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Si les dirigeants russes étaient malades ou souffraient de pathologies congénitales, les informations à ce sujet, en règle générale, étaient soigneusement dissimulées pour des raisons de sécurité. Les ennemis tant intérieurs qu’extérieurs pourraient tirer parti de ces informations. En outre, le peuple russe, pieusement convaincu de la mission divine du souverain, a toujours perçu la maladie du monarque et des membres de sa famille comme un signe de mauvais augure.
Enfin, toute maladie grave du tsar déclenchait immédiatement une lutte intestine autour du trône. On sait, par exemple, que pendant que Nicolas II était malade du typhus, la famille impériale et les hauts fonctionnaires ont évoqué de la possibilité de nommer héritière du trône sa fille Olga - personne n'a rien vu de choquant à ce sujet.
Seul l'un des premiers grands princes de Moscou, aveugle, n'a pas pu cacher son handicap physique…
1. Vassili le Sombre - cécité
Vassili Vassilievitch (1415-1462) fut le premier à monter sur le trône princier non pas dans la capitale de la principauté Vladimir-Souzdal, Vladimir, mais à Moscou. Par conséquent, nous pouvons le considérer comme le premier fondateur et « rassembleur » du tsarat de Moscou. En son temps, une féroce guerre intestine a eu lieu, durant laquelle Vassili a été aveuglé. Cette façon de se venger ou de neutraliser un puissant adversaire était habituelle à l'époque – sans constituer un assassinat, cet acte assénait un choc psychologique terrible en rendant l’ennemi handicapé.
Au cours de cette guerre intestine entre principautés, le prince Vassili Vassilievitch lui-même a ordonné en 1436 d’arracher un œil au prince de Zvenigorod de l’époque, Vassili Iourievitch (1421-1448), âgé de 15 ans, parce qu'il avait violé une trêve et tenté de vaincre par surprise l'armée du prince de Moscou. Depuis lors, le prince Zvenigorod a été surnommé « Vassili Kossoï » (« le Louche »). L'aveuglement l'a brisé – il n’a plus combattu et n'apparait plus dans les annales. Après avoir passé dix ans dans un cachot à Moscou, il en est sorti en 1446, mais n'a pas vécu longtemps par la suite.
Si Vassili le Louche a effectivement été libéré de prison en 1446, cela s'est produit parce que le prince de Moscou, Vassili Vassilievitch, a été aveuglé par Dmitri Chemiaka, frère cadet de Vassili le Louche. L’attaque s’est déroulée lorsque Vassili, accompagné de ses fils Ivan et Iouri, est allé de Moscou en pèlerinage à la Laure de la Trinité-Saint-Serge.
Selon l’historien Nikolaï Karamzine, Dmitri Chemiaka a chuchoté à Ivan de Mojaïsk, prince « faible, au cœur dur, et frivole », que Vassili semblait vouloir offrir Moscou au tsar Mahmet (ce qui renvoie très probablement au khan de Kazan Oulou-Mohammed (1405-1445)), et que lui-même régnerait à Tver - de la sorte, Dmitri en a profité pour attirer le prince Boris de Tver dans son « camp ». Les princes ont volontiers cru Chemiaka. Après tout, à l'automne, Vassili avait acheté la fin de sa captivité chez le khan Oulou-Mohammed, lui offrant une énorme somme d'argent et plusieurs villes afin qu’il y prélève le tribut – toute la noblesse russe murmurait désormais que le prince de Moscou voulait sauver sa vie en transférant les terres russes aux Tatars. Alors que Vassili était dans la Laure, les conjurés ont pris le Kremlin de Moscou, où se trouvaient la mère et l'épouse du prince, puis l'ont capturé et amené à Moscou.
Chez les Riourikides, il existe des cas de princes ayant tué d'autres princes – membres de leur famille à des degrés divers. Mais Dmitri Chemiaka n'a pas osé assassiner Vassili – Ivan de Mojaïsk l'en a dissuadé, craignant l'indignation de « tous les princes russes ». Chemiaka a donc décidé après deux jours de réflexion d’aveugler Vassili. Puis il a organisé une sorte de procès public de Vassili, en présence de représentants de toutes les sphères de la société moscovite. Les princes rebelles, alors que le peuple était rassemblé, amenèrent Vassili sur la place et lui demandèrent : « Pourquoi as-tu amené les Tatares sur la terre russe, et pourquoi leur as-tu donné des villes et des volost’ (unité territoriale, ndlr) pour leur nourriture ? ».Vassili a été aveuglé dans la nuit du 16 au 17 février 1446.
Le professeur Nikolaï Borissov transmet les détails de cette nuit cauchemardesque, contenue dans les annales : « Dmitri Chemiaka a ordonné à ses hommes de se mettre au travail. Ils se sont rendus dans la pièce où se trouvait le prince Vassili, ont sauté sur lui, l'ont projeté au sol et l’ont écrasé avec une planche. Le garçon d’écurie surnommé Beresten, muni d’un couteau, a aveuglé le prince, tout en le blessant profondément au visage. Ayant fait leur affaire, les bourreaux sont partis, laissant Vassili comme mort ».
Chemiaka est devenu prince de Moscou et Vassili a été exilé à Ouglitch - cependant, il a été autorisé à emmener sa femme, Maria Iaroslavna, avec lui. Par la suite, Vassili a guéri et est parvenu à reconquérir le trône de Moscou, venant à bout de ses ennemis. Il a tué Dmitri Chemiaka en soudoyant grâce à ses hommes son cuisinier – ce dernier a mis du poison dans le poulet servi à Chemiaka, qui a agonisé pendant 12 jours. Jusqu'à la fin de sa vie, Vassili portait un bandage noir couvrant la partie supérieure de son visage, mutilée et sans yeux.
2. Pierre le Grand - syndrome de Marfan (hypothèse)
Nous connaissons la taille de Pierre le Grand - 203 centimètres. Ses deux parents étaient des gens de taille moyenne (à l’époque - 160-165 centimètres), et la minceur et la hauteur exceptionnelle de Pierre a attiré l'attention de son entourage dès ses jeunes années. Malgré sa haute taille, il n'avait rien d’une « armoire à glace » - il chaussait du 39 et les caftans authentiques du tsar parvenus jusqu’à nous étonnent tout le monde par leur petite taille.
Aucun des portraits de Pierre le Grand conservés ne reflète son apparence réelle et sa silhouette disproportionnée - des bras et des jambes excessivement longs, une tête petite par rapport au corps. On sait également que Pierre souffrait de convulsions et de grimaces qui le saisissaient dans les moments de colère - et il y en a eu beaucoup. Just Juel, représentant du Danemark en Russie, a décrit comment, à son retour à Moscou après sa victoire près de Poltava, le tsar a presque découpé au sabre un soldat qui avait provoqué sa colère en marchant au pas de façon incorrecte.
On peut supposer que Piotr Alexeïevitch est né et a vécu avec le syndrome de Marfan - une maladie génétique rare qui se manifeste par une taille élevée, une maigreur maladive (sous-développement du tissu adipeux) et une mobilité générale - on sait que le tsar peinait à rester assis, aimait être toujours occupé et marchait très vite. Les symptômes incluent également une déformation vertébrale ; selon les descriptions des contemporains, Pierre était voûté toute sa vie et rentrait sa tête dans ses épaules.
Les personnes atteintes du syndrome de Marfan sont presque toujours dans un état d’excitation, extatique ou d’irritation en raison de l'augmentation des niveaux d'adrénaline dans le sang, substance produite en excès par leurs glandes surrénales ; l'énergie intarissable de Pierre le Grand et sa colère, dégénérant parfois en crises de rage, sont entrées dans la légende.
Le syndrome de Marfan est également associé à une intelligence accrue : Niccolo Paganini et Abraham Lincoln étaient soi-disant atteints de ce syndrome.
3. Alexandre Ier - surdité
Le grand-duc Alexandre Pavlovitch était le petit-fils de Catherine la Grande, qui avait planifié un brillant avenir pour l'enfant. Presque immédiatement après sa naissance, Catherine a enlevé son fils à sa mère, Maria Fedorovna, et l'a élevé à sa cour. Même le nom de l'enfant n'a pas été donné par les parents, mais par la grand-mère.
On sait que Pierre III, le mari de Catherine assassiné en 1762, avait peur des coups de canon, même à l'âge adulte. Cette terreur infantile était la cible des railleries de toute la cour. Catherine, dont la vie de famille avec Pierre fut un échec dès le début, considérait son comportement infantile (jouer aux soldats) comme indigne d'un homme adulte, en particulier d’un empereur.
C'est peut-être pour cela que l'impératrice a essayé d'habituer son petit-fils Alexandre aux coups de canon dès son plus jeune âge. Selon les historiens, il est devenu sourd de l’oreille gauche à cause du grondement constant des armes à feu durant les exercices. En 1794, Alexandre Protassov, le tuteur du Grand-Duc, a noté que son élève était sourd. Hélas, si les armes à feu étaient en effet la cause de la surdité d’Alexandre, c’est son tympan qui semble avoir été endommagé, de sorte qu’il ne pouvait, pour des raisons évidentes, pas être traité avec des médicaments.
Lorsqu'il parlait avec les gens, Alexandre Pavlovitch, qui était légèrement au-dessus de la taille moyenne (1,78 cm), inclinait la tête et se tournait vers l'interlocuteur de son côté droit ; dès sa jeunesse, il était très gêné par son défaut et parlait très doucement - le jeune homme avait peur qu'une voix forte puisse être mise sur le compte de sa surdité. De plus, Alexandre avait une très mauvaise vue (environ –3,5 aux deux yeux, comme le montre une analyse des verres de ses lorgnettes arrivées jusqu’à nous), ce qui n’a fait qu’aggraver ses problèmes de communication.
La mère d'Alexandre, Maria Fiodorovna, était l'une des plus grandes philanthropes de l'histoire de la Russie. Elle a notamment financé l'ouverture de l'école pour sourds-muets de Saint-Pétersbourg - le premier établissement d'enseignement spécialisé pour les enfants sourds de Russie.
4. Joseph Staline - syndactylie, atrophie
Côté handicaps physiques, Joseph Staline avait lui aussi des choses à cacher. Il avait une anomalie génétique congénitale – la syndactylie : les deuxième et troisième doigts de son pied gauche étaient collés. À l'âge de cinq ans, Staline a attrapé la variole et son visage était couvert de traces de cette maladie, qui étaient soigneusement retouchées sur toutes les photos officielles du chef.
Viatcheslav Molotov a raconté au sujet de Staline une histoire selon laquelle, lors de son exil dans le territoire de Touroukhansk, en Sibérie, les paysans l’appelaient Oska Koriavyi – un jeu de mot cruel faisait référence à la variole et au fait que Staline avait la main immobile. À l'âge de six ans, en traversant la rue, Staline a été heurté par une calèche, et a été blessé au bras et à la tête. En conséquence, sa main gauche était beaucoup plus faible que la droite et ne s'étendait pas complètement ; avec l'âge, il a également commencé à ressentir une douleur constante au niveau des doigts.
Les médecins du Kremlin ont décrit sa maladie comme suit : « Atrophie des articulations de l'épaule et du coude du bras gauche en raison d'une ecchymose à l'âge de six ans, suivie d'une suppuration dans la région de l'articulation du coude ». Néanmoins, sur un certain nombre de photos, nous voyons que Staline pouvait manier sa main gauche : il pouvait même soulever un enfant.
5. Boris Eltsine - deux doigts d’une main amputés
Boris Eltsine, le premier président de la Fédération de Russie, a perdu deux doigts de sa main gauche alors qu'il était enfant. Voici comment il l'a décrit lui-même dans son livre autobiographique, intitulée Confession sur un sujet donné :
« Pendant la guerre (au début de la Seconde Guerre mondiale, Eltsine avait 10 ans, ndlr), tous les gars voulaient partir au front, mais nous, naturellement, n'y étions pas autorisés. On fabriquait des pistolets, des fusils et même un canon. Nous avons décidé de trouver des grenades et de les démonter afin d'étudier et de comprendre ce qu'il y avait à l'intérieur. J'ai décidé de pénétrer dans une église (il y avait un entrepôt militaire à l’intérieur). De nuit, j’ai grimpé à travers trois rangées de fil de fer barbelé et, tandis que la sentinelle était de l'autre côté, j’ai scié la grille de la fenêtre, je suis entré, j’ai pris deux grenades RGD-33 et, heureusement, je suis sorti en toute sécurité (la sentinelle aurait tiré sans sommation).
Nous sommes partis à environ 60 kilomètres de la forêt, et avons décidé de démonter les grenades. J’ai demandé aux gars de s’éloigner à une centaine de mètres : moi, je frappais avec un marteau, à genoux, et j’ai mis une grenade sur une pierre. Mais je n’ai pas ôté l’amorce, je ne savais pas ce que c’était. Une explosion... et plus de doigts. Les gars n'ont pas été touchés. Sur le chemin pour aller en ville, j'ai perdu connaissance plusieurs fois. À l'hôpital, avec l’autorisation de mon père (la gangrène avait commencé), ils ont effectué une opération, m'ont coupé les doigts et je suis apparu à l'école avec une main blanche bandée ».
En raison de la perte de ses doigts, Boris Elstine n'a pas servi dans l'armée. Le président, gêné par son infirmité, ne montrait pas sa main gauche sur les photos. L'artiste Vladimir Sokovnine, qui a peint le portrait d'Eltsine, a déclaré lors d’une interview que le président avait refusé de poser : le portrait devait être tiré de photographies, et pour poser, l'artiste a invité son ami, physiquement proche d’Eltsine ; une tâche distincte consistait à choisir une posture naturelle pour le président - Sokovnine s'est souvenu que le président cachait constamment ou instinctivement sa main gauche, comme il est représenté sur le portrait. Boris Eltsine lui-même, se voyant représenté dans une telle pose, était, selon Sokovnine, très heureux.
Dans cet autre article, découvrez trois théories concernant la mort de Staline allant à l’encontre de la version officielle.