Quand les chocs politiques déstabilisent les politiques des Banques centrales

Le 28 juin 2016. La directrice de la Banque centrale de Russie, Elvira Nabioullina choisit le design pour les nouveaux billets de banque de 200 et de 2000 roubles lors d'une conférence.

Le 28 juin 2016. La directrice de la Banque centrale de Russie, Elvira Nabioullina choisit le design pour les nouveaux billets de banque de 200 et de 2000 roubles lors d'une conférence.

Artyom Korotayev/TASS
Les représentants des banques nationales de huit pays, dont la Russie et la Chine, évoquent l’impact d’éléments imprévus de la conjoncture économique et la politique qu’ils conduisent pour la devise de leur pays.

Fin juin, lors du Congrès financier international de Saint-Pétersbourg, la directrice de la Banque centrale de Russie, Elvira Nabioullina – reconnue meilleur dirigeant de banque nationale dans le monde en 2015 – a consacré un discours aux évènements difficilement prévisibles qui provoquent des chocs économiques et viennent entraver les politiques financières existantes. Elle a évoqué ce problème avec ses homologues chinois, suisse, islandais, israélien, chilien, croate et kazakh.

Ces situations imprévisibles qui ont des répercussions sur le système financier international ont été baptisées « cygnes noirs » par les économistes, s’inspirant du livre de Nassim Taleb, The Black Swan : The Impact of the Highly Improbable. Selon Elvira Nabioullina, la baisse durable des prix du pétrole et la volatilité des marchés du fait que l’économie chinoise tourne au ralenti ont été les cygnes noirs de 2015.

« Un ralentissement de l’économie chinoise de 1% équivaut, à moyen terme, à un ralentissement de 0,5% de l’économie russe, a déclaré la directrice de la Banque centrale russe. Et seulement si la structure existante de nos relations et celle des échanges restent inchangées ». Le défi que doit relever la Russie est de se réorienter vers les secteurs économiques chinois à forte croissance, ayant trait à la consommation et à l’économie post-industrielle [secteur tertiaire], a-t-elle affirmé.

« L’année n’est pas encore terminée, mais un cygne noir est déjà apparu : c’est le Brexit qui a été inattendu pour les marchés », a-t-elle poursuivi. Le Brexit peut être examiné « dans un contexte plus large, comme une demande de changements », a-t-elle fait remarquer.

Toujours selon Elvira Nabioullina, cette demande découle de plusieurs facteurs : le ralentissement de l’économie mondiale au cours de l’actuelle décennie, l’accumulation du fardeau de la dette, ainsi que l’augmentation des inégalités sociales et économiques, de même que le gouffre entre les plus riches et les plus pauvres qui devient de plus en plus vertigineux (mesuré grâce au coefficient de Gini, qui est un nombre variant de 0 à 1, où 0 signifie l'égalité complète et 1 signifie une inégalité parfaite). D’après les données de la Banque mondiale, de 2000 à 2012, cet indice a augmenté de 10% dans les pays développés pour atteindre 0,22, tandis qu’en Russie le chiffre est passé de 0,37 à 0,415, a-t-elle souligné.

Tous ces faits encouragent la prise de décisions populistes, « faciles » en politique, ainsi que des situations semblables au Brexit qui risquent de déboucher sur une déstabilisation économique, a affirmé Elvira Nabioullina.

Les banques nationales face aux risques

Alors que tous les marchés connaissent une hausse marquée de la volatilité, les banques centrales se retrouvent dans l’impossibilité d’appliquer une politique monétaire accommodante parce que cette dernière comporte plus de risques que d’avantages, a noté Elvira Nabioullina.

Un avis que partage entièrement Fritz Zurbrügg, vice-président de la Direction générale de la Banque nationale suisse. La Suisse a pendant longtemps suivi une politique qui évitait l’appréciation de sa monnaie, allant jusqu’à introduire des taux d’intérêt négatifs. Mais aujourd’hui, elle a cessé de soutenir un taux plancher pour le franc, le laissant flotter contre les autres devises, a indiqué Fritz Zurbrügg.

Il est possible de réduire la volatilité de la monnaie lors d’une crise en se concentrant sur une politique de maîtrise de l’inflation, estime Oleg Smoliakov, vice-président de la Banque centrale du Kazakhstan. En 2014 et 2015, la monnaie nationale kazakhe, le tenge, a opéré, tout comme le rouble russe, une sérieuse dégringolade : l’inflation dans les deux pays a atteint l’année dernière 12%-13%. En se focalisant sur l’inflation, la Banque centrale du Kazakhstan est parvenue à réduire les pressions inflationnistes et à augmenter le rythme de dé-dollarisation.

Mais il est impossible d’obtenir des résultats concernant l’inflation sans opérer des réformes structurelles au sein de la banque nationale, a ajouté Elvira Nabioullina. Tao Zhang, vice-gouverneur de la Banque populaire de Chine, est entièrement d’accord. « Le cours de change du yuan reflète actuellement une souplesse accrue. La politique monétaire et de crédit de la Chine restera souple, son objectif est de garantir la réalisation de réformes dans le secteur financier  », a-t-il souligné. 

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