Perdre conscience d’effroi: la catastrophe du SSJ-100 racontée par les survivants

Xinhua/Global Look Press
Le 5 mai, un Sukhoï SuperJet 100 de la compagnie russe Aeroflot, avec 78 personnes à bord, a pris feu lors de son atterrissage d’urgence à l’aéroport Cheremetievo de Moscou. La catastrophe a ôté la vie à 41 individus, dont deux enfants et un membre de l’équipage. Des survivants ont accepté de dévoiler à la presse ce qui s’est réellement passé.

« Personne ne pouvait imaginer que le bilan des victimes serait si lourd, relate dans son interview à l’édition Snob la survivante Marina Sitnikova. Assise au 10e rang, elle témoigne que personne de ceux qui étaient assis à l’arrière de l’appareil n’ont pu s’échapper. Dans les vidéos [tournées pendant le drame puis diffusées en ligne, ndlr] on entend que tout le monde crie pendant l’atterrissage. J’étais dans la stupeur, j’avais l’impression que le silence régnait autour. Enveloppée de fumée, je ne voyais et n’entendais rien », se souvient-elle.

Le 5 mai au soir, l’avion effectuant le vol régulier SU1492 à destination de Mourmansk (Nord du pays) a été frappé par la foudre dix minutes après son décollage de l’aéroport Cheremetievo (SVO) de Moscou. Le pilote automatique et les radios ayant été affectés, l’équipage a demandé un atterrissage d’urgence.

À ce moment-là, il n’y avait pas encore de panique, se souvient Vladimir Evmenkov, qui était assis au 6e rang près du hublot, et a vu la foudre frapper le moteur à plusieurs reprises.  Mais, précise-t-il, l’avion n’avait pas pris feu. « On nous a dit qu’en raison d’un problème technique, nous allions retourner à l’aéroport de départ ».  

« Le choc a été très violent, mes yeux ont failli sortir de leurs orbites »      

Mais l’atterrissage ne s’est pas passé comme prévu. L’appareil n’a pas réussi à se poser dès la première tentative. Lorsqu’il a finalement touché la piste, le train d’atterrissage a été endommagé et les réservoirs de kérosène ont pris feu. « On avait tellement peur qu’on perdait pratiquement connaissance, relate Piotr Egorov du 17e rang dans son commentaire au journal Komsomolskaya PravdaSur la piste d’atterrissage, l’avion sautait telle une sauterelle, puis a pris feu ».

« Tout s’est passé à la vitesse de l’éclair : le choc a été très violent – mes yeux ont failli sortir de leurs orbites - le deuxième a été un peu plus léger, ensuite le troisième et la fumée est apparue et immédiatement le feu s’est déclaré », témoigne Marina Sitnikova.

Le personnel de bord a ensuite rapidement ouvert une porte. Or, comme le racontent les témoins, même si les passagers se sont précipités vers les sorties, il n’y a pas eu d’encombrement. Ainsi, si la presse a supposé que l'évacuation aurait été retardée par des passagers récupérant leurs bagages, Vladimir Evmenkov conteste cette thèse.

Il raconte qu’il n’était pas le premier dans la file jusqu’à la sortie et que, quand il s’est levé, il lui était impossible de progresser. « Devant moi il y avait une femme avec un enfant. Donc courir à la sortie à ce moment-là serait revenu à marcher sur des gens, se souvient-il, ajoutant que c’est justement à ce moment-là que certaines personnes ont récupéré leurs sacs parce qu’elles n’avaient pas la possibilité de progresser vers la sortie. J'avais mes documents, alors je les ai saisis et lorsque les gens ont commencé à se déplacer, je me suis dirigé vers la sortie », explique l’homme.

Ceux qui étaient assis au-delà du 12e rang n’ont pas survécu

Dmitri Kharinine, lui aussi survivant, était assis au 10e rang. Il raconte que tout le monde était resté assis en attendant que l’appareil s’arrête et que ce n’est qu’après avoir reçu le feu vert de l’équipage qu’ils ont pris la direction de la sortie. « J’ai pris mon passeport et me suis dirigé vers la porte. J’ai laissé passer trois ou quatre personnes, mais lorsque j’ai senti la chaleur venir par derrière, j’ai commencé moi aussi à progresser », explique-t-il. 

« Je ne me suis pas retourné pour voir ce qui se passait derrière. Pourquoi ? Je ne sais pas. J’ai fait encore deux ou trois pas – la fumée était encore grise et légère. Certes acre, mais on pouvait encore la traverser. Mais tout d’un coup une fumée noire très dense a tout enveloppé. Ce n’était plus possible de respirer. Je me suis penché vers les sièges, où cette nappe se terminait. J’ai pris deux gorgées d’air et me suis dirigé vers la sortie. La couche noire s’y terminait, les deux hôtesses s’y trouvant aidaient à s’orienter lors de l’évacuation ».

Il ajoute lui aussi n’avoir vu personne retarder l'évacuation en récupérant ses bagages. « Si certains avaient des sacs, ces sacs étaient petits – sacs à main de femme, petits sacs à dos ... Certains ont fui sans rien prendre, je les ai vus de mes propres yeux ».

Tatiana Kasatkina, l’hôtesse de l’air citée par Lenta.ru, raconte que les passagers ont commencé à quitter leurs sièges encore pendant l’atterrissage, certains ont même pu appeler leurs proches pour leur dire que l’appareil était en feu. 

« Tout s’est produit si vite que nous n’avions pas une seule seconde pour réfléchir, explique-t-elle. J’ai poussé les passagers vers les sorties. J’attrapais chacun d’entre eux par le col pour ne pas retarder l’évacuation ».

« Je suis le dernier qui a quitté l’avion. Il n’y avait personne après moi », avoue Oleg Moltchanov, assis au 12e rang.

« Je pense que beaucoup de gens sont morts car le feu s’est emparé de la partie postérieure du salon. Les sorties au fond n’ont pas été ouvertes, mais les gens ont cru qu’ils allaient quitter l’appareil par les sorties les plus proches d’eux. Je crois que les passagers assis au fond n’avaient juste aucune chance de se sauver. Ils ont inhalé du monoxyde de carbone et le kérosène était partout. Seuls ceux qui ont couru vers le devant de l’avion pouvaient survivre. Personne n’a pu se sauver à l’arrière », raconte-t-il à l’édition Meduza.

« Je n’ai pas vu de bousculade pendant l’évacuation, à vrai dire je ne voyais que de la fumée. Je me souviens que certains quittaient l’appareil en grimpant, se rappelle Marina Sotnikova. À vrai dire, c’est hôtesse qui m’a sauvée. [...] J’avais des vertiges et je ne pouvais plus marcher. J’ai réalisé que je perdais conscience. Je ne comprenais plus quoi faire. Et du coup j’ai entendu une voix distribuant sur un ton décisif l’ordre "Vite, vite!" et j’ai trouvé des forces pour suivre cette voix ».

La plupart des victimes étaient effectivement assises dans la queue de l’avion. C’était d’ailleurs précisément le cas de Jeremy Brooks, ce citoyen américain, dont la place se situait au 15e rang. 

« Tout le monde essaie de blâmer les secouristes, mais à mon avis ils ont très bien rempli leur tâche, dit Dmitri Kharinine. Personne ne pouvait prédire la trajectoire de l’avion, où il se poserait et qu’il prendrait feu. Rien n’indiquait qu’une telle catastrophe se produirait ».

Les autorités mènent une enquête visant à élucider les causes de la catastrophe. Parmi les pistes examinées, figurent celle d’une éventuelle défaillance technique ou de conditions météorologies défavorables. Alors que l’enquête est en cours, une pétition appelant à interdire les vols des SuperJet 100 en Russie a vu le jour sur Change.org.

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