Carélie (République)
Les portes de la machine électrique allemande s’ouvrent et l’on se retrouve au début du XXe siècle ! Vêtu d’uniformes classiques, le personnel vérifie les papiers et invite les passagers à rejoindre leur place. Le chef, homme aux cheveux blancs appuyé sur une canne, surveille de loin en jetant des regards sur sa montre – le train ne doit pas avoir une minute de retard !
La vapeur enveloppe le quai, cachant l’énorme engin sifflant au loin – une véritable locomotive que fait tourner l’eau chauffée au charbon. À l’intérieur, le conducteur et son auxiliaire essuient la sueur de leur front : il n’est point facile de charger le charbon dans le four à l’intérieur d’une cabine chaude.
L’ordre « Aux wagons ! » retentit derrière notre dos et l’on se précipite à monter les escaliers en fonte à la rencontre d’une nouvelle surprise : meubles sculptés, luxe du sol au plafond, airs de musique symphonique coulant via le haut-parleur et thé chaud dans des tasses en porcelaine.
Le train gronde longuement ; suit une douce et délicate secousse, et la rame se met en marche. Une couche dense de vapeur fait disparaitre le quai et l’on ne parvient plus à distinguer quoi que ce soit. L’arrêt prochain est Rouskeala.
D’abord Saint-Pétersbourg, ville facilement accessible. Notre objectif suivant est la gare de Finlande, près de la station de métro Plochtchad Lenina.
D’ici, plusieurs fois par jour, partent les trains Lastotchka et autres passant par Sortavala, où l’on changera pour monter à bord de Rouskeala Express.
Nous vous conseillons de vérifier à l’avance les horaires des Lastotchka et du train retro. D’habitude, ce dernier part deux fois par jour, mais il se peut qu’en été il y ait plus de voyages.
Il est fort conseillé d’acheter vos billets à l’avance sur le site de la Société des chemins de fer de Russie et de choisir les places et le format qui vous conviennent : places assises au café, un compartiment ou autre.
Laissez les rêveries et la curiosité sincère vous emporter. Comme l’avait bien dit l’écrivain Leonid Andreïev : « Pour les passagers du wagon, le présent, ce maudit présent qui retient dans étau la pensée et dans le mouvement les mains, n’existe pas. N’est-ce pour cela que dans la rame les gens deviennent philosophes ? ».
L’histoire des carrières de marbre de Rouskeala plongent leurs racines au XVIIIe siècle : une fois découverte, la pierre y a été avidement extraite pour se voir envoyée dans la capitale de l’Empire. Quatre variétés de marbre local ornent les cathédrales Saint-Isaac et Pierre-et-Paul, les palais de Tauride et de Marbre, les fontaines romaines de Peterhof et d’autres bâtiments luxueux. Sous l’URSS, le marbre de Rouskeala a été utilisé dans la décoration de plusieurs stations du métro de la capitale du Nord.
Toutefois, à la fin du XXe siècle, les maîtres italiens invités à développer les carrières ont déçu les Russes : les couches superficielles du marbre local étaient trop poreuses et cassantes, et sa résistance à l’usure laissait beaucoup à désirer. Certes, au XVIIIe siècle, on l’ignorait, et les restaurateurs contemporains en paient le prix.