La perte de Palmyre, un signal inquiétant pour la Russie

Palmyre, Syrie.

Palmyre, Syrie.

AP
La ville symbole de nouveau sous le joug des terroristes

Le 11 décembre, Daech s’est de nouveau emparé de la ville ancienne de Palmyre, qui avait été libérée en mars 2016 par l’armée syrienne avec le soutien de l’aviation russe.

Palmyre était alors devenue le symbole des victoires russes en Syrie. Avant la libération de la ville, les terroristes avaient mené des exécutions de masse sur les ruines antiques de cette cité antique. Après la libération, le célèbre musicien russe Valeri Guerguiev avait donné dans l’ancien théâtre de la ville un programme musical intitulé « Prière pour Palmyre », qui avait été diffusé dans le monde entier. C’était clairement un grand succès de la politique étrangère de la Russie.

En avril, les soldats russes quittaient la ville, laissant son contrôle à l’armée syrienne qui n’a pas pu résister à l’attaque de Daech. La reprise de Palmyre par les djihadistes a terni l’image de la Russie dans le monde en un clin d’oeil.

La faiblesse de Palmyre était due, au moins partiellement, au fait que l’armée syrienne et ses alliés, dont des volontaires iraniens, avaient concentré leurs efforts sur la prise d’Alep. Entretemps, Daech était harcelé par la coalition antiterroriste menée par les États-Unis sur trois axes. D’abord, les forces américaines, irakiennes et kurdes ont attaqué Daech aux abords de Mossoul. Puis, près de la ville d’Al-Bab, où les troupes turques et leurs alliés de l’Armée syrienne libre ont frappé les djihadistes. Enfin, avec le soutien du Pentagone, les Forces syriennes démocratiques, qui réunissent Kurdes et Arabes, ont affronté les terroristes dans la ville de Raqqa, considérée comme le fief de Daech en Syrie.           

Dans ce contexte, Daech a besoin d’une victoire éclatante pour conserver son image auprès des terroristes et attirer l’attention dans le monde entier. On suppose que Mossoul ne soit pas l’endroit où il pourrait marquer des points en termes d’image, car toute information négative sur les États-Unis et leurs alliés ou sur les succès probables de Daech serait bloquée. Associate Press, BBC et les autres titres de presse occidentaux ne publieront sans doute aucun reportage sur les victimes civiles des bombardements de Mossoul, et s’abstiendront soigneusement de couvrir les défaites et les pertes de la coalition menée par les États-Unis. Par ailleurs, les troupes kurdes et turques ont saisi plusieurs villes et repris contrôle de vastes étendues de territoire appartenant auparavant à Daech. Ainsi, en reprenant Palmyre, Daech donne l’impression de rétablir l’équilibre.

Le problème est que la ville antique n’était pas suffisamment équipée militairement et s’avérait ainsi très vulnérable. C’est pourquoi les terroristes ont concentré leurs forces précisément ici. Les soutiens de Daech diffuseront probablement plusieurs exécutions télévisées dans la vieille ville pour renforcer leurs positions et créer davantage de publicité.

Pour les États-Unis et leurs alliés, la reprise de Palmyre par Daech pourrait avoir des implications stratégiques. Après tout, l’Occident accuse les autorités syriennes de combattre l’opposition démocratique modérée plutôt que les terroristes. Palmyre était un atout souvent brandi par Moscou et les autorités de Damas. Aujourd’hui, il serait difficile de démonter toute allégation américaine sur l’échec. L’Occident pourrait de nouveau soulever la question du renversement du président syrien Bachar el-Assad. De plus, il pourrait proposer de nouvelles sanctions contre la Russie pour son soutien au régime syrien.

Malheureusement, le Kremlin apparaîtra comme un perdant aux yeux de la communauté internationale. Récemment, Poutine a déclaré que l’armée d’Assad était la seule force efficace capable de résister aux terroristes. Cependant, les succès militaires des troupes turques et kurdes et le retrait des forces syriennes de Palmyre mettent à mal les assertions du chef de l’État russe.

Toutes les victoires et défaites de Damas sont perçues comme des victoires et des défaites de Moscou. Il reste à voir comment la Russie affrontera ce problème, alors qu’elle n’a pas de soldats au sol en Syrie. Ni les Syriens, ni leurs alliés iraniens ne combattront pour la Russie à Palmyre. Cela ne veut pour autant pas dire qu’ils ne tenteront pas de reprendre la ville. Toutefois, la question est de savoir qui cherchera à libérer Palmyre alors que la plupart des troupes syriennes sont actuellement concentrées sur Alep.       

Ce problème pourrait être résolu si le Kremlin élabore une nouvelle stratégie et fixe un nouvel objectif pour la participation de la Russie dans la campagne syrienne. On ne rejoint une guerre que pour gagner. Les frappes aériennes pourraient apporter une contribution importante à la victoire, mais des soldats au sol sont l’unique manière classique de conduire des opérations militaires avec efficacité.   

Si la Russie ne considère plus l’armée syrienne comme fiable, elle ferait mieux d’envoyer ses propres troupes en Syrie ou de créer sa propre armée composée d’habitants locaux. Sachant que de nombreux officiers syriens préfèrent être sous commandement russe, ce n’est, après tout, pas impossible. 

Texte original en anglais disponible sur le site de Russia Direct. Russia Direct est un média analytique international spécialisé dans la politique étrangère.

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