Plusieurs musiciens de rue ont organisé jeudi des piquets dans la rue Arbat de Moscou, revendiquant le droit de travailler. Cependant, les autorités et la police estiment que leur travail relève de la mendicité.
Les Moscovites et les touristes regardaient avec étonnement les musiciens qui, au lieu de jouer, restaient muets, les bouches scotchées. Du ruban adhésif avait été collé également sur leurs instruments et sur les boîtes destinées à collecter de l’argent.
Silencieux, les artistes ont attiré même plus de badauds que lorsqu’ils chantaient et jouaient. Les gens se prenaient en photo avec eux et tentaient de comprendre le sens de leur action.
« Les autorités ont renforcé ces derniers temps la pression sur les musiciens et artistes de rue. Elles se vengent sans doute de la lutte engagée par les musiciens contre l’arbitraire qui règne depuis de longues années. Je joue dans la rue depuis vingt-cinq ans dont vingt durant lesquelles je me trouve confronté à l’arbitraire », a raconté aux passants et aux journalistes l’organisateur de l’action de protestation, Oleg Mokriakov.
La goutte qui a fait déborder le vase de la patience des artistes de rue a été l’arrestation d’enfants musiciens le 24 juin, a-t-il précisé.
« Je suis venue jouer, faire ce que je sais faire et ce que j’aime faire. Nous avons posé un chapeau pour collecter l’argent de ceux qui voulaient nous en donner. Or, on nous a déclaré que nous n’avions pas d’autorisation pour jouer », a dit Ekaterina Koulioukina, une adolescente d’une quinzaine d’années, qui a été appréhendée. Elle a été retenue au commissariat pendant cinq heures et n’a pas pu appeler ses parents immédiatement.
Les artistes dont les bouches n’étaient pas scotchées prononçaient le nom de l’ancien chef du département de la culture de Moscou, Sergueï Kapkov. Toujours selon Oleg Mokriakov, l’ex-responsable avait promis d’aménager des aires spéciales, d’organiser des festivals et de légaliser les artistes. Toutefois, Sergueï Kapkov a quitté son poste et aucune de ses généreuses promesses n’a été tenue, a-t-il rappelé.
La police n’est pas restée indifférente à cette action de protestation. Pendant que les musiciens parlaient aux journalistes, les policiers ont saisi les tableaux des vendeurs de rue.
Les tableaux ont été emportés au siège de la municipalité, située dans la même rue. Ayant appris la nouvelle, les participants à l’action s’y sont dirigés. Les artistes indignés ont eu la possibilité de parler au chef de l’arrondissement municipal, Evgueni Babenko, qui leur a montré la résolution du conseil local de 2012 sur l’interdiction pour les musiciens d’utiliser des amplificateurs. Le document enjoignait aux artistes d’élaborer un « concept de présence dans la rue piétonne Arbat » pour les peintres et musiciens. Les artistes ont déclaré pour leur part qu’ils voyaient ces documents pour la première fois.
L’indignation a éclaté après l’apparition sur les lieux de policiers accompagnant trois acteurs réalisant des « statues vivantes ». Eugène Onéguine (Artiom) a raconté qu’ils avaient été accusés de mendicité. Il s’est avéré pourtant impossible de préciser qui avait donné l’ordre d’arrêter les artistes.
Peu à peu, l’action de protestation s’est déplacée vers les portes de la municipalité. Des piquets isolés ont été également organisés par des peintres dont les tableaux confisqués avaient été chargés sur des chariots.
Les touristes étrangers regardaient avec incrédulité les musiciens aux bouches scotchées.
« J’estime que c’est tout à fait normal, a dit à Gazeta.Ru Wai Yen, une touriste chinoise. Chez nous, à Hong Kong, il y a eu récemment une manifestation de musiciens de rue qui revendiquaient le droit de jouer librement. Il est vrai que parfois notre police les arrête aussi parce qu’ils sont trop bruyants. »
Les Moscovites ne voient eux non plus aucune raison de chasser les musiciens de l’Arbat. D’après Boris, qui a habité dans la rue, c’est une bonne occasion d’admirer des professionnels jouer et d’écouter de la musique de chambre. Pour les débutants, Arbat a toujours été l’endroit où trouver des compagnons de route, d’apprendre des choses nouvelles ou de former un groupe. « Nul besoin d’organiser des concours : il suffit de venir ici pour trouver de nombreux talents », a-t-il souligné.
Le différend entre les musiciens et les autorités sera évoqué lundi 6 juillet lors d’une table ronde.
Texte original en russe publié par gazeta.ru
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