Contrôle d'Internet : les lois russes à la loupe

Reuters
L’ancien employé de la CIA Edward Snowden est très critique vis-à-vis de l’état des droits de l’homme dans le domaine du Web en Russie. Il estime que le pouvoir renforce son contrôle sur les internautes. Le secrétaire de presse du président russe Dmitri Peskov a répondu aux critiques en qualifiant les propos de Snowden de contestables. Il est cependant très facile d’évaluer la situation réelle, en passant au crible les lois votées au cours de ces deux dernières années.

1.02.2014 Amendements à la loi « Sur l’information, les technologies de l’information et la protection de l’information ».

Sur le papier : Le Parquet général a obtenu le droit de bloquer des sites publiant des données interdites sans en avertir le tribunal ni le propriétaire du site. Les ressources Internet appelant à l’extrémisme et aux troubles publics se retrouvent sur une liste noire.

Dans les faits : « Le propriétaire de la ressource peut ne pas encore être au courant de ses torts, mais il est bloqué sans avertissement », explique Alexeï Chatalov, juriste et directeur général d’IT-Jurist. « En outre, cette loi permet de bloquer tout type de ressources, même quand quelqu’un poste un commentaire illégal et que le modérateur n’a pas eu le temps de le supprimer ».

25.07.2014 Décret du ministère des Communication sur la collecte plus détaillée et plus précise des données des utilisateurs

Sur le papier : Les autorités russes ont contraint les opérateurs à appliquer de nouveaux critères aux équipements SORM (système pour activité d'enquête opératoire). Désormais, ils doivent conserver les enregistrements de tous les échanges sur leurs réseaux pour une période de 12 heures minimum.

Dans les faits : Les services spéciaux peuvent demander aux opérateurs de communiquer le login de l’internaute, son adresse email, la liste de ses contacts et abonnés, le nombre et le volume des messages reçus et envoyés, les tentatives de suppression ou de modification d’un compte, les horaires et les dates des visites de telles ou telles pages, les appareils utilisées par l’internaute pour sa connexion ainsi que la liste de tous les services payants. « L’État veut à tout moment savoir qui se connecte à Internet et où et pourquoi il le fait », commente l’expert.

1.08.2014 Loi sur les blogueurs

Sur le papier : La loi oblige les auteurs des ressources Internet comptant plus de 3 000 visiteurs journaliers à s’enregistrer auprès de Roskomnadzor (Service fédéral de supervision des communications, des technologies de l'information et des médias de masse). Ils sont soumis aux mêmes contraintes que les médias.

Dans les faits :« Pour les personnes créatives, et ce sont principalement eux qui tiennent des blogs, il est problématique de surveiller le nombre de personnes qui consultent leur ressource, c’est un fardeau supplémentaire. Par ailleurs, ceux qui sont visés par cette mesure n’auront aucun mal à contourner cette loi », explique Chatalov. Le blog de l’opposant Alexeï Navalny est un exemple typique : il est bloqué en Russie, mais peut facilement être consulté via un serveur proxy.   

07-08. 2014 Décisions du Gouvernement interdisant l’inscription anonyme sur Internet

Sur le papier : Conformément aux nouvelles règles, les opérateurs doivent demander les données de leurs passeports aux utilisateurs qui s’inscrivent sur leurs réseaux. Selon les auteurs de la loi, cette mesure permettra d’identifier les délinquants et agira de manière préventive. Ainsi, l’accès aux réseaux publics Wi-Fi ne sera plus anonyme.

Dans les faits :« Ces décisions sont en phase d’élaboration. Après une tentative d’introduction, le Gouvernement a compris qu’elles n’étaient pas réalisables et les a envoyées en révision. Elles devraient entrer en vigueur début 2016, mais je doute fortement que ce soit le cas », raconte Chatalov.

1.05.2015 Amendements à la loi anti-piratage

Sur le papier : Roskomnadzor peut bloquer sans l’avis du tribunal l’accès aux sites publiant des copies illégales de livres, musiques et émissions. Si le détenteur des droits gagne deux procès contre la même ressource, l’accès au site peut être bloqué définitivement.

Dans les faits :« Le délai accordé – 24 heures - est très court pour agir. Si quelqu’un publie illégalement un film le vendredi, puis le week-end n’est pas ouvré, le site reprend son travail le lundi et se retrouve bloqué », explique le juriste. « Je pense qu’il faut évidemment protéger les auteurs, mais pas en bloquant les sites définitivement. Ce sont tout de même des entreprises, leurs propriétaires investissent de l’argent pour les lancer. Il serait plus judicieux d’introduire des amendes contre les contrevenants qui seraient reversées aux détenteurs des droits, ainsi tout le monde serait content ».

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