Ces écrivains français amoureux de la Russie

Rencontre avec deux plumes qui ont trouvé leur inspiration à l’Est

Cédric Gras : au bout de ses rêves

Photo : Archives personnelles

Il est voyageur de métier. Nombreux sont ceux qui rêveraient d’une telle occupation. Mais seuls les plus courageux sont capables d’aller au bout de leurs rêves…

Cédric Gras, un jeune auteur de 29 ans, est né et a grandi dans la banlieue parisienne. Ce n’est pas à Paris, à New York, à Londres ou à Rio qu’il a trouvé la lu­mière, mais à Vladivostok, « ville où tout le monde descend, terminus d’un rêve » , comme l’a écrit le célèbre écrivain-voyageur Sylvain Tesson dans la préface du livre que ­Cédric vient de consacrer à cette cité du bout du monde. Un terminus de la Russie extrême-orientale. Une Russie devenue chère, un véritable pays d’adoption pour celui dont la maman a bien choisi les contes d’enfant…


« Telle une langue, on apprend la géographie à l’école, mais on ne parle vraiment qu’en voyageant. C’est un peu la langue de la Terre » , affirme Cédric Gras dans son livre Vladivostok, neiges et moussons. Lui, passionné d’alpinisme et diplômé de l’Université Paris VII en géographie humaine s’est vu, très jeune, aux sommets ! Les Alpes, le Caucase, les Andes, l’Himalaya… Près de 40 pays au total, dont la Mongolie, le Tibet, le Népal, le Chili et le Pérou. ­Cédri c Gras les a tous arpentés. Mais celui où il s’est senti « chez lui » , c’est la Russie.


« Pourquoi la Russie ? J’y suis arrivé à 23 ans, voyageur ne sachant pas trop où aller, quelques échecs en poche et le temps qui passait. J’en ressors quatre années plus tard avec une personnalité plus sûre, une confiance en moi qui ne se fonde sur aucun acquis concret mais sur l’expérience d’un pays devenu primordial dans ma vie. Oserais-je affirmer qu’il m’a fait homme ? » Telle est la confidence de l’auteur à ses lecteurs.

Un an en Sibérie, dans la ville d’Omsk, et quatre ans dans la capitale de la région du Primorié… Dans ces lieux lointains, Cédric Gras s’est consacré à la promotion de la langue fran­çaise, comme professeur à l’Université d’État d’Extrême-Orient, puis comme directeur de l’Alliance Française de Vladivostok. « Je me prends à penser que je suis fait pour la Russie ! J’aime beaucoup les Russes pour une longue liste de qualités magiques et de défauts cataclysmiques ! Il faut sans doute être né là-bas pour la faire sienne même si les Russes vous font leur assez vite ! »
 
Et de poursuivre : « En Russie, j’ai eu beaucoup de moments d’émotion solitaire et difficile à partager. J’ai eu quelques moments d’excitation intellectuelle intense dans les musées vides de bourgades ignorées... Au bout de quelques années je me suis rendu compte que j’avais beaucoup de notes éparses, écrites spontanément, et que peut-être cela ferait un livre. C’est, en effet, la Russie qui m’a décidé à écrire un livre et non le contraire ! »


En avril 2011, un ouvrage intitulé Vladivostok, neiges et moussons caractérisé par son auteur comme récit de voyage voit le jour à Paris. Ce nouveau-né littéraire ayant été accueilli avec succès sur sa terre natale, Cédric Gras rêve qu’il soit connu de la même façon sur sa terre d’adoption sentimentale. En Extrême-Orient très exactement, auprès des extrême-Orientaux auxquels il a dédié son premier livre.


En attendant la traduction, ­Cédric reste fidèle à Vladivostok et écrit une thèse qui a pour titre « Les conditions d’un établissement durable en extrême-Orient de la Russie » . Ce sera certainement un travail de réflexion qui ira bien au-delà de ses tout premiers rêves.
J’ai eu des moments d’excitation intellec-tuelle intense dans les musées vides de bourgades ignorées...

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Les hommes préfèrent les travailleuses


Photo : Archives personnelles

Les yeux d’Astrid Wendlandt brillent d’un tel éclat quand elle parle des ses expéditions dans la toundra qu’on dirait l’aurore boréale.
Astrid est une journaliste parisienne spécialisée dans l’industrie européenne du luxe. Elle est venue pour la première fois à Vorkouta en 2001, pour préparer un reportage sur la vie des mineurs russes dont le labeur est rémunéré par trois sandwiches quotidiens. La veille de son départ pour Moscou, alors que la journaliste se trouvait dans la voiture d’un fonctionnaire local, un traîneau monté par un homme encapuchonné et tiré par cinq rennes surgit de la brume. L’adjoint au maire explique à la journaliste estomaquée qu’il s’agissait d’un Nénètse éleveur de rennes nomade. Astrid, d’ori­gine franco-canadienne, promet de revenir dans le monde magique des chamanes du Grand Nord.

En survolant la toundra, on voit la nature prendre des formes et des figures totalement irréelles 
Entre 2005 et 2007, Astrid revient à trois reprises sur la péninsule de Yamal en s’aventurant toujours plus loin. « Quand un éleveur m’a demandé comment s’appelait le tsar actuel, je me suis dis que la toundra est tellement vaste qu’elle engloutit l’Histoire » , raconte Astrid.

La journaliste suit la route des Nénètses, en harmonie avec la nature dans le froid permanent. « La toundra est un milieu rude, elle ne pardonne pas les erreurs. Pour y survivre, il faut être extrêmement discipliné et résistant. Quand vous avancez dans la toundra, ne sentant plus votre corps, seulement vos jambes à bout de course, elle découvre toute sa splendeur. Mais pour la voir, il faut posséder une véri­table force intérieure ».

Dans la toundra, tous les moyens de locomotion sont bons : le tout-terrain ; les trains qui roulent sur les rails posés par Gaz­prom jusqu’au gisement de gaz et que l’on peut arrêter d’un mouvement de la main, comme un simple taxi ; les hélicop­tères, qui ramassent les enfants dans les villages et les acheminent à la ville pour l’année scolaire, en pension. « En survolant la toundra, on voit la nature prend des formes et des figures totalement irréelles. En hélicoptère, nous sommes allés jusqu’au bout du monde où il ne reste plus rien à part les éleveurs de rennes » , ajoute Astrid.

La Parisienne voulait aussi entrer dans la vie d’une famille nénètse, aux côtés de laquelle elle a parcouru des dizaines de kilomètres. « Au début, j’essayais de me rendre utile, en coupant du bois par exemple, et je comprenais à quel point nous les citadins étions pitoyables dans des conditions difficiles. Je regardais les femmes, émerveillée par la précision de chacun de leurs ­gestes. Dans la toundra, la femme qui séduit un homme n’est pas celle qui est belle et intelligente, mais celle qui sait travailler. L’homme nénètse, en faisant la cour, ne chante pas de sérénades mais invite à ramasser des ­branches sèches ou des baies » , remarque Astrid.

Les notes prises pendant le ­voyage, après une journée surchargée de corvées quotidiennes, ont donné naissance à un livre, Au bord du monde , regorgeant d’aventures drôles et dange­reuses. Astrid voit avec opti­misme l’avenir du peuple né­nètse : « Ils conserveront leur mode de vie. S’ils ont survécu à la tyrannie des tsars ou des communistes, qui fusillaient les chamanes, et à l’anarchie de la perestroïka, ils survivront aux barons gaziers. Un éleveur m’a dit : un jour il n’y aura plus de gaz, ils repartiront, tandis 
que nous, nous serons toujours là ».

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