Le Kremlin veut des élections propres

Ella Pamfilova (au centre) lors d'une réunion de la Commission électorale centrale.

Ella Pamfilova (au centre) lors d'une réunion de la Commission électorale centrale.

Yury Martyanov/Kommersant
A l'approche des élections législatives de septembre 2016, les autorités russes ne veulent plus que l'on puisse douter du résultat des élections, comme ce fut le cas par le passé. Et visiblement, cette volonté de transparence du Kremlin ne date pas d'hier.

La campagne pour obtenir un siège à la Douma (chambre basse du parlement russe) bat son plein et devra être propre. « Vous comprenez combien il est important que cette campagne se déroule sans infraction », a déclaré le président Vladimir Poutine. « Cela ne sera plus comme avant », prévient Ella Pamfilova, nouvelle directrice de la Commission électorale centrale (CEC). Cette dernière promet même de démissionner si les choses ne se passaient pas comme prévu.

Cette position est compréhensible : les électeurs sont déjà sous tension à cause de la crise économique et n'ont pas besoin d'un nouveau prétexte de colère. Aujourd'hui, le pouvoir craint la répétition du scénario de 2011, quand les Russes étaient descendus dans la rue pour protester contre la falsification des élections. Le Kremlin veut-il vraiment être honnête ? Tient-il seulement à préserver les apparences ? Dans tous les cas, il a déjà déployé beaucoup d'efforts pour parvenir à ses fins.

Un nouveau visage à la Commission électorale

Pour l'instant, la manœuvre la plus symbolique des autorités est d'avoir remplacé le directeur de la Commission électorale centrale. En effet, il était difficile de croire à l'honnêteté des résultats quand celle-ci était encore dirigée par Vladimir Tchourov, homme à la réputation controversée.

Pour le remplacer, on a choisi la Commissaire aux droits de l'homme en Russie Ella Pamfilova, immédiatement qualifiée de « présidente avec une mission ». Ayant pris la tête de la CEC fin mars 2016, elle a déjà annulé les résultats d’un scrutin municipal de Barvikha (un bourg comprenant un grand nombre d’habitants fortunés dans la région de Moscou) après des violations flagrantes des règles électorales. « Cela ne se passera plus comme à Barvikha », affirme-t-elle.

La figure de Mme Pamfilova pourrait aussi se révéler être un casse-tête pour les autorités. « Elle compte être beaucoup plus indépendante que Tchourov et remodèle déjà la hiérarchie de la Commission électorale », remarque pour RBTH Pavel Saline, directeur du Centre de recherches en politologie de l'Université des finances auprès du gouvernement russe.

Les petits partis, source de légitimité

Pour détendre l'atmosphère politique – et tenter de couper court à des protestations populaires similaires à celles survenues en 2011 après la précédente campagne législative – le seuil électoral pour que les partis puissent être représentés à la Douma avait été abaissé de 7% à 5%.

Cet abaissement du seuil devrait donc théoriquement contribuer à l'apparition de nouveaux partis au Parlement. Toutefois, le nombre de citoyens intéressés par les élections est en chute libre aujourd'hui en Russie, même si l'on compare avec le début de l'année. Et parmi ceux qui se rendront aux urnes, la moitié compte voter pour le parti Russie unie au pouvoir.

Dans ce contexte, les chances des partis non représentés au parlement sont faibles. « Dans le meilleur des cas il n'y en aura qu'un, et certainement un qui conviendra aux autorités », imagine Konstantin Kalatchev, directeur du  Groupe d'expertise politique indépendant. « S'agira-t-il du parti démocratique Iabloko ou d'un autre ? La question n'est pas là : le plus important est qu'un nouvel acteur fasse son entrée à la Douma car cela contribuerait à légitimer le résultat », estime-t-il.

L'avènement du mandat unique

Le système électoral lui-même a été restructuré pour passer d'un mode de scrutin proportionnel à un modèle mixte. Ainsi, la moitié des candidats seront sélectionnés via les listes fournies par les partis, et l'autre grâce à un vote par circonscriptions uninominales. De cette manière, la campagne sera moins centrée sur la promotion massive des partis que sur des débats entre personnalités concrètes.

« Les candidats des circonscriptions uninominales sont en général plus indépendants du pouvoir que ceux inscrits sur des listes de parti, et il va falloir compter avec eux. C'est une concurrence, et là où il y a concurrence on constate toujours un renforcement du contrôle de l'honnêteté sur la procédure », analyse M. Kalatchev.
 
Débats et primaires

En cette année électorale, la Douma d’État a introduit une autre règle : tous les candidats devront participer à des débat préélectoraux. Même si, il est vrai, ce genre d'événement n'éveille pas les passions en Russie : les débats politiques diffusés sur les chaînes publiques génèrent beaucoup moins d'audience (moitié moins dans le meilleur des cas) que les shows et séries télévisés. « Pour l'instant, ce n'est pas encore notre culture », remarque M. Saline.
Dans le même temps, ce nouveau standard électoral montre que les autorités font un pas vers le public.

Même chose avec les primaires dans toute la Russie, exercice auquel ne s'est plié qu'un parti, Russie unie, en 2016. Les autres formations politiques ont décidé de ne pas organiser de répétition du vote – donnant ainsi au parti au pouvoir un certain avantage concurrentiel. Car la procédure même des primaires a un avantage : en rendant publique la désignation des candidats, elle supprime théoriquement les discussions de couloir sur la formation des listes des partis, remarquent les experts.

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