Ces farceurs russes qui piègent les célébrités… et les font parler

Vovan (Vladimir Kouznetsov) et Lexus (Alexeï Stolyarov).

Vovan (Vladimir Kouznetsov) et Lexus (Alexeï Stolyarov).

Alexander Shcherbak/TASS
Les canulars téléphoniques des pranksters russes Vovan et Lexus sont plus que de simples blagues. En se présentant sous de faux noms, ils arrivent à joindre par téléphone des présidents et des politiciens en vue puis à les pousser à entretenir une conversation en toute franchise. RBTH les a contactés pour savoir qui ils comptaient attraper après Elton John et Recep Tayyip Erdogan.

Si votre téléphone sonne et qu'en décrochant vous entendez « Bonjour, c'est Vladimir Poutine », ne vous réjouissez pas trop vite – ou n'ayez pas peur. Il est fort possible que vous soyez simplement la cible des farceurs Vovan et Lexus – deux pranksters téléphoniques russes.

Leur tableau de chasse est impressionnant. En se présentant comme Vladimir Poutine et son porte-parole, ils ont appelé Elton John pour parler des droits LGBT en Russie. Sous l'identité du président ukrainien Petro Porochenko et d'Arseni Iatseniouk, alors premier ministre de l'Ukraine, ils ont également réussi à joindre le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Ou encore : en se faisant passer pour Porochenko, ils ont écrit une lettre à la pilote ukrainienne Nadejda Savtchenko – emprisonnée en Russie pour avoir tué deux journalistes russes – pour qu'elle arrête sa grève de la faim. Et le comble est que cette dernière a accepté !

Le « prank-journalisme » : qu'est-ce que c'est ?

Vovan (Vladimir Kouznetsov) et Lexus (Alexeï Stolyarov) ne se voient pas comme de simples farceurs qui jouent des tours à leurs victimes pour le simple amusement. Ils définissent leurs actions comme du « prank-journalisme » : tout en blaguant, ils essaient d'obtenir des informations exclusives.

Par exemple, ils se sont fait passer pour des fonctionnaires ukrainiens et, en discutant avec les leaders des Tatars de Crimée qui avaient organisé le blocus de la péninsule, ils ont réussi à connaître l'identité de la personne responsable de l'attentat commis en novembre 2015 contre les lignes électriques reliant l'Ukraine et la Crimée. Par la suite, les pranksters avaient transmis ces données au Parquet de la région.

« Dans notre activité, il faut avoir quelque chose du journaliste mais aussi de l'agent secret. Et, bien sûr, de l'humour », explique Vovan à RBTH.

« Patriotes, mais pas agents »

Les farces politiques de Vovan et Lexus profitent indéniablement au Kremlin : les victimes de leurs tours sont souvent des personnes qui sont en conflit avec la Russie. D'ailleurs, Kouznetsov et Stolyarov affirment eux-mêmes être patriotes et soutenir la politique de Vladimir Poutine. Par contre, ils ne travaillent pas pour le gouvernement et trouvent les contacts des personnes célèbres eux-mêmes, avec l'aide « d'amis ».

Les rumeurs sur les liens des pranksters avec les services de renseignement russes suscitent une réaction ironique. Malgré tout, prendre pour cible des hommes politiques russes et à des représentants de la société tels que Ramzan Kadyrov ou le patriarche Cyrille n'est pas dans la ligne de mire des pranksters : « Cela pourrait semer des graines de déstabilisation dans le pays »

Comment les pranksters trouvent les numéros des célébrités

Vovan et Lexus refusent de dévoiler en détail comment ils arrivent à joindre des chefs d’État, mais le schéma général ressemble à ça : ils arrivent au sommet en suivant une longue chaîne de personnes, en partant du maillon le plus bas. « Il y a des gens qui sont prêts à aider », résume Kouznetsov.

Nos virtuoses du canular se présentent également sous d'autres identités. « Nous avons par exemple obtenu le numéro de John McCain avec l'aide de Mikhaïl Saakachvili [ancien président géorgien, aujourd'hui gouverneur d'Odessa en Ukraine, ndlr]  », raconte Lexus.

Le « code d'honneur » des pranksters

« Nos activités ne sont pas si politisées, nuancent-ils. Nous ne prenons pas spécialement pour cible des ennemis de la Russie : le plus important pour nous est le contenu informatif ». C'est justement pour cela, selon eux, qu'ils ont appelé le chanteur Elton John l'automne dernier en se faisant passer pour le président russe et son secrétaire de presse : « Il avait dit qu'il voulait parler des droits LGBT avec Poutine et nous avons trouvé que c'était une idée amusante ».

Stolyarov et Kouznetsov se sont toutefois fixé des limites : « Ne pas blaguer aux dépens de personnes âgées ou malades. Nous ne provoquons pas les gens envers qui nous avons une sympathie personnelle. Et nous n'acceptons pas les demandes commerciales, comme le font d'autres pranksters »

Qui est le prochain ?

Vovan et Lexus avouent qu'ils seraient heureux de pouvoir parler avec Barack Obama ou Angela Merkel. « Les leaders européens et américains sont des personnalités de premier plan. Il est très difficile de les atteindre – et je ne dis pas que nous cherchons actuellement leur téléphone. Mais nous aimerions beaucoup leur parler », raconte Vovan.

A partir du 30 avril, les pranksters participeront au show télévisé Appel sur la chaîne NTV. Vovan et Lexus appelleront des personnes connues en fonction des thèmes d'actualité les plus chauds, et débattront ensuite directement des informations obtenues avec leurs invités et des experts.

Selon la loi russe, le fait que les pranksters se présentent sous d'autres identités au téléphone ne tombe pas sous le coup de la loi, tant qu'ils n'insultent et ne menacent pas leur interlocuteur. Pour l'instant, Vovan et Lexus n'ont pas eu d’ennuis avec la justice en Russie. En Ukraine, en revanche, Alexeï Stolyarov affirme qu'ils ont déjà fait l’objet de poursuites.n

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies