Directeur du centre Levada, Lev Goudkov.
Valeriy Levitin/RIA NovostiEn juillet dernier, le mouvement patriotique-conservateur russe anti-Maïdan a saisi le ministère de la Justice en demandant à qualifier le Centre analytique Levada d’« agent de l’étranger ». Au mois d’août, Levada a vu débarquer des experts dans le cadre d’une vérification de documents. Le 5 septembre, le ministère de la Justice a satisfait la demande.
Selon le ministère, une telle décision est liée au fait que le Centre est financé depuis l’étranger et qu’il s’occupe d’activités politiques, en l’occurrence de la publication de résultats de sondages. Ce qui, du point de vue du ministère, influe sur les opinions et les convictions des Russes. Les fonctionnaires ont cité plusieurs sociétés (de Grande-Bretagne, des Etats-Unis, de Norvège, d’Allemagne et de Lituanie) qui financent Levada.
Le directeur de Levada, Lev Goudkov, a déclaré que cette qualification était « purement politique » et a précisé que la vérification avait été effectuée de manière négligée et tendancieuse.
Réputation en moins, bureaucratie en plus
Le Centre analytique Levada est l’un des trois plus grands services sociologiques de Russie et l’unique organisation privée au sein de ce « trio » à n’avoir aucun rapport avec le gouvernement. Les activités des sociologues se trouveront compliquées du fait de l’attribution du statut d’agent de l’étranger (qu’il est indispensable de citer dans tous les documents), a indiqué Alexeï Grajdankine, directeur adjoint de Levada. « Aujourd’hui, l’expression même (agent de l’étranger) revêt une connotation négative, c’est une tache qui limite la marge de manœuvre », a-t-il dit à RBTH.
En outre, explique Svetlana Vassilieva, de la chaire du droit constitutionnel et administratif de la Haute école d'économie, une structure qualifiée d’agent de l’étranger doit porter un fardeau bureaucratique supplémentaire. « Il faut présenter des comptes rendus réguliers sur la formation des capitaux. La structure doit être soumise à un audit. L’organisation ayant inscrit la structure sur la liste a le droit de lancer des vérifications surprise et de routine », a-t-elle noté.
Pas touche aux élections
De fait, le nouveau statut interdit à Levada de publier les résultats de sondages ayant trait aux législatives prévues pour le 18 septembre. « Tout commentaire des données obtenues, même neutre, risque d’être interprété comme de la propagande électorale, a poursuivi Sveltana Vassilieva. Or, tout agent de l’étranger se voit interdire de faire quelque propagande que ce soit sous peine d’une forte amende ».
Alexeï Grajdankine estime lui aussi que désormais, le Centre analytique Levada devra s’abstenir de sondages relatifs aux élections. « Du point de vue juridique, nous pouvons organiser des sondages sur les élections, mais nous ne pouvons pas publier leurs résultats », a-t-il fait remarquer.
Une décision politique ?
Certains politologues estiment que Levada a été qualifié d’agent de l’étranger suite à la récente publication des résultats d’un sondage illustrant la perte de popularité du parti au pouvoir Russie unie. Le journal Vedomosti cite le politologue Alexeï Makarkine, vice-président du Centre des politiques publiques : « [Les autorités] ont tendance à stigmatiser une structure qui pose des questions embarrassantes et à affirmer qu’elle est menée à la baguette par l’Occident ».
Dans le même temps, les hommes politiques qui soutiennent la décision du ministère de la Justice affirment qu’il n’existe aucun motif politique et qu’il s’agit seulement d’informer les citoyens. « Le Centre Levada a touché environ 4 millions d’euros de la part de sources étrangères au cours des deux dernières années. Tout le monde doit le savoir », a écrit sur Facebook Konstantin Kossatchov, président de la commission des affaires internationales du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe).
Levada s’élève contre la qualification d’agent de l’étranger. Selon Alexeï Grajdankine, la coopération entre le centre analytique et les organisations étrangères se limite à des études de marché qui ne sont jamais publiées et n’influent par conséquent pas l’opinion publique. Il a souligné que le Centre ferait appel. Toutefois, a-t-il ajouté, si Levada est débouté, il devra renoncer à tout financement étranger pour pouvoir travailler normalement.
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