurs emplois.
« En Russie, l’afflux de migrants et de réfugiés entraîne des licenciements massifs. Pour les patrons, employer des réfugiés illégalement coûte beaucoup moins cher qu’employer un habitant local. Le problème, ce ne sont pas les réfugiés, mais le système : il n’y a pas de syndicats efficaces, les droits des salariés ne sont pas vraiment protégés », explique l’expert.
L’expérience d’Anastasia Iarymokha, originaire de Donetsk, en atteste : « Une femme dans le train a entendu ma conversation avec mon mari et, quand elle a appris que nous venions d’Ukraine, elle nous a dit que nous volions le travail des Russes ».
Par ailleurs, Mikhaïl Tcherniche estime que la société russe n’est pas xénophobe. « La Russie est un pays multiethnique. Depuis notre enfance, nous sommes tous entourés de personnes de différentes nationalités et confessions. Ce n’est absolument pas une question de xénophobie ».
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