Rue Arbat. Cliché pris en 2009.
Flickr.com/Alexandra ShatskayaComme beaucoup d’autres villes touristiques, Moscou abrite une zone piétonne, où, dans un cadre créé par d’anciens immeubles, les passants peuvent acheter des souvenirs, se faire tirer le portrait, et admirer les performances interprétées par des artistes de rue. Ou plutôt abritait. Les peintres, les musiciens ainsi que les vendeurs de souvenirs ont été chassés de l’Arbat, cette ancienne rue piétonne au cœur de la capitale russe considérée comme le Montmartre moscovite.
« Les étalages avec des matriochkas, des chapkas, des badges et autres souvenirs ont disparu du pavé il y a quelques années. L’été dernier, les étalages des bouquinistes ont été pliés et les musiciens chassés. A partir du 22 janvier, on nous a interdit de dessiner », tonne le peintre Vassili Potapov.
Tout au long de l’année, par tout temps, il y avait au moins 15 peintres sur l’Arbat. En été, le nombre d’artistes s’élevait à une cinquantaine. Certains d’entre eux venaient exercer leur métier ici depuis 10, ou même 20 ans, confie-t-il.
Crédit : Flickr.com/Puno 3000
Aujourd’hui, ceux qui donnaient de l’ambiance à cette rue il y a encore quelque semaines, se tiennent de côté, certains avec des cadres en main, en espérant que leurs clients potentiels les reconnaîtront. Mais en vain : la foule passe sans les remarquer.
Le 22 janvier, trois peintres de l’Arbat ont été interpellés. La police a confisqué leurs tableaux et pinceaux et a soumis les artistes à une amende de 2.500 roubles (30 EUR) pour « vente illicite d’objets d’art ». Pourtant, comme l’a bien précisé la préfecture, aucun permis n’est requis pour exercer un métier d’art de rue sur l’Arbat. Les musiciens, expulsés en été, s’étaient vu reprocher la violation du calme des citoyens.
« Les tentatives de nous expulser de l’Arbat remontent à l’année 2012. En mars 2014, ils ont eu recours à des mesures rigoureuses. Ils ont essayé de sanctionner le musicien Maxim Demidov pour organisation de rassemblements. (...) En juillet 2015, lorsque tout ceci a atteint son apogée, on a défilé avec la bouche scotchée en signe de protestation. Depuis, il n’y a plus de musiciens sur l’Arbat », témoigne Oleg Mokriakov, membre de la Communauté des artistes de rue.
Les artistes délogés considèrent que c’est une des propriétaires des boutiques locales qui est l’initiatrice de leur expulsion. Contactée par le correspondant du magazine Dengui, cette dernière s’est refusée à tout commentaire, précisant qu’elle s’opposait à la présence des artistes de rue en tant qu’habitante du quartier, en non en tant que commerçante.
Flickr.com/Boris Kerah
Après une discussion avec les habitants du quartier, il s’avère que ce que faisait la joie des Moscovites et des touristes était perçu par les locaux comme une source de bruit, de saleté et de criminalité.
« Si aujourd’hui tu autorises les peintres, alors les musiciens, les krishnaïtes et les alcolos les suivront », disent les habitants, soulignant que l’Arbat est une rue résidentielle qui n’est pas destinée aux concerts et vernissages.
« C’est le seul endroit où l’on trouve des portraitistes tout au long de l’année, regrette Vassili Potapov. La police nous a dit que nous pouvions nous installer sur le boulevard Gogol et que personne ne nous y touchera. Mais, dites-moi, pourquoi c’est permis là-bas et proscrit sur l'Arbat ? ».
Texte publié en version abrégée. Texte intégral en russe disponible sur le site du magazine Kommersant-Dengui.
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