Biophysicien russe Konstantin Agladze. Crédit photo : Sergey Mikheev / RG
La médecine cellulaire nous a habitué depuis dix ans aux gros titres : pas une semaine sur la toile sans une découverte sensationnelle ou une expérimentation hors du commun.
Mais, il s’agissait en règle générale de travaux sur les cellules souche embryonnaires (ES), prélevées sur des embryons humain et capables à se stade de se différencier en plus de 200 types de tissus : muscle cardiaque, os, foie, épiderme, cerveau ou autres. De ce fait, leur utilisation a toujours été confrontée à de sérieuses barrières éthiques et morales.
Mais, il y a cinq ans, le scientifique japonais Shinya Yamanaka, a ouvert la possibilité d’utiliser les cellules souches humaines : plus de problèmes de morale ou de compatibilité biologique.
Il a fallu attendre quelques années pour que le biophysicien russe Konstantin Agladze, à la tête de l’équipe japonaise du laboratoire de l’Université de Kyoto, reproduise in vitro les tissus d’un véritable cœur humain à partir des cellules souches.
D’abord, les médias du monde entier vous ont présenté comme le premier à avoir créé un cœur humain artificiel in vitro. Il a fallu ensuite relativiser. Parlez-nous plus précisément de votre découverte ?
Il est question d’ingénierie tissulaire. Le fait n’est pas que nous ayons reproduit un tissu cardiaque à partir de cellules souches pluripotentes induites, cela avait déjà été fait, mais en petites quantités.
Nous avons surtout appris à faire pousser du tissu cardiaque autour d’un squelette en nano fibres de polymère. Cette structure nous a permis non seulement de créer les cellules cardiaques mais de les faire évoluer de manière à former un véritable tissu cardiaque.
Peut-on faire un cœur humain à partir de ce tissu ?
En principe, c’est possible. Mais à l’origine, ce tissu était destiné aux tests pharmaceutiques. Ces tissus sont nécessaires à l’industrie pharmaceutiques pour créer de nouveaux produits. En général, les produits ne sont pas testés sur un organe, mais sur les animaux directement.
Or les cellules cardiaques animales ne sont pas identique à celles de l’homme. Nos recherches visent à combler ce vide, pour permettre à la recherche d’être plus efficace et précise et d’économiser pas mal d’argent.
Il y un autre objectif : la reprogrammation des cellules du malade, par exemples, les cellules épithéliales en cellules de tissu cardiaque comme les cardiomyocites, à partir desquelles on peut obtenir par la suite un implant compatible. C’est l’axe de recherche le plus avancé en médecine régénérative, les fameux pansements cardiaques. Destinés à être fixés sur les parties endommagées du tissu cardiaque.
Il faut préciser que le tissu cardiaque est un groupe musculaire particulier. C’est pour cela qu’il était crucial d’arriver non pas une reprogrammation des cellules mais une restructuration tissulaire. Et nous avons réussi à obtenir le résultat grâce au squelette de nano fibres de polymères, faites à partir de matériaux biocompatibles qui assurent la croissance cellulaire selon la structure imposée.
Les polymères que vous utilisez pour la fabrication de ces pansements peuvent-il provoquer des effets secondaires ?
Notre méthode étant basée sur l’usage des propres cellules pluripotentes du patient, la question du rejet par le système immunitaire ne se pose pas. Quant aux nano fibres, composant le squelette du pansement, c’est un matériaux totalement biodégradable qui se dissous dans le sang tout au long du traitement.
Est-ce possible de reproduire d’autres organes, comme le foie par exemple ?
Il peut y avoir une infinité d’applications, mais il faut le voir à très long terme.
Combien de temps vous avez mis pour mettre au point cette méthode dans le laboratoire de Kyoto ?
Plus de trois ans. Nous avons développé cette technologie à partir de zéro. Et nous amenons maintenant ce savoir-faire en Russie et allons le promouvoir en commun avec le laboratoire de Kyoto.
L’objectif du laboratoire scientifique de l’Institut de physique et de technique de Moscou (MFTI) est maintenant de maîtriser la physiologie cellulaire. Nous sommes chargés de mettre au point les thérapies les plus innovantes pour soigner les formes les plus aigües d’arythmies cardiaques.
Mon laboratoire de l’Université de Kyoto au Japon, travaille dans la même direction.
Le laboratoire du MFTI a été ouvert il y a tout juste un an, peut-on parler de résultats ?
Le laboratoire fonctionne mais pour atteindre les mêmes résultats qu’au Japon, il faut faire davantage d’efforts. La situation ne peut qu’aller de l’avant. Le laboratoire est là et mes étudiants russes sont tous très prometteurs.
Version courte. Version originale complète sur le site du journal Ogoniok.
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