En Russie, Saint-Gobain mise sur l’avenir et l’innovation

Loin de chercher à réduire son activité en Russie dans le contexte de la crise économique actuelle, le groupe Saint-Gobain envisage de consolider ses positions actuelles, mais aussi d’aborder de nouveaux horizons. Dans une interview à RBTH, le directeur général de Saint-Gobain Russie et CEI Gonzague de Pirey évoque les projets de l’entreprise et évalue les perspectives du marché russe.
Gonzague de Pirey. Crédit : service de presse de Saint-Gobain

Le groupe Saint-Gobain est présent en Russie depuis 1993. Depuis, qu’est-ce qui a été fait et quelles pistes vous reste-t-il à explorer ? 

Gonzague de Pirey : En 1993 nous avons ouvert notre bureau en Russie et avons inauguré notre première usine en 2003, à Yegorievsk (région de Moscou) pour la laine de verre. Et effectivement, en 12 ans ce sont neuf usines qui ont été installées dans la région dans deux secteurs d'activité : les produits pour la construction et le conditionnement en verre.

Est-ce que nous pensons poursuivre notre développement en Russie ? Oui, bien sûr. Notre premier objectif est déjà de se renforcer là où nous sommes, notamment pour les marchés de l'habitat que nous pensons structurellement très prometteurs en Russie, d’abord car il y a un besoin de construction immense en Russie.

Evidemment, on rentre dans une crise économique et on va adapter notre rythme de croissance par rapport à ce facteur, mais ça ne change rien à cette vision long terme.

Il y a des secteurs d’activité sur les matériaux innovants qui peuvent être très intéressants pour Saint-Gobain sur lesquels nous sommes encore peu présents en Russie : nous étudions cela, même si ce n’est pas pour les prochains mois.

D’après votre expérience, quelles sont les spécificités du marché russe ? Quel genre de difficultés on peut y rencontrer et quels sont les atouts ?

Le marché russe n’est pas un marché facile. On connaît tous le poids de la bureaucratie, les difficultés à s’installer, les lenteurs de projets etc. Ce contexte du business vaut pour nous, mais il vaut également pour nos concurrents. Or nos métiers sont essentiellement locaux, donc oui, il y a des difficultés supplémentaires, mais elles ne sont pas déterminantes pour nous pour ne pas faire de business.

C’est un pays où l’on peut faire des choses. Certes c’est difficile de les faire, mais si on a une vision, une stratégie et une vraie volonté, elles se font. Ici, il n’y a pas la pesanteur et l’inertie que l’on peut voir dans l’ouest de l’Europe, où les choses sont beaucoup plus figées.

Ici, il est difficile de faire bouger les choses, mais on peut les faire bouger radicalement, ce qui est très prometteur quand on a l’ambition de changer la donne sur le marché.

Avez-vous ressenti l’impact des sanctions occidentales décrétées contre la Russie ?

Evidemment, les sanctions ont des conséquences sur l’économie russe en général, même si la principale cause des difficultés de l’économie russe est plus liée au prix du pétrole qu’aux sanctions. Quoique minoritaires, ces dernières jouent aussi un rôle. Je pense notamment aux sanctions américaines sur le financement des banques russes.

Ainsi, l’impact des sanctions est macroéconomique, il n’a pas d’effet direct sur notre business car nous nous sommes des producteurs locaux et nous vendons nos produits localement.

En général, comment les marques françaises sont-elles perçues en Russie ?

Les marques françaises sont très bien perçues en Russie. Je pense qu'elles véhiculent la confiance dans l’excellente qualité des produits, ainsi que l'innovation – la capacité à proposer des nouvelles solutions sur le marché grâce à la technologie et au savoir-faire mondial. 

Vos usines sont dispersées un peu partout en Russie. Comment évaluez-vous le climat d’investissements dans les régions ?

Chaque investissement a été un peu une aventure. Le climat d’investissements quand on a acheté une usine à Tcheliabinsk (Oural méridional) ou quand on a investi dans une usine Greenfield dans la campagne à 1h30 de Nijni Novgorod (Volga), ce n’est pas la même chose que de s’installer dans une zone industrielle faite pour ça comme à Ielabouga (Tatarstan), ou autre.

Chaque expérience a été très différente, mais il y a quand même des points communs : toutes les régions ont une forte volonté d’accueil, mais toutes ont des leviers d’action relativement limités.

Vous êtes en Russie depuis deux ans et demi. Quels progrès avez-vous noté durant cette période ?

Je trouve un point très positif, c’est sur la petite corruption. Je ne dis pas que la corruption n’existe plus, nous sommes dans le domaine de la construction, je sais qu’elle existe, mais il y a eu des évolutions tout à fait sensibles du pays sur ces sujets et ce qui change vraiment la donne pour le climat des investissements et des affaires en général.

Selon vous, quel potentiel de l’économie russe reste encore inexploré ?

Outre le domaine de la construction et du logement, je pense qu’il y a aussi un vrai potentiel dans l’industrie russe. C’est un domaine très intéressant avec des personnels très qualifiés, avec un grand savoir-faire. Dans certains domaines, quoique très étroits, ils sont vraiment à la pointe.

Le parc industriel lui-même est lourd, souvent vieillissant et relativement sous-investi.

Il y aurait plus généralement un potentiel d’investissement extraordinaire pour améliorer la qualité environnementale des entreprises russes, et ce qui vient de pair avec leur modernisation et l’augmentation de leur capacité. Dans ce temps de crise, c’est un des axes dans lequel le gouvernement russe peut s’engager, ce qui me semble être le cas, en imposant à son industrie de se moderniser et de devenir plus efficace, plus rentable, plus propre. 

Quels conseils pouvez-vous donner aux entrepreneurs français qui aimeraient venir en Russie ? 

Les entreprises françaises qui viennent ici peuvent être formidablement accueillies. Je ne dis pas que la Russie est un pays facile, mais la communauté d’affaires française est très soudée. Il y a un travail remarquable qui est fait par l’Ambassade avec l’organisme de pouvoir public Business France et la Chambre de commerce France-Russie qui collaborent pour guider, conseiller et pour épauler les entreprises françaises qui veulent commencer à faire des affaires en Russie. Pour donner un exemple, d’ici deux semaines Business France organise une rencontre des grands groupes français avec des petites et moyennes entreprises, pour qu’elles se fassent connaître auprès des grandes sociétés, pour créer des liens.

Quel est, selon vous, le plus grand achèvement de Saint-Gobain en Russie ?

Travailler comme une seule entreprise en Russie, quoique nous ayons des activités très diverses. À titre d’illustration, notre centre d’innovation ici à Moscou, ce bâtiment qui est vraiment exemplaire avec une enveloppe très performante – c’est sans doute un des bâtiments les plus efficaces du point de vue énergétique de tout Moscou - : nous l’avons réalisé transversalement dans l’entreprise pour montrer les solutions innovantes de Saint-Gobain pour le marché russe, pour former les artisans locaux à ces solutions et enfin pour être un lieu d’échange avec tous les acteurs du monde de la construction. Un lieu magnifique qui symbolise notre façon de travailler ensemble. 

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