À Chestres, une poignée de terre russe en mémoire des victimes de la Grande Guerre

Maria Tchobanov
Les représentants de six nations se sont retrouvés le 3 novembre à la nécropole de Chestres, en terre ardennaise, pour honorer le sacrifice des pays belligérants pendant la Grande Guerre.

Les drapeaux français, russe, allemand, tchèque, slovaque et belge flottaient samedi 3 novembre à la Nécropole nationale française de Chestres, à Vouziers, à l’occasion d’une cérémonie marquante qui avait pour but de réunir, à quelques jours du centenaire de l’Armistice, de la terre de chacun de ces pays dans un monument commun, dédié aux victimes de la Première Guerre mondiale tombés sur la terre des Ardennes.

Des capsules contenant un peu de sol prélevé dans des sites symboliques en Russie, en Allemagne, en France, en Belgique, en République tchèque et en Slovaquie ont été placées par les diplomates et hauts responsables de ces pays dans une urne en granit, qui a été ensevelie sous une stèle commémorative en marbre noir.

« Vous avez souhaité déposer ici, à Vouziers, une poignée de votre patrie afin que vos frères morts aux combats puissent symboliquement reposer auprès de leur patrie. La France vous est grée pour votre engagement à travers cet acte de mémoire vivante », a déclaré le sous-préfet de l’arrondissement de Vouziers, Alain Lizzit, aux participants de la cérémonie.

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« C’est bien de cette terre souilléе d’ypérite, d’éclats de balles et d’obus, de chaire déchiquetée, gavée du sang mêlé des belligérants qu’est née l’Europe. Et ce n’est pas en minorant l’horreur et l’absurdité de ce conflit qu’on comprendra la chance de notre époque, tellement gâtée qu’on en oublie de hiérarchiser problèmes et difficultés. Nous devons bien ces 70 années de paix à cette boucherie humaine que cette stèle funéraire s’emploie à rappeler. Nos glorieux aînés se sont unis pour défendre leurs nations inscrites dans un plus vaste ensemble démocratique. C’est ce bien précieux qu’avec cinq pays alliés le Royaume de Belgique célèbre en ce jour » : ces mots chargés d’émotion du Consul honoraire de Belgique à Charleville-Mézières, Jean-Denis Le Ven, ont été lus lors de la cérémonie et ont résonné au-dessus du sol recouvert de givre et ponctué par des milliers de croix identiques.

La Nécropole nationale française de Chestres à Vouziers représente un ensemble funéraire où gisent, outre les soldats français, 1 843 soldats allemands, 320 légionnaires tchécoslovaques, 246 militaires et civils russes, 10 soldats et déportés du travail belges, soit plus de 9 700 combattants, exhumés des cimetières environnants.

Le Maire de Vouziers, Yann Dugard, a rappelé que les combats de la vallée de l’Aisne s'étaient déroulés à la fin du mois d’octobre 1918, débouchant sur la libération de la ville de Vouziers. « Au terme de quatre années de violences et de brutalités, après avoir vécu les pires horreurs et combattu dans les pires conditions, ces pères, frères, fils, maris et amants, venus des quatre coins du monde, vont livrer leurs derniers assauts lors des combats de la vallée de l’Aisne », a dit l’élu.

Artiom Stoudennikov, ministre-conseiller à l'Ambassade de Russie en France, qui a déposé dans la stèle la terre en provenance de la communauté de Dorokhovo, a souligné lors de son intervention que la Russie était devenue une partie perdante alors qu’elle appartenait au camp des vainqueurs. En raison des circonstances historiques bien connues, cette guerre ainsi que ses participants russes ont été presque effacés de l’histoire nationale et relégués dans l’oubli. Il a rappelé que la Russie avait perdu près de dix millions de personnes, mutilés et disparus et que, fidèle à ses engagements, elle avait entrepris dès août 1914 une offensive éclair sur le front de l’Est, qui a rendu possible la victoire historique de la Marne. Plus tard, la Russie a envoyé ses troupes en France pour combattre l’ennemi commun à l’Ouest. En 1916-1918, des soldats et officiers russes ont combattu sur le territoire français, nombreux y ayant perdu la vie.

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La journée commémorative s'est poursuivie sur la Place Carnot devant l'Hôtel de ville de Vouziers, où les représentants des six nations ont déposé des gerbes sur le monument aux morts et assisté à l’accueil de la flamme de la victoire, allumée à la Flamme du Souvenir, sur la tombe du Soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe à Paris. La flamme du centenaire a été passée aux communes de la vallée de l’Aisne.

À la fin de la célébration, les invités de haut rang des six pays et les représentants des villes jumelées avec Vouziers se sont tenus par la main, en signe de paix et d'amitié entre les États.

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