Donald et Melania Trump.
ReutersQu’est-ce que le « phénomène Trump » et quelle influence exercera-t-il sur les relations russo-américaines ? Ces questions travaillent les experts russes qui égrènent une à une les différentes facettes de la personnalité du 45e président des États-Unis pour tenter de voir clair à travers le brouillard des tweets impulsifs et des déclarations retentissantes.
À la veille d’une cérémonie d’investiture que les spécialistes russes des États-Unis attendent avec autant d’anxiété que les citoyens américains, plusieurs experts se sont réunis mercredi dernier à Moscou dans le cadre du Club de discussion Valdaï pour passer le phénomène Trump au crible de la grille de compréhension russe de la vie politique et sociale américaine.
La grande question pour les experts russes n’est pas de savoir qui est Donald Trump, mais ce que représente le « phénomène Trump » dans le contexte du développement systémique de la vie politique aux États-Unis et comment ce phénomène politique (et culturel) influera sur la politique étrangère de la plus grande puissance du monde.
« Donald Trump est-il dans la logique historique ou est-ce un bug de l’histoire ? », se demande Ivan Safrantchouk, de l’Institut des relations internationales de Moscou. À la différence des détracteurs de Donald Trump aux États-Unis, les experts russes estiment que le milliardaire a remporté les élections non en raison des erreurs commises par l’état-major de campagne d’Hillary Clinton ou à la suite d’une « ingérence » de Moscou (hypothèse raillée en Russie) durant la présidentielle américaine.
Mais parce que le candidat hors norme a réussi à capter les changements systémiques en cours dans la société américaine, qui a exprimé ainsi son souhait de transformations radicales.
« Donald Trump est celui qui a été en mesure de présenter au peuple américain la thèse selon laquelle les États-Unis sont en train d’essuyer un échec », a affirmé Andreï Souchentsov, directeur des programmes du Club Valdaï et professeur de l’Institut des relations internationales. Selon lui, le candidat devait faire preuve d’un « grand courage » pour avancer une idée aussi peu ordinaire.
Pour les experts russes qui ont assisté à la désintégration de l’Union soviétique, la déclaration de Donald Trump sur l’échec de la politique américaine dans les décennies passées n’est pas un slogan de campagne creux destiné à réveiller les sentiments des électeurs mécontents.Pour eux, c’est plutôt un recours opportun capable de parer à la perte de l’influence des États-Unis dans le monde. « Imaginez, par exemple, les problèmes que l’URSS aurait pu éviter avec un tel slogan », a-t-il dit.
La capacité de Donald Trump à soulever des questions gênantes pour les milieux dirigeants américains s’explique par son appartenance à une autre élite, celle de l’industrie, estime Andreï Bezroukov, ancien agent russe expulsé des États-Unis, aujourd’hui conseiller du PDG de la société pétrolière Rosneft.
« Quelle que soit la forme que prendra la présidence de Donald Trump, nous voyons s’ouvrir la porte d’un dialogue national sur les États-Unis, sur ce qu’ils sont, sur la manière dont ils doivent concurrencer leurs principaux rivaux dans le monde et sur ce que doivent faire les élites pour rétablir le leadership mondial. De ce point de vue, Donald Trump a d’ores et déjà accompli sa tâche », a constaté M. Bezroukov qui estime que la contribution du « phénomène Trump » au développement politique intérieur des États-Unis est plus importante que les vagues que soulève sa candidature sur la scène internationale.
C’est précisément la renaissance des États-Unis en qualité de puissance économique qui constitue le message essentiel envoyé par Donald Trump, a-t-il affirmé.
L’influence de Donald Trump sur les relations russo-américaines intéresse les experts russes encore plus que les problèmes économiques intérieurs des États-Unis.
« On peut dire que Donald Trump est capable de former une équipe de superhéros qui ne se seraient jamais installés à la Maison Blanche dans d’autres conditions : efficaces, déterminés, de véritables professionnels qui n’ont eu jusqu’ici aucune ambition politique », a poursuivi Andreï Souchentsov, faisant allusion au blockbuster Suicide Squad, cette équipe de super-vilains chargés d’une mission impossible.
Les experts russes se sont montrés très prudents sur la mission complexe consistant à ranimer les relations russo-américaines. « Il faut partir du fait que Donald Trump passera d’une rhétorique complémentaire au sujet de la Russie et de son président Vladimir Poutine à un ordre du jour réaliste et pragmatique », a noté Maxime Soutchkov, expert du Conseil russe des affaires internationales et rédacteur du journal Al-Monitor.
Ces inflexions prévisibles dans le discours de Donald Trump doivent être accueillies avec calme, elles sont inévitables en raison de la polyvalence et de la complexité des relations russo-américaines.
« L’essentiel est de ne pas se concentrer uniquement sur la mise en place de bonnes relations personnelles entre les deux leaders, comme dans le cas de +l’ami Boris (Eltsine) et l’ami Bill (Clinton)+, +l’ami George (W. Bush) et l’ami Vladimir (Poutine)+ ou +l’ami Dmitri (Medvedev) et l’ami Barack (Obama)+. De telles amitiés ne sont que l’illusion temporaire d’une lune de miel, puis vient la crise qui frappe de plein fouet les relations et les met dans un piteux état », a-t-il fait remarquer pour conclure.
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