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La période de règne de Nicolas Ier peut être décrite par deux adjectifs : complexe et contradictoire, tout comme le tsar lui-même. Cependant, c’est sous des épithètes négatives qu’il est principalement entré dans l’histoire tant russe qu’européenne.
Portrait du grand prince Nicolaï Pavlovitch par Georg Bottmann, 1847
Domaine publicNicolas (Nikolaï Pavlovitch) était le troisième fils de l’empereur Paul Ier, et par conséquent le dernier dans l’ordre d’accession au trône. Il n’était donc pas formé pour gouverner et, par conséquent, n’était guère impliqué dans la gestion des problèmes de l’État au sein de la famille. Comme d’autres grands princes, il a reçu une excellente éducation militaire ; avant de monter sur le trône, il dirigeait plusieurs unités de la garde et était l’ingénieur en chef de l’armée russe.
Cependant, le destin en a décidé autrement. En 1825, son frère aîné, l’empereur Alexandre Ier, meurt subitement. Son frère cadet Сonstantin, qui était à ce moment-là à Varsovie, refusait catégoriquement de monter sur le trône, mais sans y renoncer officiellement. Pendant que Сonstantin hésitait, les militaires et même Nicolas lui-même ont prêté serment au nouveau tsar dans la capitale. Cette période de flottement a donné aux partisans des deux « héritiers » du temps pour renforcer leurs rangs.
La révolte des Décabristes en décembre 1825 par Karl Kollmann, années 1830
Musée historique d'État de Moscou/Domaine publicEn fin de compte, sous la pression de la famille et des élites, Nicolas décide d’agir : il se déclare empereur et fixe la date du serment au 14 décembre. Ce jour-là, des révolutionnaires ont amené sur la place du Sénat, devant le palais d’Hiver, une partie de l’armée afin de protéger les droits de Constantin, auquel Nicolas dérobait le trône. Mais le plan des révolutionnaires (appelés plus tard « décembristes ») a échoué : l’armée n’a pas soutenu les rebelles et le soulèvement a été écrasé. Nicolas a exécuté cinq instigateurs de la rébellion par pendaison. C’est sur cet épisode sanglant qu’a débuté son règne.
Nicolas Ier annonce à sa garde le déclenchement du soulèvement en Pologne, Georg Benedikt Wunde
Domaine publicNicolas Ier croyait sur comme fer que la monarchie était la seule forme de gouvernement qui convenait à la Russie. Par conséquent, il estimait que tout changement à tendance libérale était potentiellement désastreux. C’était un conservateur, dont la politique était décrite par un triple postulat : autocratie, orthodoxie et génie national (une paraphrase du slogan militaire « Pour la foi, le tsar et la Patrie » qui avait pris forme au début du XIXe siècle).
« Nicolas s’est fixé pour tâche de ne rien changer, de ne rien introduire de nouveau dans les fondations, seulement de maintenir l’ordre existant, d’en combler les lacunes », a écrit l’historien Vassili Klioutchevski.
Il a concentré le gouvernement du pays entre ses mains et celles de ses ministres, auxquels les fonctionnaires étaient entièrement soumis (leur nombre a été fortement augmenté), toute participation de la société au processus de direction du pays étant exclue. Et afin de savoir comment vivait cette société et de mieux la contrôler, il a créé un nouvel organe - la Chancellerie de Sa Majesté Impériale. Sa troisième branche était surnommée « police secrète » : elle surveillait les « éléments non fiables », censurait la littérature, les journaux et envoyait des rapports réguliers à l’empereur.
Mais le soulèvement décembriste a laissé une profonde empreinte sur tout son règne : « Il a considéré ce qui s’était passé comme la providence de Dieu, et a décidé qu’il était appelé par le Seigneur afin de combattre l’infection révolutionnaire non seulement dans son propre pays, mais en Europe en général : il considérait le soulèvement décembriste comme une partie d’un complot paneuropéen », a écrit l’historien Leonid Liachenko. Cette certitude de l’existence d’une menace révolutionnaire a déterminé sa politique étrangère.
Portrait par Franz Krüger
Sotheby's, London/Domaine publicNicolas Ier est donc monté sur le trône convaincu que l’Empire russe était menacé par une révolution, et qu’elle viendrait de l’Occident. Il estimait que la tranquillité et un pouvoir fort dans les États européens étaient dans l’intérêt de la Russie. Par conséquent, lorsqu’une nouvelle révolution a secoué l’Europe, le tsar russe a considéré qu’il était de son devoir sacré de la combattre et de réagir rapidement.
En 1830, l’armée russe a sévèrement réprimé le soulèvement polonais contre les autorités russes. Le vent de révolution est ensuite venu de France en 1848, lorsque le roi Louis-Philippe a été renversé et que la Deuxième République a été proclamée. Les humeurs révolutionnaires nées en France se sont propagées à d’autres pays, l’Italie et l’Autriche. Une semaine après le soulèvement français, le chef de la maison impériale autrichienne, François-Joseph, a demandé l’aide du tsar russe contre le soulèvement de la Hongrie, qui menaçait de provoquer l’effondrement de l’empire austro-hongrois et la formation d’une coalition contre Russie. Aux yeux de Nicolas Ier, la situation ne pouvait être tolérée, c’est pourquoi, en 1849, il a envoyé 170 000 soldats et officiers russes pour aider Vienne. Cette intervention militaire a joué un rôle majeur dans la défaite qu’a connue la lutte des Hongrois pour leur indépendance.
C’est alors que la presse européenne a commencé à utiliser l’expression « gendarme de l’Europe » au sujet de la Russie et de son tsar. Plus tard, dans l’historiographie soviétique, cette expression serait associée à une déclaration de Vladimir Lénine, qui notait dans l’article de 1908 intitulé Événements dans les Balkans et en Perse qu’en 1849, la Russie avait dû jouer le rôle de gendarme contre certains pays en Europe.
En fin de compte, le vent de la révolution ne s’est pas engouffré à l’intérieur de l’Empire russe. Le régime de Nicolas Ier a néanmoins été ébranlé par une surestimation de ses propres forces dans une autre guerre, menée contre avec l’Empire ottoman en 1853-1856. Il a alors commis plusieurs erreurs de calcul désastreuses et a finalement subi une défaite, sapant la confiance envers son régime en Russie, même parmi les loyalistes les plus conservateurs.
Dans cette autre publication, découvrez cinq héritiers du trône russe emportés par des luttes de pouvoir.
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