Iouri Gagarine et Ernesto Che Guevara, le 11 novembre 1964. Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
« C’est toute une époque qui s’en va », dit-on de la génération née dans les années 1930, juste avant la Seconde Guerre mondiale. C’est devenu un cliché pour la langue russe, sans doute parce qu’il reflète le fond de cette époque.
« Les Freux sont de retour ». Le printemps dans le parc de l’Université. Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
Viktor Akhlomov est un classique du reportage photo, l’un des meilleurs dans ce domaine à l’époque soviétique et postsoviétique. Ses archives permettent de découvrir les différentes facettes de la vie du pays : officielle, avec Khrouchtchev, Gagarine et les lettres URSS allumées le soir dans les fenêtres des immeubles en forme de livres ouverts du centre-ville ; bohème, avec les portraits de Vladimir Vyssotski, Bella Akhmadoulina et Marlène Dietrich ; privée, avec les « amoureux des bancs publics » et une beauté à demi-nue dans des intérieurs soviétiques type.
Rostropovitch lit Izvestia, 1955. Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
Plus de cinquante ans de sa carrière sont liés à un seul journal, Izvestia, qui était alors le porte-voix officiel du pouvoir soviétique avant de devenir une édition indépendante en 1991. En 1960, Viktor Akhlomov participe à une exposition de jeunes photographes à la Maison centrale des journalistes de Moscou.
Ouvrières de l’exploitation forestière du district Kondinski (région de Tioumen, Sibérie occidentale), 1964. Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
Ses photos sont repérées par le rédacteur en chef des Izvestia, Alexeï Adjoubeï, une autre légende du journalisme russe connu pour être le gendre de Khrouchtchev. C’est dans ces années que la rédaction lance Nedelia (Semaine), un supplément hebdomadaire du quotidien, qui devient rapidement l’une des éditions les plus populaires du pays.
Iouri Nikouline, 1963. Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
Un genre plus « léger » par rapport au journal, très officiel, laissant davantage de liberté aux reporters photo. En un demi-siècle de travail pour l’édition, Viktor Akhlomov a remporté toutes les récompenses possibles et imaginables, notamment le grand prix national Œil d’or de Russie, et a été quatre fois lauréat du concours international World Press Photo.
« Les codétenus » (Des photographes). Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
Viktor Akhlomov entame sa carrière à l’époque du dégel, et ses photos retracent cette époque au même titre que les films et les poésies. L’art d’appuyer sur le bouton au bon moment pour « saisir l’instant », il le tient d’Henri Cartier-Bresson, figure mythique de la photographie du XXe siècle. La capacité à voir le monde d’un œil romantique, il la puise dans le dégel. Les temps soviétiques apparaissent sur ses photos exactement comme les voient les nostalgiques d’aujourd’hui.
Défilé de mode. Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
Viktor Akhlomov est un touche-à-tout qui travaille dans nombre de genres, allant de brillants portraits émotionnels jusqu’aux paysages et tableaux du quotidien, en passant par le reportage de rue. Il couvre nombre d’évènements importants pour Izvestia : Gagarine et Khrouhtchev trois jours après le premier vol de l’homme dans l’espace, le Che et Angela Davis à Moscou, Marlène Dietrich et Mona Lisa en visite en URSS.
« Nuit blanche à Moscou », place Komsomolskaïa, 1960–1961. Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
Son objectif est régulièrement braqué sur les poètes, les écrivains et les comédiens idoles de plusieurs générations et stars mondiales, d’Anna Akhmatova à Alexandre Soljenitsyne, d’Ivan Kozlovski à Maïa Plissetskaïa et Mstislav Rostropovitch. Sans parler de ses contemporains de la Génération 60 comme Bella Akhmadoulina, Boulat Okoudjava, Andreï Voznessenski et Robert Rojdestvenski, qui faisaient salle comble et rassemblaient des stades entiers.
Les ouvriers portent le panneau « Sortie » à la station de métro Kouznetski most, 1973. Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
Le charme que Viktor Akhlomov saisit dans les scènes du quotidien prises dans les rues de Moscou ne peut sans doute être comparé qu’à la vision de Paris du grand Brassaï : une voiture à cheval traversant une place entre une auto et un trolley, un tram et son unique voyageur dont les traits disparaissent dans le brouillard, une volée de pigeons qui, par leurs ailes en flou cinétique, recouvrent la place Rouge traversée par la queue du Mausolée de Lénine, symbole incontournable de l’époque soviétique.
La place Rouge au petit matin, 1959. Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
Dans ses photos non officielles, qui ne sont pas limitées par le protocole, Viktor Akhlomov glisse de l’humour : quatre pères Noël dont chacun lit son journal sur un boulevard enneigé, des jardinières qui coupent des branches dans le parc en face du gratte-ciel de l’Université Lomonossov de Moscou ou des silhouettes foncées sur les arbres nus qui nous renvoient au tableau Les Freux sont de retour d’Alexeï Savrassov.
La chasse au sanglier, 1973. Crédit : Viktor Akhlomov / Izvestia
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