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Le 1er décembre 1934 à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg), un meurtre a choqué toute l’Union soviétique. Sergueï Kirov, le premier secrétaire du comité régional de Leningrad et du comité du parti de la ville (en fait, le maire de la ville), un proche allié et ami de Staline, a été abattu par balle.
Ce crime a constitué l’un des principaux déclencheurs de répressions politiques à grande échelle en URSS connues sous le nom de « Grande Terreur ». Cependant, on ne sait toujours pas s’il a été causé par la vengeance personnelle d’un loup solitaire, ou s’il a été planifié dans les plus hautes sphères du pouvoir du pays.
Crime médiatisé
Leonid Nikolaïev, trente ans, guettait Kirov à cinq heures et demie du soir près de son bureau personnel dans le siège de l’administration de la ville, appelé Smolny. Il a tué le fonctionnaire d’une balle dans la nuque, après quoi il a tenté de se suicider ; il en a toutefois été empêché par des témoins du crime, qui sont arrivés à temps.
Il s’est avéré que le tueur était membre du Parti bolchevique et avait lui-même été dans la fonction publique ; en raison de son caractère conflictuel, il avait toutefois été mis à pied. Resté sans emploi, Nikolaïev a longtemps déposé des plaintes et des pétitions auprès de la direction (y compris de Kirov), mais en vain.
Outre sa rancune personnelle, la jalousie pourrait avoir constitué le mobile de l’assassinat. L’enquête a établi que Leonid Nikolaïev soupçonnait sa femme Milda Draule, qui travaillait elle aussi à Smolny, d’être la maîtresse de Kirov.
Le 15 octobre, l’escorte du premier secrétaire avait déjà détenu Nikolaïev en possession d’une arme près de la maison de Kirov ; cependant, après avoir examiné les documents du revolver et sa carte du parti, ils l’avaient laissé repartir. La même carte a permis au tueur d’entrer sans entrave au siège du comité régional du parti le 1er décembre.
Affaire personnelle
Dès le 2 décembre au matin, un train où se trouvaient des membres du gouvernement soviétique est arrivé à Leningrad en provenance de Moscou. « Vous l’avez perdu ! », a lancé non sans irritation Joseph Staline à la délégation qui l’accueillait sur le quai. À ce moment-là, Staline occupait le poste de secrétaire du Comité central du Parti, mais en réalité, il avait déjà concentré entre ses mains l’intégralité du pouvoir du pays.
Staline a placé l’affaire Kirov sous contrôle personnel, a suivi de près l’avancement de l’enquête et a lui-même interrogé des témoins. C’est lui qui a avancé la version selon laquelle un groupe d’opposants dirigé par son adversaire dans la lutte interne au sein du parti, Grigori Zinoviev, était derrière le meurtre de Kirov. À la suggestion du chef, le NKVD a immédiatement arrêté Zinoviev.
Règlement de comptes
Le 5 décembre, dans un éditorial de la Pravda, on pouvait lire : « Les veules et perfides agents de l’ennemi de classe, les sales racailles de l’ex-groupe antiparti de Zinoviev, ont arraché le camarade Kirov de nos rangs. »
Dès le 29 décembre, Nikolaïev a été exécuté et Milda Draule, reconnue comme sa complice, a bientôt subi le même sort. Une dizaine de personnes ont également été condamnées à mort, dont Zinoviev et son ami et collègue Lev Kamenev. À l’avenir, plus de huit cents de leurs partisans seraient victimes des répressions. Aucun d’entre eux n’avait de lien direct avec l’assassinat de Kirov.
Pour négligence dans leurs fonctions, plusieurs centaines d’employés de l’administration locale du NKVD et des comités régional et municipal de Leningrad ont été transférés à un autre poste, licenciés ou inculpés. Parmi eux figuraient tous les témoins du tragique incident de Smolny. De plus, au tout début de l’enquête, le garde du corps assurant la sécurité de Kirov, qui accompagnait son patron le jour fatidique, est mort mystérieusement dans un accident de voiture.
Rouleau compresseur de la répression
Le futur dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev, qui occupait en 1934 le poste de premier secrétaire du Comité municipal de Moscou du Parti communiste d’URSS, était convaincu que Joseph Staline était à l’origine de l’organisation du meurtre. :
« Bien sûr, Staline n’a pas personnellement confié la mission à Nikolaïev, a déclaré Khrouchtchev. Nikolaïev était trop insignifiant pour cela. Mais je ne doute pas que, sur les instructions de Staline, quelqu’un l’ait préparé... Nikolaïev, probablement, espérait une sorte d’indulgence. Mais compter vraiment là-dessus était trop naïf. Ce Nikolaïev n’est pas si important : il a rempli sa mission et a pensé qu’on lui laisserait la vie sauve. Un simple idiot. Juste après l’exécution d’un tel ordre, afin de préserver le secret, il fallait anéantir l’exécutant. Et Nikolaïev a été anéanti. »
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Cette version ne fait cependant pas l’unanimité. « Les documents et les preuves confirmant l’implication de Staline ou de l’appareil du NKVD dans le meurtre de Kirov sont inexistants, a écrit l’un des dirigeants des services spéciaux soviétiques, Pavel Soudoplatov. Je suis convaincu que le meurtre de Kirov était un acte de vengeance personnelle. »
La question de savoir dans quelle mesure le « petit père des peuples » était impliqué dans la mort de Kirov fait encore débat aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, le dirigeant soviétique a habilement instrumentalité cet incident pour écraser ses ennemis politiques et consolider son pouvoir.
Après ce crime très médiatisé, le NKVD a obtenu le droit d’appliquer aux personnes accusées d’avoir ourdi et commis des « actes terroristes » une procédure accélérée, sans avocats ni demandes de grâce. Les condamnations à mort ont commencé à être exécutées immédiatement après avoir été prononcées. Le rouleau compresseur des répressions a commencé à prendre de l’ampleur, et ce n’est qu’après la mort de Staline qu’il a pu être arrêté.
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