Fashion rouge: le cocktail du savoir-faire ancestral slave et des tendances ultra modernes

Maria Tchobanov
Encore timide, mais enthousiaste et créatif, le design à l’accent slave commence sa conquête de l’industrie internationale de la mode.

L'école-podium Fashion Style avec le directeur Igor Ivanov

La deuxième édition du festival de la mode slave à Paris Fashion rouge a présenté les 3 et 4 mai au Louvre factory, rue Richelieu, dix designers de vêtements, venus de Russie, d’Ukraine et de Biélorussie. Cet événement, organisé par l’artiste et journaliste de mode Andrey Andreev-Arton, a permis à de jeunes créateurs, provenant pour la plupart de la périphérie lointaine de la sphère de la mode, de côtoyer de nombreux experts et professionnels du domaine et des métiers connexes, français et internationaux, à travers différents ateliers et rencontres.

Andrey Andreev-Arton. Le prix a été créé et fabriqué à Kiev par la créatrice ukrainienne Olga Radionova.

Pour les participants, sélectionnés par le fondateur du festival, c’était également une excellente occasion de faire ses premier pas sur la scène internationale, de tester son niveau et de se remettre en question.

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« Ma mission de promotion de la créativité en provenance des pays aux racines slaves commence à prendre forme. Je n’ai pas fait venir quarante participants juste pour rentabiliser la mise en place de l’événement, mais seulement dix, que je trouve originaux, muni de potentiel digne d’être montré à Paris, et qui ont besoin de compléter les lacunes dans leur connaissances pour réussir à s’imposer au niveau international », explique Andrey Andreev-Arton.

Il a particulièrement salué les performances des participants biélorusses, qui se sont distingués par la mise en valeur des connaissances ancestrales de la couture manuelle, qui se perdent dans le monde de la fast-fashion d’aujourd’hui et qu’il faut, selon Andrey, absolument sauvegarder, mais également apprendre à commercialiser. 

Les résultats de cette approche ne se sont pas fait attendre longtemps : deux entreprises, venues en octobre 2017 pour la première édition du festival et qui ont répondu présentes également cette fois, ont fait un grand pas en avant en ce qui concerne la visibilité de leur marque, mais également, l’organisation de leur business en général.

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Ainsi, nous avons retrouvé au Fashion rouge Yulia Solntseva de Perm (Oural), fondatrice de la marque Rasena.

Yulia Solntseva

« Tout d’abord, notre présence ici fait changer l’opinion de ceux qui ne font pas confiance à l’industrie légère et à l’industrie de la mode en Russie à l’intérieur du pays et à l’extérieur. Moi, j’y crois et j’utilise la moindre occasion pour me perfectionner et aller de l’avant », affirme-t-elle. 

En s’appuyant sur les conseils des experts, intervenus en octobre dernier, la jeune entrepreneuse n’a pas hésité à remplacer quasiment tous les acteurs de sa chaine de production ainsi que les prestataires en matière de communication et de publicité.

Elle a modifié les rapports contractuels avec tous ses partenaires et est devenue plus exigeante sur les délais et la qualité des services. « Je suis très réactive par rapport à la demande de la clientèle et aux tendances actuelles de la mode et je veux que toute l’équipe suive mon rythme. L’échange avec les acteurs de la fashion industrie à Paris m’a permis de me réévaluer moi-même et de revoir les priorités », insiste Youlia.

Anna Krasner

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Chacun des dix designers venus à Paris est unique et l’ensemble a été très puissant, considère le maître de la haute couture Stéphane Rolland, qui a visité Fashion rouge et a prêté une attention particulière à la collection Origami d’Anna Krasner, designer de Vitebsk (Biélorussie), créatrice de la marque portant son nom.

Couturière de formation, Anna a ouvert un atelier de conception et de fabrication de robes de mariée exclusives il y a sept ans. En dehors de cette activité qui lui permet de vivre et de développer son entreprise, elle crée des collections couture par amour de l’art du design vestimentaire et pour montrer son potentiel créatif. La collection, inspirée par l’art japonais du pliage de papier, a été conçue en néoprène, matière procurant une impression de légèreté et permettant de créer des volumes et des formes géométriques tout en restant souple. « J’ai été agréablement surprise d’entendre ici que ma collection est très européenne par son approche, d’autant plus que nous n’avons pas en Biélorussie la même vision de la mode qu’en Europe », avoue Anna, qui est venue pour la première fois à Paris.

Alexandre Bevzyuk

Alexandre Bevzyuk, fondateur de la marque BEVZYUK de Kharkov (Ukraine) n’aime pas le terme « designer ». Ayant fait son entrée dans la création de vêtements en autodidacte, il se positionne comme tailleur pour dames et développe sa ligne de vêtements et de robes de soirée ainsi que de vêtements de plage de luxe et de la lingerie féminine hand made sous la marque CAso-CAzzo. Pour présenter son travail à la Fashion rouge, Alexandre a apporté les robes de sa collection inspirée par les tableaux du peintre autrichien Gustav Klimt. Son concept réside dans l’impression sur le tissu de fragments entiers de tableaux ou d’un seul élément agrandi et multiplié pour en réaliser des robes. « Je trouve que chacun des coups de pinceau de l’artiste peut donner la matière pour créer de beaux vêtements, et j’admire particulièrement les œuvres de Klimt », explique-t-il.

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Ses maillots de bain impressionnent par leur extravagance et l’abondance d'ornements décoratifs - strass et broderies sophistiquées. Ces pièces, pesant pour certaines plus d’un kilo, ne sont en aucun cas prévues pour les sports nautiques (quoique le sport puisse être appréhendé de différentes manières) mais pour briller sur les plages les plus prestigieuses dans des stations balnéaires de luxe, prisées par les belles slaves aisées. « Ces modèles sont très recherchés par les originaires des pays de l’Est vivant dans les pays de la CEI ou à l’étranger. Nos jeunes femmes aimes attirer l’attention et se démarquer, même sur la plage », affirme Bevzyuk.

Tatiana Tour

La Biélorusse Tatiana Tour, créatrice de la marque Tanya Tur mise sur les traditions artisanales de son pays, s’inspire de la nature et des souvenirs de son enfance, passée dans une petite ville à l’extrémité occidentale de la Biélorussie, dans une maison entourée de pommiers. La collection, qu’elle a présentée à Paris s’appelle « Edu do tatki », ce qui veut dire « Je me rends chez papa ». « Pour moi c’est le retour vers mes sources, ma petite patrie, la nature, la forêt, le lieu de force ou je puise mon énergie créative », précise-t-elle. Ces modèles se distinguent par la chaleur et la sensation de confort qu’ils dégagent : on y retrouve des tissus naturels (lin et laine) de couleurs apaisantes, beaucoup de broderie à la main, le stylisme de vêtements populaires traditionnels, la précision des détails, les formes amples mais élégantes.

Tatiana Tour a fait ses études à l’Université technologique de Vitebsk et s’est spécialisée en design de vêtements. Encore étudiante, elle a commencé à montrer petit à petit son travail lors de différents événements dédiés à la mode, dans son pays et à l’étranger, pour arriver finalement aux défilés de ses collections personnelles. Néanmoins, elle préfère de ne pas produire ses modèles en grande série et utilise beaucoup le travail manuel. Ses créations sont appréciées par les femmes aux racines slaves, vivants partout dans le monde, jusqu’à l’Australie. « Je suis ravie de partager ma culture et je ne m’attendais pas du tout à voir à Paris un tel intérêt pour mon travail et à rencontrer autant de gens sensibles à ma manière de créer. Cette ville donne à rêver et les rêves peuvent se réaliser », se réjouie Tatiana.

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Mariana Bocharova, la plus jeune participante de cette fête de la mode slave, a présenté sa marque d’articles en denim M.Bocharova. Elle vient de la ville de Khmelnitski, en Ukraine, ou elle a mis en place il y a trois ans la production de ses collections. Les modèles sont vendus dans son propre showroom, mais également dans des boutiques en Russie, à New York et à Milan.

Mariana Bocharova

Ses pièces vedettes sont des blousons oversize avec le dos couvert de dessins faits à la main à l’aide de peinture acrylique, reproduisant la stylistique des couvertures de magazines de mode.

L’idée est venue presque par hasard. Mariana a trouvé un jour un vieux blouson en jean usé de sa maman au fond d’un placard et l’a rafraichi en dessinant un visage féminin au dos. L’idée a tout de suite trouvé des fans parmi les copines de la jeune créatrice et n’a depuis pas perdu de son actualité. Entre-temps, la jeune femme a lancé sa ligne de lingerie féminine en dentelle raffinée et a essayé de vendre les collections de Victoria's Secret, mais ce sont les blousons qu’elle fabriquait de manière artisanale qui se vendaient le mieux. Finalement, elle a décidé de se spécialiser et de lancer sa propre production de blousons et pantalons en denim, en s’adaptant à la demande - tailles plus grandes et modèles confortables, qui prennent en compte les particularités des silhouettes des femmes qui ne correspondent pas aux mensurations des mannequins.

Même si les articles M.Bocharova ont la côte sur le marché local et se vendent à l’étranger, Mariana ne veux pas se contenter de cette conquête. « Je suis venue ici pour mieux comprendre la demande des clients occidentaux, pour apprendre à produire des collections selon les standards établis par l’industrie mondiale de la mode, je veux apprendre à présenter correctement mon travail et je rêve de montrer mes collections sur les podiums des capitales de la mode », affirme la jeune designer, faisant part de ses ambitions.

Découvrez dans cet autre article dix designers de mode russes dont les créations sont accessibles en ligne.

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