"Сonquérants spaciaux" par Alexandre Deineka, reproduction.
RIA Novosti« Сonquérants spaciaux » Alexandre Deineka, reproduction. Crédit : RIA Novosti
« Camarades ! La terre soviétique est désormais le littoral de l’Univers ! » : cette vieille affiche représente un jeune homme, tout sourire. Derrière lui, des planètes, le Kremlin et une fusée prenant son envol. Dans la main, le jeune homme tient un billet aller-retour entre l’espace et son pays, l’Union soviétique.
Des générations entières de Soviétiques ont grandi en rêvant de « rédiger les chroniques de la conquête de l’Univers ». Où en est l’aérospatiale russe aujourd’hui, et que sont devenus ces rêves ?
Guerrefroidedansl’espace
Le vol de Iouri Gagarine, le 12 avril 1961, a constitué l’une des plus grandes victoires de l’URSS dans l’espace. Mais alors que le monde entier suivait, en retenant son souffle, le périple du premier homme dans l’espace, les autorités américaines éprouvaient plutôt de l’inquiétude : le lanceur R-7 qui avait placé en orbite le vaisseau de Iouri Gagarine, Vostok-1, avait été initialement conçu comme un vecteur capable de transporter une charge nucléaire vers les Etats-Unis.
Une scène du documentaire « Premier vol vers les étoiles », Iouri Gagarine. Crédit : RIA Novosti
La guerre froide battait son plein. L’espace était un domaine où les deux superpuissances pouvaient rivaliser et « faire jouer leurs muscles » en évitant la confrontation directe. C’est à cette période que l’URSS a fait paraître un grand nombre d’affiches avec l’espace pour sujet principal. L’espace devenait progressivement un instrument de motivation du prolétariat.
Au début des années 1970, les responsables soviétiques ont appris avec préoccupation la mise au point de navettes spatiales. Les Etats-Unis voulaient réaliser un bond dans le domaine de l’exploration de l’espace à des fins militaires.
Selon Moscou, les Etats-Unis auraient pu utiliser leurs navettes pour transporter des armes nucléaires ou intercepter des satellites soviétiques. Afin d’enrayer de tels développements, les autorités soviétiques se sont concentrées sur la réalisation du programme spatial Energuia-Bourane. Les deux superpuissances ont dépensé à leurs projets des sommes exorbitantes : environ 200 milliards de dollars au programme Space Shuttle et entre 16 et 17 milliards pour le programme Bourane.
La donne a changé avec la perestroïka, la désagrégation de l’Union soviétique et les bouleversements économiques en Russie au début des années 1990. Dans un contexte de grandes difficultés économiques, le pays a suspendu le projet de la nouvelle station spatiale Mir-2 censé remplacer Mir (qui a fini sa course dans l’océan en 2001).De la confrontation à la coopération
En juin 1992, la Russie et les Etats-Unis ont signé un accord de coopération dans l’exploration de l’espace. L’Agence spatiale de Russie, Roskosmos, a proposé à la NASA de concevoir la Station spatiale internationale (ISS) qui était au début un projet des Etats-Unis, du Canada, du Japon et de l’Agence spatiale européenne (ESA).
Ces dernières années, les astronautes de tous les pays ne se rendent sur l’ISS qu’à bord de vaisseaux russes Soyouz. Toutefois, les sociétés privées SpaceX et Boeing ont touché l’année dernière 6,8 milliards de dollars de la part de la NASA pour la mise au point d’un vaisseau d’ici la fin de 2017.
Le directeur de Roskosmos, Igor Komarov, déclare que la compréhension mutuelle règne actuellement entre les pays dans le domaine de l’espace. « Il y a une aggravation des tensions sur Terre, mais c’est l’inverse dans l’espace. Nous procédons à un échange des résultats de nos expériences et de matériels scientifiques. Nous nous sommes entendus avec la NASA et l’ESA pour développer ensemble l’axe scientifique et les programmes de vols habités », a-t-il indiqué.
Qui plus est, le club des puissances spatiales s’élargira à l’avenir : « Les portes seront ouvertes aux pays qui ne font qu’entamer des études spatiales », a souligné Igor Komarov.
Plus besoin d’être les premiers
Les membres de la 42ème expédition au centre d'entraînement de NASA. En avant : les astronautes de NASA Barry Wilmore (a g.), commandant, et Terry Virts, ingénieur. En arrière, de g. à dr.: les cosmonautes russes Elena Serova, Alexander Samoukutyaev et Anton Shkaplerov et l'astronaute de l'ESA Samantha Cristoforetti, tous ingénieurs. Crédit : Bill Stafford/NASA
Le gouvernement russe a approuvé fin mars un projet de nouveau programme spatial pour 2016–2025 dont l’une des priorités est le développement du segment russe de l’ISS. La station sera exploitée jusqu’en 2024.
Toujours d’après Igor Komarov, Roskosmos examine l’idée d’une exploration commune de Mars avec la NASA et l’ESA (projet ExoMars). Cependant, ces dix prochaines années, la Russie compte se concentrer sur l’étude de l’orbite circumterrestre, des radiations cosmiques et de l’activité solaire, ainsi que sur les préparatifs de l’étude de la Lune après 2025. Roskosmos prévoit de faire débarquer un Russe sur la Lune, mais seulement en 2030.
« Nous devrons résoudre maints problèmes avant de partir pour l’espace lointain, a poursuivi Igor Komarov. Nous continuerons de travailler dans le cadre du projet ExoMars et nous sommes certains de pouvoir réaliser la seconde étape de la mission en 2018–2020 ». Les grands objectifs pour les années à venir sont le développement de la constellation de satellites de communication et de sondage à distance, ainsi que le lancement de nouveaux laboratoires scientifiques.Il pourrait sembler que les projets de la Russie ne soient pas très ambitieux ni grandioses. Le programme spatial des dix prochaines années ne prévoit même pas la conception d’un lanceur super lourd. « Le lanceur Phénix de classe moyenne qui doit être mis au point d’ici 2025 représente une première étape sur le long chemin vers un lanceur super lourd, mais il n’y aura pas de charges pour celui-ci au cours des prochaines années, a fait remarquer Igor Komarov. Alors pourquoi le concevoir aujourd’hui ? Simplement pour pouvoir dire que nous étions les premiers ? Nous avons grandi depuis le temps des culottes courtes : le premier à débarquer sur la Lune, le premier à effectuer un vol… Nous nous posons actuellement d’autres objectifs, laissons ces ambitions de jeunesse ».
D’ailleurs les cosmonautes affirment que la Lune peut être colonisée par les techniques dont nous disposons d’ores et déjà. « Ces derniers temps, l’humanité a réalisé une véritable percée dans la mise au point de nouveaux matériaux et dans le domaine de l’énergie. Je crois que les techniques modernes rendent possible la colonisation de la Lune. Dans tous les cas c’est indispensable car tôt ou tard, les ressources de la Terre s’épuiseront et l’humanité sera contrainte de mettre en valeur la Lune et Mars », a dit le cosmonaute Oleg Kononenko.
Les étoiles plus proches qu’on ne croit
Héros de l'Union soviétique, 4ème cosmonaute de l'URSS Pavel Popovitch (né en 1930) dans la cabine de pilotage d'un vaisseau spatial. Image du film « Star brothers ». Crédit : D. Gasjuck/RIA Novosti
La Russie a vu naître ces dernières années des sociétés spatiales privées. Par exemple, Dauria Aerospace et Sputniks se penchent sur l’élaboration, l’assemblage et le lancement de petits satellites.
Les amateurs s’élancent eux-aussi vers les étoiles : ils trouvent l’argent pour leurs projets spatiaux grâce au financement participatif. Au début de cette année, plusieurs enthousiastes blogueurs ont collecté sur Boomstarter environ 25 500 euros pour lancer un satellite vers la Lune. Leur objectif est de prendre des vues sur les lieux d’alunissage des Apollo américains et des sondes soviétiques Lunokhod et Luna.
Les scientifiques russes de l’Université des constructions mécaniques prévoient de lancer cette année le mini-satellite Mayak, construit également grâce à une collecte de fonds sur Internet. Ils se posent pour objectif « de prouver que l’espace est proche et accessible », et de tester des techniques pouvant permettre de régler le problème des déchets dans l’espace.
La société privée KosmoKours a reçu à la mi-mars une autorisation de la part de Roskosmos pour l’élaboration du projet de système réutilisable de vols touristiques dans l’espace. « Les exigences envers les touristes ne seront pas très sévères, a promis le directeur général de KosmoKours, Pavel Pouchkine. Ils devront faire un bilan de santé pour détecter éventuellement des maladies sérieuses et passer une épreuve à la centrifugeuse, après quoi nous serons prêts à signer un contrat avec eux ».
La première visite dans l’espace est prévue pour 2020, pour la modeste somme de 175 000–220 000 euros. Il semble qu’aujourd’hui, comme en avaient rêvé les Soviétiques, les étoiles soient de plus en plus proches. Même si elles ne sont pas accessibles à tout le monde !
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