L’affaire Savtchenko en questions et réponses

La pilote militaire ukrainienne Nadejda Savtchenko dans la cage des accusés d'un tribunal de Moscou, le 17 avril 2015.

La pilote militaire ukrainienne Nadejda Savtchenko dans la cage des accusés d'un tribunal de Moscou, le 17 avril 2015.

Reuters
Le 21 mars prochain, le Parquet russe commencera la lecture du verdict de l’officier ukrainienne Nadejda Savtchenko. L’affaire de Savtchenko a conduit l’Occident à envisager de nouvelles sanctions contre la Russie. RBTH présente un bref aperçu de ce procès retentissant en questions et réponses.

Qui est Nadejda Savtchenko ?

Savtchenko est est premier-lieutenant de l’armée ukrainienne et députée du parlement ukrainien (elle a obtenu le statut de député alors qu’elle était déjà en détention en Russie). Savtchenko est placée en détention en Russie depuis juillet 2014.

De quoi est-elle accusée ?

Selon les enquêteurs, Savtchenko est impliquée dans la mort de deux journalistes russes du groupe de télévision VGTRK, Igor Korneliouk et Anton Volochine, qui ont péri dans l’est de l’Ukraine pendant l'été 2014. Elle aurait joué le rôle d’indicateur de la position de tir dans le bombardement du convoi qui comprenait les deux journalistes.

Elle est également accusée d’avoir illégalement franchi la frontière russo-ukrainienne en se faisant passer pour une réfugiée sans papiers. Les enquêteurs estiment qu’elle cherchait ainsi à fuir les insurgés de la République populaire de Lougansk (RPL). Savtchenko a été arrêtée en Russie, dans la région de Voronej.

Parmi les preuves de sa culpabilité figurent les témoignages de nombreux soldats de la RPL qui ont participé au combat ayant débouché sur la capture de la pilote. Le bureau du procureur souligne également que dans une interview, Savtchenko a reconnu avoir indiqué la position de tir sur la colonne qui comprenait les journalistes russes (elle a ensuite renoncé à ces propos).

Le procureur demande une peine de 23 ans de camp (la peine maximum pour les femmes ayant commis des crimes graves en Russie est de 25 ans) pour la pilote ukrainienne.

Quelle est la position de la défense de Savtchenko ?

Savtchenko refuse de reconnaître sa culpabilité et sa défense exige l’acquittement. Lors du procès, ses avocats ont cherché à démontrer qu’elle avait un alibi – lors du bombardement ayant emporté la vie des journalistes, Savtchenko avait déjà été capturée par les insurgés de Lougansk qui l’ont ensuite emmenée en Russie et remise aux services secrets russes.

En témoigne, selon la défense, la facture de ses portables et une vidéo réalisée par l’un des insurgés. La vidéo qui montre Savtchenko captive a été tournée avant la mort des journalistes.

Les avocats estiment que l’affaire est falsifiée et qu’après sa condamnation, Savtchenko pourra être échangée contre des citoyens russes jugés actuellement en Ukraine. Durant sa détention, Savtchenko a mené plusieurs grèves de la faim en signe de protestation.

Le 4 mars dernier, elle a commencé une « grève sèche » et a promis de la poursuivre tant qu’elle n’aurait pas été renvoyée en Ukraine.

Quel est la position de l’Ukraine et de l’Occident sur l’affaire Savtchenko ?

L’affaire a été sévèrement critiquée par differents acteurs sur la scène internationale. Le président ukrainien Petro Porochenko qualifie le procès contre l’officier ukrainienne de « farce » qui viole le droit international et estime que la Russie doit renvoyer la pilote en Ukraine « immédiatement et sans conditions ».

Washington et l’Union européenne établissent un lien direct entre l’affaire de Savtchenko et les accords de Minsk. La veille du procès, le secrétaire d’État américain John Kerry a déclaré que celui-ci témoignait d'un « manque de respect à l’égard des normes internationales et des engagements de la Russie dans le cadre des accords de Minsk ».

Par ailleurs, 57 députés du Parlement européen ont réclamé des sanctions contre le président russe Vladimir Poutine et 28 autres personnes, alors que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe refuse de restituer le mandat de la délégation russe tant que Savtchenko n’aura pas été libérée.

Quel rapport avec les accords de Minsk ?

Les accords de Minsk contiennent un paragraphe stipulant l’obligation de libérer les prisonniers de guerre et les personnes détenues illégalement (otages), explique Evgueni Mintchenko, directeur de l’Institut international d’expertise politique, mais « formellement, Savtchenko, accusée dans une affaire de meurtre, ne relève d’aucun de ces deux cas ».

Par ailleurs, les accords ne concernent que l’Ukraine et les républiques non-reconnues. Ainsi, son échange contre les prisonniers de guerre détenus à Kiev est légalement impossible.

Quelles conséquences potentielles pour l'affaire Savtchenko par ailleurs ?

Le procès de Savtchenko n’a aucun lien avec les sanctions américaines introduites contre la Russie. Celles-ci ont été motivées par d’autres circonstances, notamment le rattachement de la Crimée par la Russie.

Cependant, la politisation de cette affaire est « un autre prétexte pour accuser Moscou d’avoir torpillé les accords de Minsk ». Elle peut également être utilisée dans d’autres questions conflictuelles, estime Dmitri Danylov, directeur du département de la sécurité européenne à l’Institut de l’Europe auprès de l’Académie russe des sciences.

Moscou peut-il céder dans le cas de la pilote ukrainienne ?

Les experts russes estiment que cette probabilité est proche de zéro. Compte tenu de la gravité des faits reprochés, ainsi que de la résonance publique de cette affaire, le procès contre Savtchenko est une question de principe pour Moscou et un verdict clément est inenvisageable.

« La Russie, comme tout pays qui se respecte, doit montrer qu’elle sait résister à une pression extérieure ouverte », explique Alexeï Zoudine, politologue et membre du conseil d’experts de l’Institut des recherches socio-économiques et politiques. 

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