Russian President Vladimir Putin gestures speaking to the media after his annual live call-in show in Moscow, Russia, Thursday, June 15, 2017. President Vladimir Putin said Russia will pour resources into the development of its vast Arctic region for both economic and military reasons.
APLigne directe avec Poutine. Crédit : AP
Le président russe Vladimir Poutine a tenu ce jeudi sa quinzième Ligne directe, exercice annuel durant lequel il répondu aux questions des citoyens de son pays. Pendant quatre heures, il a parlé de la situation en Syrie et en Ukraine, des relations russo-américaines, des routes dans la région du lac Baïkal, de l’avenir des usines, de la mise en valeur de l’Arctique, de la corruption, des rapports entre le pouvoir et l’opposition, de l’économie et de la « trace russe » dans l’élection présidentielle aux États-Unis.
Le président semble de nouveau avoir endossé le rôle d’unique tout-puissant homme capable de régler un problème. N’importe lequel : depuis les relations internationales jusqu’à la poussière de charbon, en passant par les décharges dans la région de Moscou et les lézardes sur les murs des maisons. Selon Pavel Saline, directeur du Centre des études de politologie à l’Université des finances auprès du gouvernement russe, le principe de la « commande manuelle » du pays l’emporte toujours haut la main.
« Les autorités savent que la population s’attend à ce qu’elles accordent une attention particulière aux problèmes sociaux et économiques, au niveau de vie relativement bas, aux routes défoncées et à l’absence de l’argent promis. Mais rien n’a été dit au sujet des mesures qui seront appliquées pour opérer des changements en mieux. Il ressort de la Ligne directe que l’unique moyen d’améliorer sa situation est d’attendre encore un an pour contacter le président », a-t-il fait remarquer.
Les plaintes concernant un logement vétuste ou une situation financière difficile ont été très nombreuses. Et ce alors que le président a commencé sa séance par l’affirmation que « la crise était surmontée ». Pourtant, les grandes attentes de cette Ligne directe se situaient ailleurs. Il se peut que nous ayons assisté à la dernière séance de questions-réponses de Vladimir Poutine. En effet, la Russie élira en 2018 son président, tandis que les projets du chef de l’État demeurent inconnus.
Vladimir Poutine ne s’est pas attardé sur les problèmes internationaux. Et ce qu’il a dit peut-être résumé en une seule phrase : « Si vous voulez qu’on soit amis, nous sommes prêts. Si vous ne le voulez pas, tant pis, on peut attendre ». C’est une approche pragmatique, constate Dmitri Orlov, directeur général de l’Agence de communication politique et économique (proche du Kremlin). « Nous souhaitons avoir les meilleures relations possibles avec tous les pays. Sous certaines conditions, bien entendu. Mais dans la diplomatie la Russie n’a pas l’intention d’aller plus vite que la musique ou de créer des conditions particulièrement confortables pour qui que ce soit. Si les partenaires en ont besoin, on entame des négociations. Sinon, la situation – disons celle des sanctions – peut être gelée pour un temps indéterminé. Vladimir Poutine a entièrement raison de dire que les sanctions ne présentent pas de danger pour les intérêts nationaux ».
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Oui, l’Amérique voit déferler une vague de russophobie et les médias américains déclenchent une véritable hystérie à ce sujet, mais ce n’est que le résultat de la lutte politique qui a lieu dans ce pays, estime le chef du Kremlin. « S’il n’y avait pas eu la Crimée, quelque chose d'autre aurait été inventé » pour ternir l’image de la Russie, a affirmé Vladimir Poutine.
Toutefois, le président n’a rien dit de nouveau sur le sujet, ne faisant que répéter sa position énoncée précédemment. Il s’est montré un brin condescendant et amusé sur le dossier ukrainien, en souhaitant à l’Europe « bonne chance » dans ses relations avec les « nouvelles recrues » ukrainiennes. Il a été très conséquent sur le dossier syrien, en notant que l’objectif des forces armées russes était de résorber le conflit dans la région. La Russie n’a pas l’intention de s’en retirer pour le moment et se concentrera dans ses bases en Syrie pour soutenir l’armée syrienne en cas de besoin.
En réponse aux plaintes des citoyens, le président a répliqué à plusieurs reprises que « l’argent avait été débloqué » et que la question était de savoir où il était passé. Dans ce contexte, il a proposé de le demander aux gouverneurs ou à la justice. Quelqu’un a rappelé au président qu’il avait dit « ne pas abandonner les siens » et lui a demandé si les fonctionnaires véreux en faisaient partie. « Ceux-là ne sont pas des nôtres », a tranché Vladimir Poutine.
Le sujet des manifestations dénonçant la corruption, qui ont débouché sur de nombreuses interpellations et poursuites civiles et administratives partout en Russie, a été abordé avant la Ligne directe dans une question dont l’auteur voulait savoir si le président avait l’intention de parler à l’opposition. « Je suis prêt à parler à toute personne qui souhaite vraiment améliorer la vie de la population et résoudre les problèmes existants, mais pas à ceux qui jouent sur les difficultés actuelles pour faire de la publicité politique et de la propagande personnelle en vue de tirer profit de ces problèmes », a noté Vladimir Poutine.
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L’impression laissée par cette Ligne directe est que la Russie se trouve aujourd’hui dans un contexte de turbulences politiques, a indiqué Dmitri Orlov. Dans le contexte des protestations, le président avait le choix entre commenter en détail la situation et répondre aux revendications ou bien montrer que l’ordre du jour n’est pas entre les mains des manifestants, mais entre celles de la majorité de la population avec ses problèmes réels. Vladimir Poutine a opté pour la seconde position, ce qui semble « être approprié à ces conditions de turbulences », a dit Dmitri Orlov.
À l’issue de cette séance, on ne sait toujours pas si Vladimir Poutine a l’intention de briguer un nouveau mandat ou s’il s’est trouvé un successeur. Le président a choisi une question sur son carnet : « À qui avez-vous l’intention de céder le pouvoir ? » Et y a répondu : « Premièrement, je suis encore à mon poste. Deuxièmement, c’est aux électeurs de décider. Je dirai mes préférences, je ne les cacherai pas, mais seul l’électeur peut décider ».
Il ne fallait probablement pas s’attendre à quelque chose d’autre avant l’automne, a indiqué Pavel Saline : Vladimir Poutine a clairement laissé entendre qu’il était encore trop tôt pour donner le coup d’envoi à la campagne électorale. « Par contre, il a clairement formulé le défi du nouveau président », a constaté Dmitri Orlov. « Garantir la hausse des revenus et reléguer au passé la pauvreté et les baraquements », a-t-il précisé.
Pourtant, certains ont constaté des signes évoquant la probabilité d’un nouveau mandat présidentiel dans les réponses du président.
Vladimir Poutine, qui ne parle presque jamais de sa vie privée, a cette fois-ci annoncé qu’il venait d’avoir un petit-fils. Le journal Kommersant a d’ores et déjà supposé que le sujet « Poutine grand-père » pourrait redorer le blason du président à la veille de l’élection de 2018. « À condition d’être dûment présenté, le sujet est capable de lui attirer de nouvelles sympathies parmi les électeurs », estime le journal.
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