Ces hommes en noir qui assurent la protection du président russe

Le Premier ministre russe Vladimir Poutine (3e à droite) est arrivé à la cérémonie de dépôt de couronnes au mémorial des soldats soviétiques libérateurs à Vienne.

Le Premier ministre russe Vladimir Poutine (3e à droite) est arrivé à la cérémonie de dépôt de couronnes au mémorial des soldats soviétiques libérateurs à Vienne.

Maxim Shemetov / TASS
Russia Beyond a voulu savoir ce qui est permis à la structure la plus secrète de Russie et ce qui lui appartient.

Le Service de protection des hautes personnalités (FSO) est une structure puissante, polyvalente et très fermée, sans doute la plus secrète de toutes dans le domaine du maintien de l’ordre : ses activités ne font l’objet que de suppositions. Aucune donnée ouverte sur ses opérations, pas le moindre compte rendu accessible au public. Pendant seize ans il a été dirigé par le général d’armée Evgueni Mourov, ancien compagnon de route de Vladimir Poutine issu, comme le président russe, des structures de force de Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg). Le jeudi 26 mai, le président a remplacé Evgueni Mourov par son adjoint, le Moscovite Dmitri Kotchnev.

La démission d’Evgueni Mourov est liée à l’âge limite de la retraite pour un fonctionnaire : en novembre dernier, il a fêté son 70ème anniversaire et les médias évoquaient depuis longtemps son inévitable départ. Le général Mourov, l’une des personnalités les plus influentes du pays, est devenu directeur du Service onze jours après l’accession de Vladimir Poutine  au poste de président et n’a jamais cédé ses positions depuis. Le voici aujourd’hui à la retraite.

Les informations au sujet du nouveau directeur sont très maigres. Dmitri Kotchnev est un homme sans biographie : les sites du Kremlin et du FSO n’en soufflent mot. On sait seulement qu’il dirige depuis fin 2015 le département de la sécurité présidentielle (une section du FSO) et que sa femme a gagné l’année dernière, selon sa déclaration d’impôts, 58,1 millions de roubles (presque 790 000 euros), soit plus que n’importe quel employé du FSO. Toutefois, malgré son caractère fermé, il existe un peu plus d’informations sur la structure qu’il dirige.

Le corps numéro un

Les racines du Service de protection des hautes personnalités remontent à un département du KGB, cette structure d’Etat de l’époque soviétique aux très larges pouvoirs. Ce département était responsable de la sécurité des hautes personnalités et son devoir essentiel était de garder le « corps numéro un ». Une rumeur circulant depuis quinze ans veut que les opérations les plus risquées du président – comme la descente au fond du lac Baïkal à bord d’un mini sous-marin ou le vol à bord d’un avion de chasse – soient réalisées par un sosie de Vladimir Poutine.

Parfois les membres du Service sont vêtus de complets noirs avec des micros tour d’oreille. Ils sont en civil et se fondent dans la foule à d’autres occasions. Ses employés sont dignes de la plus haute confiance. Bien qu’ils ne puissent résister quelquefois à la tentation de faire un selfie et de le publier sur les réseaux sociaux. Les journalistes ont plus d’une fois repéré de telles photos avec des informations personnelles sur l’auteur. Le FSO assure la protection non seulement du président, mais également de juges, de témoins, de fonctionnaires, ainsi que de bâtiments importants comme le Kremlin ou le siège de la Douma (chambre basse du parlement russe). Toutefois, ce n’est que l’une des missions (et capacités) : sous le général Mourov, le FSO luttait pour de nouveaux pouvoirs et pour le statut de première structure spéciale de Russie face à son adversaire principal, le Service de sécurité (FSB). Et tout porte à croire qu’il a vaincu.

Des milliards d’euros en jeu

Au milieu des années 2000, le FSO a été entraîné dans une confrontation entre les structures de force de l’entourage le plus proche du président russe. La lutte sournoise s’engagea non seulement pour la proximité du personnage numéro un, mais également pour le contrôle des flux financiers, des biens et des ressources. En 2007, ce conflit couvant depuis longtemps a éclaté au grand jour : la « guerre intestine » a été évoquée non seulement par les médias, mais aussi par les chefs de ces structures.

Le FSO a eu des heurts tant avec le FSB (et ils n’ont pas fait la gloire du premier) qu’avec la Direction des affaires de l’administration présidentielle où les « gardes du corps de Poutine » ont eu le dessus. Une lutte s’est engagée pour les biens de l’Etat : la Direction gérait les établissements de cure, les sociétés du bâtiment et des transports, les centres de restauration du pouvoir fédéral, ainsi que l’immobilier de l’Etat à l’étranger et des dizaines de projets de promotion. Aujourd’hui, indique l’édition RBC, selon le Registre unique, toutes les résidences du président relèvent non de la Direction des affaires de l’administration présidentielle, mais soit de la Fédération de Russie elle-même, soit du FSO.

Parmi les « actifs » du FSO figure l’entreprise affiliée Ateks. Cette filiale du FSO a été mise en place sur ordre d’Evgueni Mourov en 2003 pour s’occuper de la construction de bâtiments d’importance nationale et gérer le budget dans le domaine de la distribution de contrats et de la publication d’appels d’offres pour des millions et des milliards de roubles (par exemple, pour la restauration des murs et des tours du Kremlin, du mausolée de Lénine ou du Conservatoire de Moscou).

Sociologie pour le président

Mais les activités du FSO ne se limitent pas à la gestion de sommes exorbitantes. Le Service étant quasi tout-puissant, ses hommes ont le droit de procéder à des enquêtes, de mettre sur écoute, de passer outre au secret de la correspondance, d’appréhender des personnes, de procéder à des perquisitions et de saisir des voitures.

Assurant la garde des bâtiments secrets, les membres du FSO sont également responsables des routes le long desquelles ceux-ci sont situés. Ils contrôlent une rue sur douze dans Moscou et ceux qui ont la chance d’y habiter possèdent traditionnellement un dossier avec des informations les concernant.

En outre, le FSO réalise des sondages de la population. Et la discrétion est totale. Ces données sont soumises au président, au Conseil de sécurité national et au gouvernement qui, paraît-il, s’appuient sur elles en prenant leurs décisions. Il s’agit avant tout des cotes de popularité des leaders de partis et de l’opposition, ainsi que du monitorage de la situation socio-économique dans les régions. Si un gouverneur a démissionné pour « manque de confiance », c’est très probablement avec l’aide du FSO.

Le pouvoir de cette structure s’est élargi récemment à la mise en place et au développement du segment russe d’Internet pour les fonctionnaires. Ce sont ses hommes qui sont désormais responsables des canaux cryptés de communication.

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