La remotorisation des appareils An-2 conservés depuis la période soviétique est en cours à l’heure actuelle. Crédit : AFP / East News
En septembre dernier, le directeur du département de l’industrie aéronautique du ministère russe du Commerce et de l’Industrie, Andreï Baguinsky, a annoncé que le ministère avait mené une enquête ayant permis d’établir que la documentation technique de l’An-2 était entre les mains d’Airbus Military. « La documentation technique de l’An-2 a été vendue à la Pologne durant la période soviétique, étonnamment, cette dernière est désormais détenue par Airbus Military qui l’a obtenue par le biais de la Pologne », a indiqué M. Baguinsky. Le ministère a décidé d’entamer des négociations afin d'obtenir le retour de la documentation. Deux pays hostiles à la Russie sont impliqués dans cette situation : l’Ukraine et la Pologne. Le bureau de conception Antonov, dans lequel le principal avion léger d’URSS a été conçu en 1947, est situé en Ukraine. Au cours de la période soviétique, la Pologne avait pour sa part obtenu le droit de le produire sous licence.
Espoir de l’aviation légère
La Russie envisageait le développement d’un nouvel avion régional sur la base de l’An-2. Après l’effondrement de l’URSS, la Russie ne disposait plus d’avions légers. La remotorisation des appareils An-2 conservés depuis la période soviétique est en cours à l’heure actuelle. Durant l’année 2014, la Russie modernisera près de 62 avions datant de la période stalinienne.
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Le projet de remotorisation de l’An-2 en Russie est dirigé par l’Institut sibérien scientifique de recherche aéronautique, lequel dote les appareils en question de nouveaux moteurs. Plusieurs propulseurs ont déjà été installés et testés en vol, tandis que des commandes ont été enregistrées, a indiqué le ministère.
Selon des fonctionnaires du ministère russe du Commerce et de l’Industrie, la modernisation en série de l’An-2 est rendue complexe du fait de l’absence de la documentation de travail du constructeur. Ces derniers indiquent également que les droits sur l’avion, qui appartenaient au constructeur Antonov, n’existent plus dans aucun pays, y compris l’Ukraine et la Pologne. Ce différend juridique complique la production en série et la modernisation de l’appareil.
Les experts indiquent dans le même temps que le groupe aéronautique occidental ne pouvait en aucun cas obtenir de la Pologne les droits en question. « L’entreprise polonaise PZL n’était en aucune façon en droit de transmettre légalement les droits sur l’avion An-2, dans la mesure où elle n’avait pas reçu les droits de constructeur. Selon toute vraisemblance, il s’agit uniquement de la documentation technique complète de l’usine de production en série, ainsi que des actes normatifs du Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM) et du gouvernement de l’URSS détaillant les normes et les règles de production », affirme l’expert de l’industrie aéronautique et chroniqueur pour le magazine Arsenal, Oleg Jeltonojko.
Le concept même de « droits de la propriété intellectuelle » était totalement inexistant en URSS, tandis que les questions économiques étaient traitées par les services compétents du CAEM. Le CAEM n’existe plus à l’heure actuelle et ses actes normatifs ne sont plus en vigueur. Vladimir Karnozov, expert aéronautique indépendant, confirme ses propos. « En URSS, les brevets de conception appartenaient à l’Etat, en qualité de monopole finançant la totalité des projets de recherche scientifique et de conception. Le plus probable est qu’une licence ait été vendue à la Pologne », explique M. Karnozov.
Onéreux et inefficace
Oleg Jeltonojko note que le dossier concernant la perte des brevets de l’avion stalinien offre bien peu de perspectives. « A ce que je le sache, aucune estimation de la rentabilité de la remise en service des An-2 n’a été réalisée. Au cours de la période postsoviétique, la majorité des An-2 ont été retirés du service en raison de leur coût d’exploitation », affirme-t-il.
Au-delà des problèmes économiques, les principaux défauts des An-2 concernent de manière générale leur conception obsolète ainsi que le moteur à piston fonctionnant à essence. La Russie ne produit plus l’essence destinée aux avions, c’est pourquoi tous les moteurs encore en exploitation doivent utiliser du carburant pour automobiles, ce qui n’est pas sans danger.
Selon Vladimir Karnozov, les officiels russes devraient focaliser leur attention sur les mises au point conçues en Russie en collaboration avec nos partenaires occidentaux. Il existe à l’heure actuelle des projets en mesure d’atteindre les phases de test et de production. Cela serait plus profitable au développement de l’aviation légère que d’entreprendre la modernisation d’un avion datant de l’époque stalinienne.
« Il existe un projet alternatif de modernisation de l’An-2, connu sous le nom d’An-2-100, doté d’un turbopropulseur MS-14 conçu à Zaporojie (Ukraine) à l’usine Motor-Sitch, indique Oleg Jeltonojko. Le concepteur affirme que le turbopropulseur est prêt à être produit en série. L’unique appareil expérimental sur lequel le moteur est effectivement installé a été confié à Antonov pour la poursuite des tests en vol et la prise de décision. Toutefois, à la lumière des tensions actuelles au niveau bilatéral, ce projet n’a aucun espoir de voir le jour, dans la mesure où l’unique client solvable ne peut être que la Russie ».
L’expert fait également remarquer que le problème autour des droits et de la documentation technique de l’An-2 pourrait être résolu avec l’aide de la Chine. Depuis 1957, des copies de l’An-2 baptisées Y-5 sont produites par la Chine sous licence soviétique. Dans le cadre d’un accord interétatique, il serait possible d’organiser la production en Russie de versions modernisées de ces appareils correspondant à nos besoins.
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