Le premier magasin Spassibo a ouvert ses portes en 2010.
Yuri Belinsky/TASSAu premier abord, la boutique de la rue Gorokhovaïa avec son enseigne étrange « Spassibo » (merci) ressemble à un simple magasin branché aux accents vintage : de vieux livres, des disques vinyles, des robes de l’époque soviétique, des chapkas rigolotes, des accessoires faits main. La boutique attire des étudiantes qui veulent se faire plaisir avec des pièces un brin désuètes et bon marché, des ménagères à la recherche de nouveaux habits à prix démocratiques et des metteurs en scène en quête de costumes et accessoires.
« Ici, c’est un peu la caverne d’Ali Baba : vous trouverez de tout. Peut-être pas aujourd’hui, mais demain ou dans une semaine, c’est certain », explique la vendeuse Karina. Devant moi, un jeune homme essaie un manteau en tweed de la fin des années 80 aux épaules immenses et col en lapin. Je ne suis pas sûre qu’on porte des choses comme ça aujourd’hui, mais ça lui va très bien. À côté, une femme d’âge moyen coiffée d’un béret regarde les pantalons de bureau. Tout l’assortiment se vend à 500-600 roubles (6-7 euros).
Plus qu’un second-hand
En réalité, cette boutique insolite fait partie d’un projet caritatif et créatif. L’idée est née dans la tête de Ioulia Titova, qui s’est trouvée confrontée au défi de se débarrasser intelligemment des affaires dont elle n’avait plus besoin.
« Les gens démunis ont besoin de vêtements simples et chauds en bon état, ils n’ont pas besoin de sandales à talons ni de robes de cocktail », raconte Ioulia. « De plus, pour donner quelques fringues, il faut se déplacer et ce n’est pas pratique. Je me suis dit qu’il fallait créer un système où les uns pourraient donner tout ce dont ils n’ont plus besoin et les autres trouver ce qu’il leur faut gratuitement ou pour une petite somme ».
Pourtant, Ioulia n’avait absolument pas envie de créer de simples boutiques d’occasion où les clients sont contraints de retourner des montagnes de chiffons dans des sous-sols sombres qui sentent l’humidité. Elle s’est inspirée des boutiques vintage caritatives qu’elle avait vues à Londres et qui attirent des publics aux besoins très variés, le tout sans sacrifier le concept de plaisir.
Le premier magasin Spassibo a ouvert ses portes en 2010. Aujourd’hui, la chaîne compte quatre boutiques et un point de distribution gratuite.
Deuxième et troisième vie
A l'intérieur de la boutique Spassibo rue Gorokhovaïa. Crédit : Daria Ivanova/Interpress/TASS
L’innovation principale de Ioulia Titova ne porte pourtant pas sur l’intérieur confortable des boutiques, mais sur le moyen de récupérer efficacement les objets dont les habitants de Saint-Pétersbourg n’ont plus besoin. Ces derniers peuvent s’en débarrasser le jour spécialement indiqué dans l’une des quatre boutiques. Pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer, des conteneurs spéciaux de Spassibo sont installés à travers la ville dans des centres commerciaux et autres lieux publics.
Après un traitement minutieux, environ 17% des pièces récoltées sont envoyées en magasin, 52% sont réservées aux fins caritatives et distribuées gratuitement aux personnes physiques et morales, le reste est transformé (31%).
Au départ, l’équipe de Ioulia a été confrontée à un problème important : que faire des pièces en mauvais état qu’on ne peut ni donner ni vendre. « À un moment donné, nous avons accumulé beaucoup de pièces avec des trous, des tâches installées, des fermetures cassées », raconte Andreï Anatolievitch, directeur administratif. « Nous avons eu l’idée de lancer notre propre chaîne de transformation ». Les vêtements abîmés ne finissent plus à la décharge, mais sont transformés en fibre régénérée destinée à garnir les matelas, les meubles et les couettes.
Préoccupation humanitaire
L’activité caritative est un élément clé du fonctionnement de Spassibo. Durant son tri, l’équipe choisit d’abord les pièces simples en bon état qui peuvent servir aux personnes qui, pour telle ou telle raison, se trouvent sans abri et sans ressources. Les organisations caritatives peuvent toujours se présenter pour récupérer les pièces utiles, ce qui facilite grandement le travail de Spassibo, car cela évite à la chaîne la collecte et le tri fastidieux des pièces.
Par ailleurs, Spassibo envoie des lots d’aide humanitaire dans les zones frappées de catastrophes naturelles ou de conflits. « L’année dernière, nous avons envoyé des lots importants en Khakassie (république russe de Khakassie située dans le sud de la Sibérie, ndlr) où les inondations ont fait beaucoup de victimes », raconte Ioulia. « Plusieurs fois, nous avons envoyé des vêtements dans le sud-est de l’Ukraine ».
Spassibo dispose d’un centre de distribution de vêtements aux pauvres. Quatre fois par semaine, les personnes démunies peuvent venir choisir des vêtements gratuitement. Cependant, il faut désormais s’inscrire pour la distribution et actuellement, les places sont prises pour les deux prochains mois.
4 boutiques d’occasion
Plus de 30 conteneurs de collecte de vêtements
Atelier de traitement de vêtements usés 230 tonnes d’articles distribués aux nécessiteux et aux organisations caritatives
5 201 400 roubles (60 582 euros) transférés sur les comptes d’organisations caritatives
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