Pascal Eveillard. Crédit : service de presse de Saint-Gobain |
Pascal Eveillard : On en est au tout début. Le marché russe de la construction est encore essentiellement dominé par la notion de coût et c’est justement là que réside le challenge : faire passer le marché russe de la construction d’une approche axée simplement les coûts de construction à une approche qui prenne en compte l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. Il s’agit en fait de gérer la valeur d’un bâtiment et l’ensemble des coûts qui lui sont afférents sur l’ensemble de son cycle de vie, c’est-à-dire sur 30, 40, 50 ans, voire davantage.
Mais cela implique des coûts de construction initiaux plus élevés. À combien s’élèvent-t-ils en général ?
Par rapport à une solution normale, bien réalisée, le surinvestissement – je préfère ce terme à celui de surcoût – varie de 10% à 20%. On ne peut donc pas parler d’un segment de luxe. Mais attention, il ne s’agit pas d’un bâtiment traditionnel sur lequel on vient juste rajouter quelques caractéristiques, mais bel et bien d’une façon totalement différente de concevoir tout le bâtiment. Au final, cela permet d’avoir des biens immobiliers qui sont d’une meilleure qualité, avec des coûts de maintenance moins élevés et qui au fil du temps, conservent leur valeur. Voire même, prennent plus de valeur que la moyenne du marché, ce qui est intéressant pour un investisseur immobilier.
Comment comptez-vous procéder pour faire évoluer les mentalités ?
Il faut pouvoir démontrer, chiffres à l’appui, les performances de la construction durable. C’est valable partout, pas seulement en Russie. Il faut montrer qu’on vit mieux dans ce type d’habitations, en matière notamment de confort thermique ou acoustique, que les relations de voisinage sont plus conviviales mais c’est un domaine où, d’après ce qu’on a expérimenté dans le monde, le discours ne suffit pas. La démonstration par l’exemple, en donnant à la population des bâtiments témoins, est ici particulièrement importante car elle permet de faire ressentir au public les bénéfices de ces constructions.
Concrètement, comment est-ce que Saint-Gobain aborde le marché russe ?
Il y deux volets. D’une part, nous souhaitons nous associer aux entreprises pionnières sur ce marché pour avoir un collectif, une dynamique d’entreprises susceptible d’initier la mécanique. Un fabricant de matériaux, un constructeur, un architecte ne peuvent pas initier le mouvement tous seuls. C’est vraiment une logique de filière, la dynamique ne viendra que si les parties prenantes de l’ensemble de la chaîne de construction s’associent. Et d’autre part, nous devons réaliser ou accompagner des projets-pilotes, j’en reviens à ma démonstration par l’exemple, qui mettent en avant des constructions efficaces du point de vue énergétique et présentant des performances élevées en termes de confort thermique, acoustique, visuel, de qualité de l’air intérieur. Nous le ferons en introduisant en Russie notre programme de bâtiments Multi-Confort.
Les autorités ont-elles un rôle à jouer pour accélérer cette prise de conscience ?
La construction durable n’a pas démarré sous l’action publique. C’est vraiment l’initiative privée et la création de labels volontaires qui ont créé le mouvement. La construction durable met en avant les meilleures pratiques alors que les gouvernements établissent les minimums réglementaires. Le rôle des autorités consiste à soutenir certains labels, s’appuyer sur ces labels dans leur politique d’achats publics, ou encore à fournir un soutien financier pour la mise en œuvre de certaines mesures favorisant la construction durable.
En Russie, à quelles difficultés êtes-vous confrontés dans ce processus ?
La principale difficulté en Russie découle du fait que l’énergie y est abondante et bon marché. Cela sensibilise peut-être moins qu’ailleurs la population et les autorités aux économies d’énergie et au développement durable. Mais à long terme, la limitation de la consommation énergétique est incontournable.
La Russie est-elle alors un marché porteur pour la construction durable ?
Il n’y aucune raison pour que la Russie échappe à une tendance qui a été constatée dans le monde entier, dans tous les pays, dans toutes les économies, qu’elles soient développées ou émergentes.
À l’heure actuelle, quel secteur de la construction est le plus enclin à faire saut vers la construction durable ?
C’est clairement le secteur non résidentiel et principalement les immeubles de bureaux. Le mouvement a été initié par plusieurs multinationales qui, lorsqu’elles ont fait construire leur siège russe, ont eu recours aux principes de la construction durable, le plus souvent en raison des obligations que leur confèrent leur charte éthique ou écologique. Mais l’important, c’est qu’au-delà de ces premiers segments, le marché reconnaisse la qualité et la valeur de ce type de constructions.
La construction durable peut-elle être facilement transposée en Russie compte tenu du climat particulier de ce pays ?
C’est évident que les réponses à apporter en termes de solutions constructives dans un climat extrême ou avec de fortes variations de température ne seront pas les mêmes que dans un climat tempéré. Les matériaux utilisés ne seront pas différents mais par contre, la façon de les mettre en œuvre, les solutions constructives dans lesquelles ils vont s’intégrer et la façon dont on va les décliner en termes de taille, d’épaisseur ou de dimension va devoir être adaptée. Nous avons des équipes qui étudient la physique du bâtiment pour savoir comment il va se comporter selon les climats, ce qui nous permet d’adapter nos solutions en fonction d’un climat chaud, froid, tempéré ou humide.
Sur le marché russe de la construction, à combien évaluez-vous la part du « durable » ?
La construction durable est encore à ses tout premiers balbutiements en Russie. Il y a seulement une petite centaine de bâtiments certifiés « durables ». Le marché se contente des exigences minimales de la réglementation. Si à long terme le potentiel est important, la question est donc de savoir à quel rythme ce marché va se développer.
Je pense que la construction durable ne sera pas démocratisée en Russie avant une quinzaine d’années. Entre temps, un effort accru sur l’efficacité énergétique aura fait évoluer les réglementations et les pratiques, aura permis d’apprendre à raisonner au-delà des seuls coûts de construction, et fait progresser la notion de confort thermique. Une démarche de progrès que Saint-Gobain souhaite accompagner et faciliter.
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