Le dernier empereur Nicolas II, son épouse, leurs cinq enfants et cinq de leurs serviteurs ont été assassinés le 17 juillet 1918. Après avoir été tués par balles dans un sous-sol, leurs corps ont été jetés dans une tombe anonyme et brûlés. Cela a mis un point final à l’histoire séculaire de la monarchie russe, et la question de son retour au pouvoir n’a jamais été sérieusement soulevée depuis.
Mais voici le paradoxe : même 101 ans après, le dernier tsar est toujours populaire. En 2018, selon un sondage de VTsIOM, les Russes avaient une meilleure opinion de lui que de Lénine et Staline.
Il en découle, semble-t-il, que les Russes devraient soutenir plus ou moins massivement les mouvements monarchistes. Mais c'est loin d'être le cas.
Seules quelques personnes dans le pays ont vu de leurs yeux la monarchie russe, l’expérience personnelle n’affectant donc pas le choix des monarchistes modernes. « Je suis fan d’histoire depuis mon enfance, y compris en dehors de l'école. Et je suis peu à peu arrivé au monarchisme », racontait à Russia Beyond en 2017 Alik Danielian, 18 ans, l'un de ceux qui se qualifient aujourd'hui de « monarchistes ». Alik est à la tête du groupe Enclave monarchiste, qui compte près de 14 000 abonnés sur VKontakte (Facebook russe).
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En 2017, la monarchie en Russie est devenue un sujet à la mode et a entraîné de graves conflits. Et tout cela ne tenait pas tant au centenaire de la révolution tout proche et de l'assassinat de la famille royale qu'au combat entre Natalia Poklonskaïa, membre de la chambre basse du Parlement russe, et les créateurs du film Matilda consacré à la relation amoureuse entre Nicolas II et la ballerine Mathilde Kschessinska (film « blasphématoire », selon la députée).
Comme le montre un sondage, les Russes qui, comme Alik, sont pour le retour de la monarchie représentent 8% de la population. Le choix de 19% des sondés varierait en fonction de la personnalité de celui qui monterait sur le trône. Et 66% des Russes sont catégoriquement hostiles au retour de la monarchie. Comme le note le politologue Fiodor Kracheninnikov : « Après 70 ans de propagande soviétique en Russie, la monarchie est obstinément liée à la dictature d’un seul homme et non pas aux valeurs avec lesquelles on l’associe en Europe ». En outre, la plupart des Russes estiment que le renversement de la monarchie n'était « pas une perte très significative » pour le pays.
Les restes de la famille impériale ont été enterrés avec les honneurs en juillet 1998 (mais pas les dépouilles du prince Alexeï et de sa sœur Maria, qui sont toujours dans les archives de l'État). Lors de la cérémonie, le président russe Boris Eltsine a déclaré que ce massacre « était l'une des pages les plus honteuses de notre histoire ». « Ceux qui ont commis cette atrocité et ceux qui l'ont justifiée pendant des décennies sont coupables », a-t-il ajouté.
Seuls 3% des Russes estiment que l'exécution de la famille impériale était un châtiment juste pour les erreurs de l'empereur. En 2000, l'Église orthodoxe russe a canonisé les Romanov assassinés en tant que martyrs, puis un rituel lié à leur vénération et un pèlerinage a vu le jour : les lieux saints étaient constitués de la cathédrale située sur le site de la maison Ipatiev, où l'exécution a eu lieu, et de Ganina Yama, à Ekaterinbourg, où les corps ont été brûlés. En 2018, plus de 100 000 croyants sont venus de toute la Russie, ainsi que d'Ukraine, de France, de Grande-Bretagne, des États-Unis, de Nouvelle-Zélande et d'autres pays. Beaucoup d'entre eux ont prié toute la nuit, à genoux sur l'herbe ou directement sur l'asphalte, certains pleurant.
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Mais peut-on y voir un lien avec le monarchisme aujourd'hui ? Certains historiens pensent que non. « À Ekaterinbourg, où se déroulent les plus grands événements marquant le centenaire de l’assassinat des Romanov, ceux-ci sont des saints martyrisés vénérés par des pèlerins dévoués, sans aucune référence à la politique ou aux idéologies », a écrit Ala Creciun Graff, candidate ès Sciences à l'Université du Maryland. La canonisation a transformé les débats politiques autour des Romanov en sujet religieux, en symbole de foi. En outre, l'une des conditions de la canonisation était de ne pas utiliser les Romanov dans la lutte politique après qu'ils eurent été reconnus saints.
Les membres de la famille Romanov sont aujourd'hui nombreux - ils sont principalement dispersés dans toute l'Europe occidentale et aux États-Unis et sont les descendants des quatre fils de l'empereur Nicolas Ier. La sœur de l'empereur assassiné Nicolas II, Xenia Alexandrovna, par exemple, s'est installée à Frogmor House, à proximité du palais de Windsor, qui est maintenant occupé par le prince Harry et Megan Markle. Certes, même si le trône russe existait toujours, aucun des descendants des Romanov ne pourrait y prétendre (nous avons expliqué pourquoi).
Néanmoins, ils viennent souvent en Russie, surtout le jour commémorant l'exécution de la famille impériale, et soutiennent également la politique de Vladimir Poutine. « Nous ne prenons essentiellement part à aucune forme de lutte politique », a déclaré le chef de la Maison Romanov (organisation regroupant la majorité des représentants des Romanov enregistrée en Suisse), la Grande-Duchesse Maria Vladimirovna. Elle affirme également que la Maison Romanov est opposée à la restitution des biens appartenant à leurs ancêtres et ne la réclame pas, pas plus qu'elle ne demande une indemnité puisée dans le budget. Son fils, le Grand-duc George, a occupé de 2008 à 2014 un poste officiel au sein de la société russe Norilsk Nickel, la plus grande entreprise métallurgique au monde. Il était conseiller du directeur général de l'usine et défendait les intérêts de l'entreprise au sein de l'Union européenne.
Quel Romanov détient les droits sur le trône russe ? Trouvez la réponse dans cet autre article.
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