Attentat de Nice : le terrorisme persiste

Hommage aux victimes de l'attentat de Nice.

Hommage aux victimes de l'attentat de Nice.

Reuters
Si la France et les autres pays occidentaux ont renforcé leurs mesures de sécurité dans les lieux publics, les terroristes ne renoncent pas. L’attentat de Nice rappelle tragiquement aux autorités qu’elles doivent s’attaquer à l’origine du problème et non à ses conséquences.

La France et les autres pays occidentaux ont considérablement renforcé leurs mesures de sécurité et de lutte contre le terrorisme après les attentats de Bruxelles et de Paris en 2015–2016. Le drame qui s’est déroulé au soir du 14 juillet à Nice, en France, indique que les terroristes n’ont pas renoncé, qu’ils redoublent d’efforts et qu’ils s’acharnent.

L’attentat a fait 84 victimes, dont une touriste russe. Un camion conduit par un ressortissant tunisien âgé de 31 ans est passé à travers un barrage de police et a foncé dans la foule, réunie pour célébrer la fête nationale du 14 juillet sur la Promenade des Anglais, l’avenue emblématique de Nice. Ce drame a frappé une ville d’Europe, mais c’est un signal d’avertissement qui vient rappeler une nouvelle fois qu’un tel attentat peut se produire n’importe où dans le monde.

De tels actes deviennent communs dans certains pays d’Asie du Sud, du Proche-Orient, d’Asie centrale et d’Afrique, où les terroristes sont de plus en plus actifs, alors que l’Etat islamique (EI ou Daech) en Irak et au Proche-Orient promeut son projet radical et trouve des soutiens à travers le monde. Mais une chose semble claire : les islamistes sont aujourd’hui requinqués grâce à leurs activités subversives en Europe et en Occident en général, autant de pays dans lesquels ils cherchent à alimenter la peur et la panique. Les tragédies d’Orlando, de Bruxelles, de Paris et, désormais, Nice, sont la preuve de cette tendance alarmante.

Alors que les attentats se généralisent en Europe, la capacité des pays de l’UE et de la Russie pour répondre à cette menace de manière décisive et de la prévenir, ou du moins, d’en réduire le risque, prend toute son importance. George Gobronidze, expert en politique étrangère et chargé de cours à l’Université américaine de Géorgie, estime qu’il est aujourd’hui impossible de prédire où se produira le prochain attentat, car les terroristes, qu’ils soient membre de Daech ou d’autres organisations terroristes, deviennent plus acharnés et innovants, alors que les services de sécurité de certains pays s’appuient sur de vieilles méthodes de collecte de renseignements et peinent à coopérer. C’est pourquoi la prévention des attentats terroristes est actuellement si difficile.

« Même si les services de sécurité peuvent échanger leurs expériences et que cela est parfois utile, il reste à voir s’ils coopèrent réellement », indique George Gobronidze en marge du forum sur les problèmes du Caucase du Sud, organisé par la Fondation Gorchakov – organisation de diplomatie publique russe – et par la Maison du Caucase, un centre de relations culturelles géorgien, qui se déroule à Batoumi, en Géorgie. « [Les pays européens] ne peuvent pas prévenir les attentats malgré la récente série d’attaques [à Bruxelles et à Paris], car les terroristes sont de plus en plus innovants et inventent de nouvelles méthodes permettant de semer la panique et la peur dans la société, puisqu’ils doivent s’adapter à une nouvelle réalité. Ils semblent toujours devancer les services de sécurité. Et c’est un problème », assène l’expert.

Interrogé sur l’utilité de l’expérience russe du terrorisme pour l’Europe, George Gobronidze indique qu’il faut l’adapter à l’Europe, car les origines du terrorisme russe diffèrent de celui que l’on voit actuellement dans l’UE et en Occident, de manière générale. De même, Sergueï Markedonov, spécialiste du Caucase et professeur associé à l’Université d’Etat des sciences humaines (UESH), croit que chaque pays dispose d’une expérience unique en matière de renforcement de la sécurité et de lutte contre le terrorisme. On ne peut donc pas la transposer aveuglément car elle doit être ajustées aux réalités de chaque pays pour pouvoir produire des effets.

L’Europe, et la France en particulier, restent toujours très vulnérables aux attentats, estime Akhmet Iarlikapov, directeur de recherche au Centre des problèmes du Caucase et de la sécurité régionale et à l’Institut d’études internationales auprès de l’Institut d'État des relations internationales de Moscou (MGIMO). Les terroristes le comprennent parfaitement et c’est pour cela que la France semble être leur cible préférée, a-t-il indiqué. Ils tiennent compte tant de sa vulnérabilité et des failles structurelles dans son dispositif de sécurité, que de la taille et de la renommée du pays, s’octroyant ainsi un immense effet de résonnance médiatique qui achève d’assurer leur promotion. Après tout, les kamikazes choisissent rarement les pays du tiers monde pour faire exploser une bombe ou mener des fusillades. Généralisé dans ces pays, le terrorisme ne bénéficie pas de la même attention des médias, comme c’est le cas lorsqu’un attentat a lieu en Europe ou aux Etats-Unis.

« Il y a trois pays principaux en Europe – la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France – qui peuvent intéresser les terroristes », ajoute Akhmet Iarlikapov qui précise aussitôt : « La France est l’un des plus importants et des plus vulnérables car il permet de mettre les terroristes à la une des médias ».

Par ailleurs, Sergueï Markedonov estime que l’attentat de Nice ne prouve pas que les services de sécurité en France sont défaillants, il montre seulement que les autorités françaises et européennes en général ne comprennent pas clairement les racines profondes du terrorisme ni ses origines. Ils n’envoient pas de message cohérent à leurs services de renseignements sur la manière de lutter contre la menace du terrorisme islamique.

« Ce n’est pas une question de qualité des services de sécurité : je ne crois pas que la France manque d’agents compétents au sein de ses services spéciaux, indique M.Markedonov. C’est une question de compréhension par les élites politiques du pays des tendances dans les évolutions idéologiques dans la société. Les services spéciaux font partie du paysage politique et de l’appareil d’Etat. Si les autorités n’envoient pas leur requête aux renseignements correctement, ils n’assurent pas la sécurité ».

Sergueï Markedonov pense que le renforcement de la sécurité dans les aéroports et autres lieux publics ne résout pas le problème, car il ne s’attaque qu’aux conséquences du problème et non à ses origines. Pour résoudre ces problèmes, il faut éradiquer le terrorisme dans les cœurs et les esprits des personnes les plus sensibles aux idéaux radicaux des islamistes.

« Si les autorités pensent qu’en installant des détecteurs et des portiques de sécurité dans les aéroport elles résolvent le problème, elles se trompent », clame-t-il, reconnaissant qu’il faut agir « sur les cœurs et les esprits des gens ».

Après tout, les attentats sont parfois perpétrés par les propres citoyens des pays qui sont visés car ils adhèrent aux idées de l’islam radical et non par des personnes envoyées de Syrie ou d’autres pays du Proche-Orient, ajoute Sergueï Markedonov.

Akhmet Iarlikapov partage cet avis. C’est beaucoup plus difficile de répondre aux attentats menés par ce que l’on appelle des « loups solitaires », car ils peuvent être éparpillés dans tout le pays et faire exploser une bombe dans un lieu public de manière inattendue. A ce titre, aucun service de sécurité n’est parfait et chaque pays d’Europe ou d’Eurasie, y compris la Russie, peut être la prochaine cible des terroristes.

Le drame de Nice doit être perçu comme un signal d’avertissement qui pousse l’Occident, la Russie et les autres pays à agir contre le terrorisme, non seulement au niveau local en renforçant les mesures de sécurité dans un pays ou une région donnés, mais aussi en s’attaquant aux racines du problème plutôt qu’à ses conséquences. Elargir la coopération au Proche-Orient et en Asie centrale, où la plupart des terroristes s’entraînent et préparent leurs actes, est un défi essentiel.

Cet article a été écrit en marge d'un forum consacré aux problèmes du Caucase du Sud à Batoumi, en Géorgie, organisé par la Fondation Gorchakov, une organisation russe axée sur la diplomatie publique, et Maison du Caucase, le Centre géorgien pour les relations culturelles.Version originale en anglais disponible sur le site de Russia Direct

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