La fête nationale russe marquée par des manifestations anticorruption

A young protestor holds up a Russian flag during a demonstration in downtown Moscow, Russia, Monday, June 12, 2017. Russian opposition leader Alexei Navalny, aiming to repeat the nationwide protests that rattled the Kremlin three months ago, has called for a last-minute location change for a Moscow demonstration that could provoke confrontations with police

A young protestor holds up a Russian flag during a demonstration in downtown Moscow, Russia, Monday, June 12, 2017. Russian opposition leader Alexei Navalny, aiming to repeat the nationwide protests that rattled the Kremlin three months ago, has called for a last-minute location change for a Moscow demonstration that could provoke confrontations with police

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Cette année, le pays a célébré le 12 juin le Jour de la Russie (fête de la souveraineté) au rythme des manifestations anticorruption, dont certaines ont débouché sur des heurts avec la police et des interpellations.

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De nombreux Russes sont descendus ce 12 juin dans les rues pour protester contre la corruption dans le cadre de manifestations organisées par l’opposant Alexeï Navalny et ses partisans. Cette deuxième vague de protestation est la suite d’une première action tenue le 26 mars dernier dans une centaine de villes russes, et qui avait donné lieu à la plus grande manifestation depuis 2011.

À Moscou, l’organisation de l’action avait été concertée avec les autorités sur l’avenue Sakharov, qui réunit régulièrement des meetings d’opposition. Toutefois, dix-sept heures avant son coup d’envoi, Alexeï Navalny a publié sur YouTube une vidéo avec un appel « urgent » à se rassembler dans le centre-ville, dans la rue Tverskaïa, en expliquant sa décision par le refus des autorités de monter une scène avec du son dans la zone concertée. 

Des manifestants ont répondu présent à l'appel d'Alexeï Navalny de se rassembler rue Tverskaïa. Crédit : ReutersDes manifestants ont répondu présent à l'appel d'Alexeï Navalny de se rassembler rue Tverskaïa. Crédit : Reuters

Le site du parquet général a publié après minuit un avertissement indiquant que la tentative d’organiser une manifestation dans la rue Tverskaïa était illégale et que « la police serait obligée de prendre les mesures nécessaires pour couper court à la provocation ».

Quelques heures avant le départ de la manifestation – fixée à 14h00 (12h00 GMT) – des fourgons de police et des membres de l’OMON (forces anti-émeutes) avaient pris place sur le périmètre de la rue Tverskaïa et dans les ruelles attenantes. Les passants étaient également très nombreux, car la manifestation a coïncidé avec la fête annuelle, le Jour de la Russie, et à cette occasion les autorités de Moscou avaient organisé un festival de reconstitution historique. Vikings, cosaques, soldats de la campagne de Russie de 1812 et militaires de la Seconde Guerre mondiale, instruments de torture anciens et barricades en sacs de sable étaient également présents sur les lieux.

Rassemblement rue Tverskaïa. Crédit : APRassemblement rue Tverskaïa. Crédit : AP

Dans la rue Tverskaïa

À l’heure prévue, le quartier a commencé à s’emplir de jeunes, pour la plupart des étudiants et des lycéens, qui ne semblaient venus pour assister au spectacle de la reconstitution. Une foule s’est rapidement formée à l’entrée des portiques détecteurs de métaux. Nombreux étaient ceux qui avaient apporté des drapeaux de Russie ou confectionné des banderoles anticorruption. Ceux qui étaient simplement venus faire un tour dans le centre-ville engageaient à contrecœur la conversation avec les manifestants qui les empêchaient apparemment d’arriver dans la zone de la fête.

La police surveille les manifestants. Crédit : APLa police surveille les manifestants. Crédit : AP

« Un meeting ? Mais personne n’en veut. Il ne s’agit pas de Navalny, je vous assure. C’est qu’on nous ment et ça, c’est insupportable », disait une jeune femme en serrant dans la main un poster enroulé. Les manifestants ne voulaient pas les déplier avant d’avoir traversé le portique de sécurité et le cordon des forces de l’ordre, cherchant à comprendre ce qui se passe, car les barrières, les fourgons de police et la chaîne d’OMON empêchaient d’avoir une vue d’ensemble de la situation. Selon certaines informations publiées sur la Toile, ceux qui étaient venus manifester dans l’avenue Sakharov (ils étaient en minorité) étaient priés de communiquer à des inconnus leurs données personnelles, notamment leur numéro d’assurance.

Des membres de la Garde nationale repoussent les manifestants. Crédit : ReutersDes membres de la Garde nationale repoussent les manifestants. Crédit : Reuters

La situation a basculé à 14h05 : comme obéissant à un signal, les policiers se sont avancés sur les manifestants qui avaient déroulé leurs banderoles et qui chantaient l’hymne de Russie. « Maintenant on sera virés », a soufflé un jeune homme, vraisemblablement un étudiant, à un autre. Ils se sont collés à la barrière. Les policiers ont commencé à faire sortir de la foule, un par un, les manifestants avec des pancartes. À deux pas de là, dans la tente Russie pluriethnique, les gens venus assister à la fête écoutaient l’histoire du groupe folklorique russe Bouranovskiye Babouchki (Les Mamies de Bouranovo).

Vingt minutes plus tard, les manifestants étaient traînés par terre et arrachés de la foule, cette dernière ayant formé des rangs serrés autour de ceux que la police tentait d’interpeller. Cette foule scandait « Jour de la Russie ! » et « Honte ! » chaque fois qu’un manifestant était embarqué dans un fourgon policier.

La police anti-émeute interpelle un homme au centre de Moscou. Crédit : ReutersLa police anti-émeute interpelle un homme au centre de Moscou. Crédit : Reuters

Plusieurs jeunes ont essayé de s’emparer des matraques de policiers, mais des journalistes leur ont demandé d’éviter toute provocation : « Vous comprenez que vous risquez une peine de prison ? Vous voulez encore une place Bolotnaïa (lieu et symbole des manifestations de 2011 contre les fraudes électorales lors des législatives, ndlr) ? ». « Et eux, qu’est-ce qu’ils font ? N’est-ce pas une provocation ? C’est une manifestation pacifique, pourquoi eux ils le font ? », rétorque un jeune homme d’environ 23 ans.

Une jeune fille réagit face à l'interpellation de son ami. Crédit : APUne jeune fille réagit face à l'interpellation de son ami. Crédit : AP

« Des personnes au comportement inadéquat »

Les organisateurs de la manifestation n’ont pas pu y prendre part. La femme d’Alexeï Navalny a annoncé sur le compte Twitter de son mari que ce dernier avait été interpellé dès la sortie de son domicile, alors qu’il avait l’intention de se rendre à la manifestation (au mois de mars, l’opposant avait réussi à assister à la marche pendant 5 minutes). La police a précisé que l’homme avait été interpellé pour ses appels à organiser une action non concertée. Un autre organisateur, Ilia Iachine, a été emmené 3 minutes après sa sortie du métro sur la rue Tverskaïa.

Des manifestants forment une chaîne humaine à Saint-Pétersbourg. Crédit : APDes manifestants forment une chaîne humaine à Saint-Pétersbourg. Crédit : AP

À Saint-Pétersbourg, la police a recouru au même mode opératoire. Après un avertissement à la foule rassemblée au Champ de Mars, les OMON ont commencé à encercler les manifestants qui scandaient « La Russie sera libre » et à les embarquer dans les fourgons cellulaires. À Vladivostok (Extrême-Orient russe), la manifestation était concertée avec les autorités, mais les organisateurs ont décidé au dernier moment de changer de lieu et ont rassemblé les manifestants sur la place de la gare qui accueillait un festival de culture cosaque. Vingt-deux personnes, dont trois mineurs selon certaines suppositions, ont été interpellées.

Interpellations à Saint-Pétersbourg. Crédit : APInterpellations à Saint-Pétersbourg. Crédit : AP

Plus de 5 000 manifestants sont descendus dans les rues à Novossibirsk (Sibérie occidentale). Deux personnes ont été interpellées pour utilisation de drone sans en avoir informé la police. Les actions anticorruption se sont déroulées sans excès ni provocations à Oufa (Oural), Barnaoul (Sibérie occidentale), Irkoutsk (Sibérie orientale) et dans nombre d’autres villes.

Les autorités de Moscou ont qualifié la manifestation de « provocation à cent pour cent de personnes à la conduite inadéquate » qui ont essayé de gâcher la fête. « Nous travaillons, les actions de la police sont parfaitement réglées. Nous ne nous posons par pour objectif un nettoyage total, mais une activité professionnelle et ciblée est déployée contre ceux qui ne cessent leurs provocations », a déclaré le département de sécurité de Moscou.

L’opposition affirme que plus de 200 personnes ont été interpellées dans la capitale russe.

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