Gatchina, ce pavillon de chasse qui est devenu un palais

Vue sur le palais de Gatchina depuis l'île Longue (Dlinny ostrov), 1798. G. S. Sergueïev

Vue sur le palais de Gatchina depuis l'île Longue (Dlinny ostrov), 1798. G. S. Sergueïev

service de presse de Gatchina
Gatchina, ancien palais impérial russe construit par les Italiens aux environs de Saint-Pétersbourg, a été tour à tour pavillon de chasse de l’amant de l’impératrice, palais de son fils et résidence de l’Ordre de Malte.

Le palais de Gatchina fête cette année le 250e anniversaire de la pose de sa première pierre. Il est principalement associé au nom de Paul Ier qui le reçut en cadeau de sa mère, Catherine la Grande, et qui y vécut pendant plus de quinze ans. Après l’accession au trône de Paul Ier, Gatchina devint une résidence impériale et le resta pratiquement jusqu’à la Révolution de 1917. Mais initialement, l’impératrice destinait ce domaine non pas à son fils, mais à son amant.

Quatreempereurs, unfavori

Catherine II, dite la Grande, monta sur le trône à l’issue d’un coup d’Etat. Selon l’historien russe Vassili Klioutchevski, elle réalisa « une double prise : usurpant le pouvoir de son mari, elle ne le remit pas à son fils, pourtant unique héritier de son père ». Paul Ier fut d’ailleurs surnommé le « Hamlet russe ».

Source : service de presse
Source : service de presse
 
1/2
 

Le coup d’Etat fut orchestré par l’un des favoris de la future impératrice, le comte Grigori Orlov, coqueluche de Saint-Pétersbourg, infatigable séducteur, homme énergique et audacieux. Trois ans après son intronisation, Catherine la Grande lui fit un généreux cadeau : le domaine de Gatchina, avec ses paysages impressionnants, ses forêts impénétrables, ses sources et ses lacs, situé à une quarantaine de kilomètres de Saint-Pétersbourg, à peine. La construction d’un pavillon de chasse y fut entamée immédiatement.

Les travaux s’étalèrent sur quinze ans et le comte Orlov mourut rapidement après leur achèvement, sans avoir eu le temps d’en profiter. L’impératrice racheta le domaine à ses héritiers et en fit cadeau à son fils, Paul, à l’occasion de la naissance de sa fille aînée, Alexandra. Le piquant de la situation ne troublait personne au XVIIIe siècle.

Gatchina devint la résidence préférée de Paul Ier. Tout y était à son goût. « Nous y trouvons le reflet des deux passions de l’empereur : le théâtre et l’armée. Le palais accueillait les meilleures troupes de Saint-Pétersbourg. La famille impériale aimait elle aussi donner, de temps en temps, avec son entourage, un spectacle amateur. Quant à l’armée de Gatchina, elle servit de modèle à la réforme de l’organisation de l’armée en Russie. Une grande attention était accordée à l’artillerie qui tint un rôle important par la suite, et notamment dans la guerre de 1812 contre Napoléon », explique Alexandra Farafonova, conservatrice des archives du palais de Gatchina.

Alors qu’il était en route pour l’Egypte, en 1798, Napoléon envahit Malte et l’Ordre de Malte capitula. Paul Ier, plein d’admiration pour les idéaux de ces chevaliers, fut élu nouveau grand maître de l’Ordre. Un an plus tard, il fit construire le palais du Prieur, en qualité de résidence de l’Ordre.

Après la mort de Paul Ier, le secret qui l’a entouré toute sa vie fut propagé au domaine de Gatchina. Pressant le pas pour traverser tard le soir les salles du palais, les dames d’honneur à l’esprit romantique imaginaient pouvoir rencontrer le spectre du feu empereur, mais l’esprit n’apparut jamais. Le palais resta le nid douillet de la famille impériale où ses membres venaient se reposer, s’amuser et faire un tour dans le parc, considérant que le domaine était le lieu idéal pour la santé des enfants.

Nicolas Ier fit une escale à Gatchina en rentrant de manœuvres organisées dans la région. Sous Alexandre II, Gatchina devint un domaine de chasse impériale où le tsar invitait des monarques et des ambassadeurs étrangers, afin d’analyser également d’importants problèmes politiques dans un cadre informel. Son fils, Alexandre III, jeta son dévolu sur Gatchina et en fit l’une de ses résidences officielles, où il passait jusqu’à six mois par an à s’occuper des affaires de l’Etat.

Un palais italien près de la capitale

Source : service de presse
Source : service de presse
Source : service de presse
Source : service de presse
 
1/4
 

Gatchina se démarque des autres résidences impériales par son aspect original, car il ne ressemble ni aux palais baroques allongés de Peterhof ou de Tsarskoïe Selo construits par Rastrelli, ni à Pavlovsk réalisé d’après la Villa Rotonda Paladio. Grigori Orlov invita l’un des meilleurs architectes travaillant en Russie à l’époque : l’Italien Antonio Rinaldi. L’extérieur et l’intérieur du palais furent partiellement réaménagés sous Paul Ier par l’architecte et décorateur de la Cour impériale, Vincenzo Brenna, qui préserva son apparence générale.

Le palais de Gatchina est d’habitude classé dans la période du classicisme précoce, bien qu’il soit difficile de définir son style de manière formelle. En effet, il associe des traits du baroque italien tardif et du rococo à l’esprit romantique des châteaux de l’Europe médiévale dont il a pris la forme.

« Gatchina ne possède pas de modèle concret, mais les chercheurs modernes retrouvent ses caractéristiques dans les bâtiments de la Renaissance et le baroque. Ils citent notamment le Palazzo Fieschi de Rome et le palais britannique de Blenheim, construit pour le duc de Marlborough. On peut dire que dans l’ensemble du patrimoine architectural de Russie, le palais de Gatchina est le moins russe, mais c’est ce qui fait son charme », souligne Alexeï Yakovlev, spécialiste de l’histoire de l’architecture du XVIIIe siècle à l’Institut d’Etat des arts.

En tant que résidence impériale, le palais de Gatchina était célèbre non seulement pour son architecture, mais aussi pour ses collections de peintures, de sculptures, de porcelaines et de meubles. Il avait même été surnommé l’« Ermitage de banlieue ». Toutefois, une grande partie de ses trésors a été perdue lors des premières années de pouvoir soviétique et pendant la Seconde Guerre mondiale. Seule son architecture unique est restée intacte.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies