Assa, le film qui a donné le coup de grâce à l’Union soviétique

Moscou, URSS. Viktor Tsoï (en avant) et son groupe Kino (Cinéma) se produisent sur la scène du Palais de la Culture de l’usine d’ampoules électriques MELZ dans le cadre de l'Art-rock-parade dédiée à la première du film Assa de Segueï Soloviov.

Moscou, URSS. Viktor Tsoï (en avant) et son groupe Kino (Cinéma) se produisent sur la scène du Palais de la Culture de l’usine d’ampoules électriques MELZ dans le cadre de l'Art-rock-parade dédiée à la première du film Assa de Segueï Soloviov.

Alexander Chumichev; Alexander Shogin/TASS
Le réalisateur Sergueï Soloviov a tourné Assa en 1987, mais le film est devenu un repère pour plusieurs générations.

Le film Assa occupe toujours une place particulière dans l’œuvre de Sergueï Soloviov. Il est souvent qualifié de film-manifeste, de grand film du rock russe, voire de film ayant fait voler en éclats l’Union soviétique. Le film-culte des années 1980 est sorti dans les salles il y a 28 ans jour pour jour.

Influence indienne

Le réalisateur Sergueï Soloviov lors d'une conférence de presse consacrée à la première du film Anna Karenine au théâtre Mikhaïlovsky à Saint-Pétersbourg. Crédit : Mikhail Fomichev/RIA Novosti

L’idée initiale d’Assa était loin de la protestation ou du manifeste. Pendant la présentation à Moscou de son film Le Pigeon sauvage, Sergueï Soloviov a remarqué qu’un officier avait fait venir de force une compagnie de soldats pour occuper les places vides dans la salle. C’est à ce moment-là qu’il a décidé de réaliser un film à succès que les spectateurs viendraient voir de leur propre gré. Il s’est tourné alors vers le cinéma indien, très populaire à l’époque en URSS : un film d’amour avec beaucoup de musique et de danses.

Les acteurs Stanislav Govoroukhine (Krymov) et Tatyana Drubich (Alika) dans le film Assa de Sergueï Soloviov au studio Mosfilm. Crédit : TASS

En résumé, Assa est vraiment un film « à la Bollywood » : l’infirmière Alika, une beauté qui rappelle par ses toilettes (chemises d’homme, cravates et casquettes) la version soviétique d’Annie Hall, arrive en hiver à Yalta (ville de Crimée au bord de la mer Noire) avec son amant, le mafieux Krymov, mais s’éprend du pauvre musicien Bananane, qui, de jour, travaille comme gardien et de nuit, comme chanteur dans un restaurant. Krymov, fou de jalousie, ordonne de poignarder Bananane. Quand elle apprend le drame, Alika tue Krymov avec un pistolet qui lui tombe sous la main. Tout y est : la pauvreté et la richesse, l’amour et le sang, les danses et les chansons. En outre, le film regorge de nains, d’hommes du KGB, de pseudo-cosmonautes et même de régicides. Mais l’essentiel c’est, bien sûr, la musique.

Filmographie

Le prix Pour la contribution au cinu00e9ma du festival en ligne Double dv@ qui se tiendra du 11 au 22 avril sera remis u00e0 Sergueu00ef Soloviov. Outre Assa, il a ru00e9alisu00e9 des films cu00e9lu00e8bres comme Cent jours apru00e8s lu2019enfance (Ours du2019argent du meilleur ru00e9alisateur u00e0 Berlin), Le Sauveteur et Le Pigeon sauvage (Grand Prix du jury u00e0 Venise).

Vague de rock

Le spectateur a éprouvé un véritable choc en entendant à l’écran à la fin des années 1980 les principaux groupes de rock russes Akvarium, Kino et Bravo – ceux dont les chansons étaient copiées et recopiées sur des magnétophones à bobines. Dans leurs rêves les plus osés, les rockers underground ne pouvaient compter que sur une Maison de la culture quelconque avec une minuscule salle et quelques centaines de personnes. Sergueï Soloviov les a présentés à des millions de fans.

Après que le pays eut entendu La Ville d’or de Boris Grebenchtchikov et Nous attendons du changement de Viktor Tsoï, il ne pouvait plus rester le même. C’était une immense éruption d’énergie fraîche apportée par la vague de rock qui déferlait sur le pays : le vinyle compilant les chansons du film Assa est devenu l’une des premières éditions de la musique rock russe, tandis que la présentation du film s’est transformée en un show grandiose jamais vu en Union soviétique.

Lagrandeparade

Moscou, URSS. Un jeune homme avec une pancarte « Besoin d'un billet » près du Palais de la Culture de l’usine d’ampoules électriques de Moscou avant la première du film Assa. Crédit : Alexander Shogin, Alexander Chumichev/TASS

Au printemps 1988, la Maison de la culture de l’usine d’ampoules électriques a vécu une véritable révolution : Assa y a été présenté pendant trois semaines, du 25 mars au 17 avril. La manifestation a été baptisée par ses organisateurs Art-rock-parade. Durant tout ce temps, le bâtiment était encerclé par la police. Les spectateurs devaient faire la queue pendant 24 heures pour acheter une place. Un défilé de mode était présenté dans le hall du bâtiment, des artistes de l’avant-garde avaient organisé sur plusieurs étages l’exposition Nouvelle peinture des années 1980, tandis que les commerçants vendaient tout autour des T-shirts et des sacs frappés du symbole d’Assa. Ainsi, le film a engendré une révolution dans le domaine des relations publiques également : jusque-là, aucune pellicule n’avait bénéficié d’une telle publicité.

La projection du film était précédée d’un concert des meilleurs groupes de rock du pays, comme Kino, Akvarium et Alissa. Après Moscou, l’Art-rock-parade a défilé dans nombre de villes russes et au moment de la première officielle du film, au mois de septembre, la vague de rock déferlait sur l’ensemble du pays.

Ça change

Moscou, URSS. Viktor Tsoï (en avant) et son groupe Kino (Cinéma) se produisent sur la scène du Palais de la Culture de l’usine d’ampoules électriques de Moscou MELZ dans le cadre de l'Art-rock-parade dédiée à la première du film Assa de Segueï Soloviov. Crédit : Alexander Chumichev; Alexander Shogin/TASS

Dans son épilogue, Assa présente l’idole du rock russe des années 1980, Viktor Tsoï : le personnage qu’il incarne est embauché comme chanteur pour remplacer Bananane au restaurant. Dans les dernières images du film, quand Viktor Tsoï chante Nous attendons du changement, il s’avère que le restaurant est une énorme salle : 10 000 personnes sont venues en qualité de figurants pour écouter Viktor Tsoï. La plupart tiennent dans la main des briquets, ce qui nous revoie au romantique Bananane : « Si chacun de nous allume une allumette, la moitié du ciel s’illuminera ».

Le temps des changements venait de poindre : deux ans après la première d’Assa, un concert de Viktor Tsoï et de son groupe Kino avait rassemblé dans le stade Loujniki de Moscou 70 000 personnes. Un an plus tard, peut-être en partie déstabilisée par l’ouragan du rock russe, l’URSS s’effondrait.

La scène finale du film Assa. Source : Youtube de allarich .

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