Piotr Pavlenski et Okana Chalyguina.
ReutersL’artiste contestataire russe Piotr Pavlenski est parti en France avec sa famille en accusant les forces de l’ordre russes de persécutions politiques. En Russie, l’homme et sa compagne, le peintre Oksana Chalyguina, sont soupçonnés d’agression sexuelle. Partis avec leurs deux enfants, ils ont l’intention de demander l’asile en politique en France.
L’artiste est un habitué des coups d’éclat d’un goût douteux. « La porte en feu de la Loubianka (siège du Service de sécurité russe, FSB) est un gant jeté au visage de la menace terroriste. Le FSB présente une menace pour 146 millions de personnes. Et il faut lutter contre. », a-t-il déclaré en novembre 2015 en incendiant la porte du siège de l’institution.
Pavlenski érige des barricades improvisées avec des pneus et les brule à Saint-Pétersbourg. Crédit : Reuters
Ni les poursuites pénales pour acte de malveillance et vandalisme – quand il s’est cloué la peau des testicules sur les pavés de la place Rouge en signe de protestation contre l’indifférence politique et le fatalisme de la société russe contemporaine, ou quand il a érigé des barricades improvisées avec des pneus pour les brûler en signe de soutien à la révolution ukrainienne –, ni une amende de presque 8 000 euros pour la porte incendiée n’ont pu enrayer cette lutte au moyen de « l’art politique ».
Suite au départ de l’artiste (l’information a été rendue publique le 16 janvier), de nouveaux détails sur son émigration ont fait surface. Toutefois, les performances de Piotr Pavlenski n’ont aucun rapport ni avec la politique, ni avec l’art, ni avec le théâtre, « rien de tout cela », précise la communauté culturelle russe.
En rentrant à Moscou depuis Varsovie le 14 décembre dernier, Piotr Pavlenski et Okana Chalyguina ont été priés de suivre des hommes du Comité d’enquête. Selon l’artiste, après avoir été interrogés pendant sept heures, ils ont été relâchés avec les mots suivants : « Il faut rassembler toutes les preuves. Vous êtes libres aujourd’hui, mais vous devez venir au premier coup de fil ».
Le même jour, l’artiste et sa famille quittaient le pays via la Biélorussie et l'Ukraine pour la France, car en Russie le couple risque dix ans de prison, ce qui mènera leurs deux filles à l’orphelinat.
Le motif de cet entretien avec les autorités ? Une plainte pour agression sexuelle déposée contre les deux artistes par l’actrice du théâtre Teatrdoc Anastassia Slonina.
« Piotr Pavlenski et Oksana Chalyguine l’ont appelée pour l’inviter chez eux. Quand elle s’y est rendue, elle a été victime d’une tentative de viol et a reçu de légères blessures au couteau. Elle a quitté leur appartement presque nue et les doigts en sang. L’affaire s’est passée au mois de décembre », a indiqué au journal Novaïa gazeta le producteur de Teatrdoc, Vsevolod Lissovski. Anastassia Slonina de son côté, n’a pas commenté l’information.
Piotr Pavlenski a confirmé qu’Anastassia Slonina était venue chez lui, mais, selon ses affirmations, ils ont parlé, « se sont amusés comme des gosses et c’est tout », avant de se quitter « en amis ».
« Tout le monde sait que nous avons avec Oksana des relations libres, que nous n’acceptons pas l’institution du mariage. Ils se sont attaqués à ce fait. Je ne sais pas depuis quand (Anastassia) Slonina collabore avec la police ni quel est son intérêt », a-t-il souligné.
« Les autorités ayant eu des problèmes en élevant presque au rang de héros les membres de Pussy Riot – un groupe de jeunes femmes condamnées à la prison pour une « prière punk » dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou –, il se peut qu’elles aient décidé d’agir par le biais des services secrets pour ternir la réputation (de l’artiste) », a de son côté indiqué à RBTH Marat Guelman, galeriste et collectionneur russe émigré au Monténégro.
Mais deux heures à peine après l’annonce de l’émigration du performeur, les artistes de Teatrdoc ont relaté une toute autre histoire. Selon eux, Piotr Pavlenski, sa compagne et plusieurs de leurs camarades ont battu à coups de pied l’ex-compagnon d’Anastassia Slonina. Leur récit est confirmé par une vidéo d’une caméra de surveillance rendue publique. La vidéo est toutefois de mauvaise qualité et il est impossible de voir le visage de qui que ce soit. Piotr Pavlenski a déclaré qu’une bagarre avait en effet eu lieu, mais qu’il n’était pas au courant d’éventuelles poursuites pénales.
Les connaissances de l’artiste affirment qu’il n’aurait jamais quitté le pays s’il ne risquait pas de dix ans de prison. Et à en juger d’après les commentaires de Teatrdoc, la piste d’une « persécution politique » ne tient plus la route.
« Le couple a fui les persécutions sur des accusations d’agression sexuelle. Une seule question s’impose : comment ont-ils réussi et pourquoi ont-ils été relâchés ? a dit à RBTH Anton Litvine, peintre et propriétaire de la galerie Ru.Litvin. À mon avis, il n’est pas question de persécutions politiques. Pour quelle raison ? Il est solitaire et il ne travaille que pour son compte. Il n’unit pas (les gens), mais il les divise ».
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