Scandale du meldonium : à qui la faute ?

La russe Maria Sharapova lors d'une conférence de presse à Melbourne (Australie) le 16 janvier 2016.

La russe Maria Sharapova lors d'une conférence de presse à Melbourne (Australie) le 16 janvier 2016.

AP
Le medonium, substance prohibée depuis cette année, risque de déboucher sur la disqualification de plusieurs sportifs russes de renom.

Le meldonium, principale substance du médicament mildronate mis au point par le professeur letton Ivars Kalvins, est inscrit sur la liste des produits prohibés par l’Agence mondiale antidopage (AMA) depuis le 1er janvier 2016. Une interdiction qui a été négligée par nombre de grands sportifs russes.

Les contrôles se sont révélés positifs non seulement pour la star du tennis Maria Sharapova (qui a annoncé la nouvelle au cours d’une conférence de presse), mais également pour les champions olympiques Ekaterina Bobrova (danse sur glace) et Semion Elistratov (short-track), pour le champion du monde Pavel Koulijnikov (patinage de vitesse), la championne d’Europe Ekaterina Konstantinova (short-track) et le vainqueur de deux éditions des Jeux universitaires Alexandre Markine (volleyball). Ces sportifs risquent d’être disqualifiés pour une période de quatre mois à quatre ans.

Une négligence des médecins ?

Le ministre russe des Sports, Vitali Moutko, a rejeté la responsabilité de ce nouveau scandale de dopage sur les médecins et les entraîneurs. « Nous avons fourni toutes les explications il y a six mois. Les fédérations, les entraîneurs et les médecins doivent assumer leurs responsabilités », a-t-il déclaré dans une interview au site R-Sport.

Selon Vitali Moutko, les médecins des sélections ont pu ne pas remarquer que la liste des substances prohibées avait été renouvelée. En raison d’une rotation du personnel élevée, ils n’ont pas le temps de suivre de près toutes les nouvelles règles de l’AMA, a affirmé le ministre.

Cet avis est partagé par le professeur Andreï Smolenski, directeur de l’Institut de médecine du sport auprès de l’Université de Russie pour l’éducation physique, le sport, la jeunesse et le tourisme, qui a formé plusieurs dizaines de champions olympiques soviétiques et russes.

« Cette histoire de meldonium repose sur la conscience des médecins des fédérations sportives. Ils n’assument pas toujours leurs obligations avec le sérieux nécessaire. L’AMA avance des règles sévères que chacun est tenu de respecter scrupuleusement. Le meldonium peut rester présent dans le sang pendant trois mois, ce qui signifie que tous les sportifs devaient arrêter d’en prendre à partir d’octobre. Nos médecins ne l’ont visiblement pas contrôlé », a fait remarquer Andreï Smolenski dans une interview à RBTH.

Les fonctionnaires sur la sellette ?

Le scandale de dopage pourrait aussi toucher des fonctionnaires du secteur sportif. C’est ce sur quoi insiste Dmitri Nossov, député de la Douma (chambre basse du parlement russe), médaillé de bronze de judo aux Jeux olympiques de 2004.

« Aucun sportif professionnel ne prendra aucune substance sans avoir demandé l’avis de son médecin. Les activités de ce dernier doivent être contrôlées par les chefs des fédérations », a-t-il indiqué à RBTH. Selon lui, seul le licenciement des responsables des fédérations concernées par l’affaire de dopage obligera les autres à réfléchir au problème.

Le juriste Alicher Aminov, vice-président de la Fondation de soutien aux initiatives juridiques, estime pour sa part que c’est le ministre des Sports, Vitali Moutko, qui doit démissionner.

« Les sportifs se voyaient administrer des substances prohibées sur recommandation d’un centre unique qui engageait des médecins et recevait des missions de la part du ministre Moutko, le principal intéressé par les victoires et les médailles (...). Le moyen le plus efficace de venir à bout de ce déshonneur dans le sport russe est d’entamer une enquête indépendante et publique avec la participation d’organisations internationales. Vitali Moutko doit être suspendu jusqu’à la fin de l’enquête », a-t-il affirmé à RBTH.

Vitali Moutko appelle à aborder le problème  de manière successive. « Il faut comprendre ce qui n’a pas fonctionné, il faut créer un système qui pourrait protéger les sportifs professionnels contre les choses pareilles », a-t-il dit dans une interview à l'agence Interfax.

Le meldonium est-il vraiment dangereux ?

La Russie reste toujours partagée par d’âpres débats : à quel point la décision de l’AMA d’interdire le meldonium est-elle justifiée ? L’ancien médecin de la sélection olympique russe Zourab Ordjonikidze estime que ce n’est pas un produit dopant.

« Ce produit n’améliore pas les performances physiques. Ce n’est qu’un médicament préventif de l’infarctus du myocarde et utilisé pour le traitement de ses séquelles. Si l’AMA inscrit le meldonium sur la liste des substances prohibées, elle pourrait dans cette logique le faire également pour l’eau qui est elle aussi un produit préventif pour le cœur », a-t-il souligné.

Cependant, ce point de vue est contesté par le médecin sportif Alexandre Yardochvili qui a travaillé dans la sélection russe de football, ainsi qu’avec les équipes CSKA et Lokomotiv.

« Le meldonium réduit la quantité de créatine et permet la synthèse des acides gras, ce qui, au final, libère de l’oxygène venant alimenter les zones qui en ont particulièrement besoin. Qui plus est, le produit favorise la formation de magnésium, indiqué pour l’entretien des os, des ligaments, des tendons et des muscles, et de l’ensemble de l’appareil locomoteur », a-t-il indiqué à Gazeta.ru

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies