Comment l'Italie a combattu l'URSS pendant la Seconde Guerre mondiale

Le général Malaguti et des officiers italiens, Russie 1942

Le général Malaguti et des officiers italiens, Russie 1942

Paxox (CC BY-SA 4.0)
Les Italiens n'étaient absolument pas préparés à la guerre contre l'Union soviétique. Et ils n’avaient pas vraiment besoin de combattre les Russes, à l'exception de leurs dirigeants.

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« Quand un soldat italien sait pour quoi il se bat, il se bat bien, comme à l'époque de Garibaldi. Dans cette guerre, non seulement les soldats ne savent pas pourquoi ils se battent, mais ils ne voulaient pas et ne veulent pas de cette guerre. Par conséquent, ils ne pensent qu'à la façon de rentrer chez eux »: c'est ainsi que l'un des bersagliers (tireurs d'élite) de la division Prince Amedeo Duc d'Aoste, envoyée par le dictateur italien Benito Mussolini sur le front de l'Est, a évoqué la participation de l'Italie à la campagne militaire contre l'URSS à l'été 1941. 

Défilé de soldats du corps expéditionnaire devant Mussolini et l'attaché militaire allemand à Rome, début juillet 1941

Bien que l'Italie ait déclaré la guerre à l'Union soviétique le jour où l'opération Barbarossa a commencé le 22 juin 1941, il n'y avait pas de soldats italiens dans l'armée d'invasion à ce moment-là. Au départ, Adolf Hitler n'avait pas l'intention d'impliquer son principal allié dans la « croisade contre le bolchevisme ». Rome, de l'avis du Führer, avait assez de problèmes à gérer : d’importantes forces d'occupation devaient être maintenues en Albanie, en Grèce et en Yougoslavie, les possessions italiennes en Afrique de l'Est étaient pratiquement perdues, et en Afrique du Nord, les Italiens ne parvenaient à tenir que grâce au soutien des troupes allemandes du général Erwin Rommel. Malgré cela, Benito Mussolini a convaincu Hitler de donner à ses troupes une chance de faire leurs preuves dans la lutte contre les Russes.

Les premiers soldats italiens sont arrivés sur le front de l'Est en août 1941. Le soi-disant Corps expéditionnaire italien en Russie (Corpo di Spedizione Italiano on Russia, CSIR) comptait plus de 62 000 hommes, dont six cents « SS italiens », des chemises noires de la Milice volontaire pour la sécurité nationale profondément fidèles au régime. Un soutien aérien a été fourni par 51 chasseurs Macchi C.200 « éclair » de l’Armée de l’air du pays.

Des bersagliers italiens près de Stalino

Les toutes premières semaines d'activité du CSIR en Union soviétique ont montré que l'Italie n'était absolument pas préparée à cette guerre. L'approvisionnement en nourriture, uniformes et munitions était extrêmement mal organisé. La situation était encore pire avec le transport automobile - les camions italiens ne pouvaient pas surmonter l’épreuve des routes russes. Les soldats de la division Torino, contraints de marcher plus de 1 300 km de la frontière roumaine vers l'Est, se comparaient à des roturiers du Moyen Âge marchant à pied, que leurs maîtres allemands, confortablement montés à cheval, emmenaient avec eux à la guerre.

Des bersagliers italiens, 1942

Un problème criant était l'armement du corps. Les canons antichars de 47 mm étaient impuissants face aux T-34 soviétiques. Leurs obus ne laissaient que de petites bosses sur le blindage des chars ennemis ou ricochaient simplement sur ces derniers. Parmi les véhicules blindés, les Italiens ne disposaient que de 60 tankettes L 33/35, qui n'étaient pas capables de combattre à armes égales les chars de l'Armée rouge. Lorsque le gel a commencé à se faire sentir, les chasseurs ont commencé à faire faux bond : les Macchi C.200 étaient à l'origine destiné aux théâtres d'opérations méditerranéens, et non à l'hiver russe.

Le dictateur Benito Mussolini inspecte des canons qui seront envoyés sur le front.

Du fait de tous ces facteurs, le corps italien a commencé à susciter le mécontentement du commandement du groupe d'armées Sud, auquel il était subordonné. Malgré quelques opérations réussies des Italiens (comme la victoire lors de la « bataille de Noël » le 26 décembre 1941 sur le fleuve Mious), les Allemands ne les considéraient pas comme de vrais soldats. « Compte tenu de la faible capacité de combat des divisions italiennes, malheureusement, elles ne peuvent être utilisées que pour la couverture passive des flancs à l'arrière », a écrit le chef d'état-major général de l’Armée de terre allemande Franz Halder dans son journal de guerre. 

Division d'infanterie Sforzesca

Les choses étaient différentes avec les forces navales italiennes, qui reçurent les éloges des Allemands. L'une des unités spéciales les plus efficaces de la Seconde Guerre mondiale, la 10e flottille de la Marine royale italienne, était active dans la mer Noire, où ses torpilleurs, ses mini sous-marins et ses groupes de sabotage ont combattu avec succès les troupes et la marine soviétiques en Crimée. Plusieurs bateaux ont même été envoyés dans la Baltique, loin de l'Italie.

Vedette lance-torpilles MAS 528

Concernant la population locale et les prisonniers de guerre de l'Armée rouge, les Italiens étaient beaucoup plus humains que les Allemands, les Hongrois et les Roumains. « Tôt le matin du 21 octobre 1941, il y avait déjà des troupes italiennes dans la ville, se souvient un habitant de la ville ukrainienne de Krasnoarmeïsk Ekaterina Mateïtchouk (Gaïdouk) : Nous, les enfants, avons couru pour voir quel bel uniforme ils avaient : des bérets aux plumes brillantes, des aiguillettes… Ils ne faisaient pas peur, mais les Italiens sont partis très rapidement, et ce n’est que lorsque les Allemands sont apparus dans la ville et ont commencé à commettre des atrocités, que, bien sûr, nous avons senti la différence ». Bien que les Italiens aient cherché à prendre leurs distances avec les méthodes brutales de leurs alliés, le chemin du CSIR à travers l'URSS a également été ponctué par un certain nombre de crimes de guerre : meurtres de civils, viols, pillages et destruction d'infrastructures.

Un soldat italien près de Kharkov

À l'été 1942, le corps expéditionnaire avait perdu environ 15 000 personnes - un quart de ses effectifs. Mussolini a décidé de renforcer significativement son groupement militaire en URSS et en juillet, la 8ème armée, également connue sous le nom d'armée italienne en Russie (Armata Italiana in Russia, ARMIR), fut déployée sur la base du corps. Ses troupes comprenaient 235 000 hommes, mais les problèmes antérieurs d'approvisionnement et d'armement perduraient. Le petit groupe de 19 chars légers L6/40 qui est entré en service ne pouvait constituer une force de frappe assez importante, de sorte que des formations blindées allemandes étaient périodiquement incluses dans l'ARMIR.

Le char L6/40

Les acquisitions les plus précieuses des troupes italiennes sur le front oriental se composaient de plusieurs divisions de tireurs d'élite alpins qui formaient le soi-disant Corps alpin. Habitués au froid, bien armés, équipés et entraînés, ils étaient considérés comme les unités les plus fiables de l'armée du royaume. Ils aideraient ARMIR plus d'une fois dans les moments difficiles.

La 8ème armée, également connue sous le nom d'armée italienne en Russie (Armata Italiana in Russia, ARMIR)

Et les moments difficiles sont arrivés assez rapidement pour les Italiens. Peu de temps après l'encerclement de la 6e armée de la Wehrmacht à Stalingrad en novembre 1942, les troupes soviétiques ont attaqué la 8e armée italienne située sur le Don. Au cours de plusieurs offensives en décembre et janvier, les Italiens ont été complètement vaincus. Le membre d’équipage du 18e corps de chars Sergueï Otrochtchenkov a rappelé l'attaque surprise réussie contre les unités de l’ARMIR en retraite près de la ferme Petrovski : « Lorsque les unités avancées des Italiens se sont alignées avec nous, l’ordre d’attaquer les colonnes (de chars) a été donné. Nous les avons frappés sur deux flancs ! Je n'ai jamais revu un tel désordre. L'armée italienne était littéralement au sol... C’était l'hiver, nos chars étaient peints en blanc à la chaux. Et quand ils ont quitté la bataille, les chars étaient rouges jusqu’à la tour… Comme s'ils nageaient dans le sang. J'ai regardé les chenilles – il y avait çà et là des mains ou des morceaux de crâne »

Retrait du front du Don, décembre 1942-janvier 1943

La retraite du Don vers l'ouest de l'ARMIR, totalement anéantie, rappelait la fuite de la Grande Armée de Napoléon de Russie en 1812. « Des gens épuisés s’effondraient sur la neige, pour ne plus jamais se relever, a raconté Eugenio Corti, officier de la division Pasubio. Certains sont devenus fous et n'ont pas réalisé qu'ils étaient en train de mourir. Les plus têtus ont longtemps rampé sur la route, jusqu'à ce que leurs forces les quittent. Le plus souvent, j'ai entendu parler de cas de folie. Je me souviens d’avoir été choqué par l'histoire d'un homme qui a soudainement éclaté de rire, s'est assis dans une congère, a enlevé ses chaussures et a commencé à enfouir ses pieds nus dans la neige. Après avoir ri, il a chanté à haute voix quelque chose de très gai. Il y a eu un grand nombre de cas similaires ». Seuls les tirailleurs alpins, qui couvraient la retraite de leurs camarades, opposaient périodiquement une résistance organisée.

Campagne italienne en Russie

Au cours des combats en Russie, la 8e armée italienne a perdu plus de 114 000 hommes, morts, capturés ou portés disparus. Sans la moindre réussite militaire, les troupes exsangues furent retirées dans leur patrie au printemps 1943. La catastrophe cuisante de l'ARMIR a choqué la société italienne et est devenue l'une des principales causes de la chute du régime de Benito Mussolini, survenue peu après en Italie.

Des troupes soviétiques dans la vallée du Don avec l'étendard capturé d'un régiment italien

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