Le duel d’Alexandre Pouchkine en cinq faits

Alexander Pushkin's Duel with Georges d'Anthes. Painting by A. A. Naumov

Alexander Pushkin's Duel with Georges d'Anthes. Painting by A. A. Naumov

Public Domain
Il s'agit probablement du face-à-face le plus célèbre de l'histoire russe, qui a causé la perte de l'un des plus grands génies de la littérature du pays. Russia Beyond se penche sur cette tragique rencontre entre l'illustre poète et le Français Georges d’Anthès.

1. Deux provocations en duel

Georges d’Anthès, jeune officier français de 25 ans de l’armée russe, et Alexandre Pouchkine se sont provoqués en duel à deux reprises. La première fois, Pouchkine envoya un cartel à Georges d’Anthès qui, selon les rumeurs circulant dans la haute société de Saint-Pétersbourg, n’était pas insensible aux charmes de la femme du grand poète, Natalia Gontcharova.

C’était en novembre 1836, quelques mois avant le duel fatidique. Alexandre Pouchkine reçut une lettre insidieuse mettant en doute la fidélité de son épouse. Cette missive pouvait être interprétée de manière à laisser entendre que sa femme le trompait avec l’empereur. Pouchkine décida que la lettre avait été écrite par le père adoptif de Georges d’Anthès, le baron van Heeckeren-Bewerweerd, ministre plénipotentiaire des Pays-Bas en Russie, et provoqua le jeune officier en duel. Le Français demanda précipitamment la main de la sœur de Natalia Gontcharova, Ekaterina, et le poète se ravisa.

Toutefois, les rumeurs reprirent de plus belle après le mariage et Pouchkine, convaincu encore une fois qu’elles étaient répandues par le baron van Heeckeren-Bewerweerd, lui écrivit une lettre d’injures. Après quoi le baron déclara que la provocation de Pouchkine restait en vigueur.

2. Des conditions très strictes

Le duel se tint à la périphérie de Saint-Pétersbourg, au bord de la rivière Tchornaïa (Noire). Les conditions étaient très strictes : la barrière située entre les deux hommes ne séparait ceux-ci que d’une dizaine de pas.

Georges d’Anthès tira le premier et toucha Alexandre Pouchkine au ventre. Le poète s’effondra dans la neige, mais eut la force de s’appuyer sur le bras pour tirer : la balle atteignit son adversaire au bras droit. Le grand poète succomba à sa blessure deux jours plus tard.

3. La réaction de l’empereur

Les duels étaient interdits en Russie depuis le règne de Pierre le Grand. Sur son lit de mort, Pouchkine réussit, avec la médiation du médecin de l’empereur Nicolas Ier, à faire gracier son témoin, Konstantin Danzas, qui s’en tira avec deux mois de détention.

Crédit : Sputnik

Nicolas Ier en personne se chargea d’assurer le bien-être de la famille du poète : il remboursa ses dettes, paya une allocation exceptionnelle de 10 000 roubles, fixa une pension à la veuve et aux filles et décida d’intégrer leurs fils dans le corps des pages.

En outre, le tsar ordonna d’expulser Georges d’Anthès du pays et le priva de son grade d’officier. De retour en France, Georges d’Anthès se lança en politique et réalisa plusieurs missions diplomatiques confidentielles pour Napoléon III qui l’envoya siéger au Sénat. Selon un témoignage, il déclara un jour que son départ de Russie suite au duel l’aida à faire « une brillante carrière politique » chez lui.

4. Le rôle de Natalia Gontcharova

Selon certains experts, Natalia Gontcharova est partiellement coupable de la mort de son mari puisqu’elle n’a pas voulu ou pu mettre fin aux rumeurs liant son nom à celui de Georges d’Anthès. Ainsi, elle fut accusée de la mort de Pouchkine par deux grandes poètes : Marina Tsvetaïeva et Anna Akhmatova, qui n’étaient pas contemporaines des faits. Cette dernière la qualifia même de « complice des Heeckeren dans l’histoire du duel ».

Deux lettres de Georges d’Anthès datant de 1836 ont été publiées à Paris après la Seconde Guerre mondiale. L’auteur y clame son amour pour « l’être le plus ravissant de Saint-Pétersbourg ». Il précise que son mari est « furieusement jaloux », tandis que la jeune femme manifeste une attirance réciproque. Toutefois, il note qu’elle n’est pas prête à « faillir à son devoir » pour lui.

Crédit : Musée des beaux-arts Pouchkine

5. Pouchkine le duelliste

Le duel avec Georges d’Anthès était loin d’être le premier pour Pouchkine. Les experts indiquent que Pouchkine a envoyé lui-même plus de 20 cartels et a été provoqué en duel à sept reprises. Quatre duels ont eu lieu, les autres ayant pu être évités principalement grâce aux amis du poète.

Son premier cartel, Pouchkine l’envoya alors qu’il n’avait que 17 ans. Il s’estima injurié par son oncle, Pavel Hannibal, qui lui avait volé sa partenaire de danses pour la soirée. Mais le duel n’eut pas lieu, les deux hommes s’étant rapidement réconciliés.

Pouchkine était qualifié de très bon tireur, mais il ne tirait jamais le premier et n’a jamais versé le sang de son adversaire, exception faite pour Georges d’Anthès.

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