L'hôtel d'Accor à Omsk. Crédit : service de presse d'Accor
Les hôtels Accor sont actuellement présents dans vingt villes russes. En fonction de quels critères choisissez-vous l’emplacement ?
Alexis Delaroff: La plupart des villes où nous sommes présents – en dehors de Kaliningrad et de Iaroslavl – sont des villes de plus d’un million d’habitants, et donc ont de grosses activités économiques ou industrielles. Quand on a commencé notre implantation en Russie, on a commencé par Moscou, la deuxième ville était Saint-Pétersbourg, puis Sotchi. Certes, cette dernière n'est non pas une « ville millionnaire », mais elle a une spécificité claire et marche très bien.
Aujourd'hui, nous avons 35 hôtels, cette année on en ouvre entre six et dix, dont cinq à Moscou. On a un certain nombre de contrats qui sont signés et à l’horizon 2018 on devrait compter pas moins de 50 établissements.
Mais 50 hôtels, ce n’est pas la limite à ce développement. La seule chose que je peux dire c'est qu'aujourd'hui, le développement – et pas seulement en province – tourne au ralenti. La raison principale, c’est que les financements sont extrêmement chers aujourd'hui.
Nous pouvons donc dire que la crise que la Russie traverse depuis voilà deux ans a affecté vos projets ?
Elle a affecté les projets dans la mesure où les financements sont devenus hors de portée de nos partenaires. On ne peut pas investir dans l'hôtellerie et l’immobilier en general avec des taux d’interet à 25 ou 30%.
Principaux hôtels d'Accor en Russie. Crédit : Ekaterina Tchipourenko
En termes de business dans les hôtels existants, les grands moteurs en termes de chiffre d'affaires restent les trois grandes villes que sont Moscou, Saint-Pétersbourg et Sotchi. C'est elles qui tirent l'ensemble des résultats vers le haut. Ce qu'on a vu, c'est que ces villes-là ont continué à avoir des progressions des chiffres d'affaires en roubles, avec de plus en plus de Russes, qui constituent jusqu’à 90% de la clientèle actuelle dans certains de nos hôtels.
Et on a vu un certain nombre d'hôtels en province avoir des difficultés – je pense à Samara, à Ekaterinbourg qui a connu une surcapacité hôtelière, et à Omsk. Mais il y a des villes de province qui ont bien marché, comme Rostov-sur-le-Don et Kaliningrad. Donc, la situation en province est plus contrastée.
Certains de vos projets ont-ils été ralentis ?
Nous dépendons de nos partenaires russes qui investissent dans l'hôtellerie. Et eux, ils ont dû ralentir, remettre des projets de développement à plus tard. Donc oui, nos partenaires ont ralenti leur développement, et nous avons subi ce ralentissement.
Un nombre considérable de clients sont tout de même des hommes d’affaires, leur nombre a-t-il chuté ? Par ailleurs, avez-vous ressenti l’augmentation de l’intérêt pour le tourisme interne dont on parle souvent. Le nombre de réservations effectuées par les touristes russes a-t-il augmenté ?
On peut l’évaluer sur deux ou trois destinations qui peuvent être considérées comme des destinations à la fois business et tourisme, comme Kaliningrad, Iaroslavl et Sotchi. Si on prend ces trois villes de province-là, en dehors de Moscou et de Saint-Pétersbourg, on voit que le tourisme intérieur en effet se développe. Kaliningrad marche très bien, Sotchi en est un exemple type – en réalité, les résultats des trois premiers mois de 2015 y sont supérieurs à la période 2014 où ont eu lieu les Jeux olympiques. La dévaluation du rouble et le fait que les Russes n'avaient plus de moyens de voyager dans des destinations en euros ou en dollars nous ont aidé.
Et cette année on a encore une fois doublé notre chiffre d'affaires à Sotchi par rapport à 2015.
Vue sur la mer Noire depuis un hôtel Accor à Sotchi. Crédit : service de presse d'Accor
Et les étrangers ?
Sur Moscou, l’Union russe de l’industrie touristique a vu beaucoup de touristes, en particulier qui venaient d’Asie, l’année dernière il y a eu une hausse de 30 ou 40%. Il en est de même pour Saint-Pétersbourg.
Aujourd'hui, ces villes sont bon marché pour des touristes étrangers aussi. Donc, je pense qu’à partir du moment où la situation politique devient plus saine et apaisée, on a toutes les chances de voir beaucoup de touristes venant d'Europe visiter la Russie.
Ceci dit, et cela est très positif, la clientèle Russe représente en moyenne 70 % de nos clients en Russie-CEI.
Pour le moment, ce n’est pas le cas, donc.
Ce n’est pas le cas : même si c'est bon marché, les problèmes politiques – en tout cas, l'image de la Russie auprès du public européen – reste une difficulté.
Et les investisseurs, sont-ils vraiment intéressés par la province ? Car le gouvernement ne cesse de répéter qu’il faut développer la province, il faut développer le tourisme, etc. Avez-vous ressenti une augmentation de l’intérêt ?
Non. Aujourd'hui, il y a un ralentissement des projets d'investissement hôtelier en province. D’autre part, le marché n'est pas assez profond pour donner suffisamment de business à tous les hôtels.
Cependant, il ne faut pas dessiner une image trop noire de ce qui se passe en province, il y a encore des projets qui continuent, qui vont ouvrir. Nous travaillons sur des projets dans des villes comme Khabarovsk [Extrême-Orient, ndlr], nous avons des projets que nous devrions ouvrir si ce n'est pas cette année, en tous cas l'année prochaine à Irkoutsk [Sibérie, ndlr], etc. Donc il ne faut pas non plus dire qu'il ne se passe rien.
Le vrai problème de la poursuite du développement en province, en particulier, c'est (encore une fois) les taux d'intérêt des banques.
Malheureusement, en Russie, les banques continuent à réfléchir sur le court terme, à trois-cinq ans – les banques ne prennent pas de risques sur dix, quinze, vingt, vingt-cinq ans. Donc, c'est ça le problème. Et si le gouvernement ne prend pas une décision en affirmant que le tourisme, c'est un vecteur important du développement de la province aussi, si le gouvernement ne donne pas d’avantages économiques ou fiscaux pour la construction d'hôtels, on verra une diminution des rythmes d'ouverture des hôtels dans les années qui viennent, en tout cas en province.
Un hôtel Accor à Moscou « au quartier d'affaire Moscow City ». Crédit : service de pressed'Accor
Quelle est la spécificité des clients russes ? Comment caractériser leur demande ?
On a l’image que les Russes qui voyagent à l'étranger sont des gens qui descendent dans des cinq étoiles, qui ont des exigences extraordinaires et qui ont les moyens de les satisfaire. Mais c'est en train un peu de disparaître, c'est quand même une image d'il y a dix ans. Aujourd'hui, les Russes qui voyagent, même dans les cinq étoiles, sont beaucoup moins extravagants qu'il y a quelques années.
Rien [ne distingue les clients russes des Européens]. Je dirais que la seule spécificité, c'est qu'ils aiment pouvoir manger à toute heure. C'est-à-dire que si en Europe – en tout cas, en France – on déjeune du midi à 14 heures, le Russe, quand il arrive dans un hôtel à 16 heures, 17 heures, 18 heures, il veut pouvoir déjeuner au restaurant. Donc, on a été obligé d'adapter nos horaires d'ouverture en particulier.
Sinon, c'est un client qui est normal, il veut une chambre propre, il veut le Wi-Fi, il veut un bon petit déjeuner ; peut-être que le setup du petit déjeuner change.
Vous êtes actuellement le numéro deux en Russie, après Rezidor Hotel Group ?
En termes du nombre d'hôtels, on est numéro deux, oui. Mais les auditeurs indépendants, tels que KPMG et Ernst & Young, nous mettent en première position d'ici deux à trois ans, en termes de nombre d'hôtels.
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